Dette publique française

La dette publique française a récemment franchi le seuil des 3300 milliards d’euros, soit près de 114 % du PIB. En 2024, la charge de la dette (le paiement des seuls intérêts) s’élevait à 51 milliards d’euros. Elle pourrait bondir à 100 milliards d’euros d’ici 2028. A titre de comparaison, le budget de l’Education nationale était de 64 milliards d’euros en 2024.

Jour après jour, les politiciens bourgeois évoquent ces chiffres pour justifier l’urgence de contre-réformes et de coupes drastiques dans les budgets sociaux.

Le fait est que, sur la base du capitalisme, l’augmentation indéfinie de la dette publique n’est pas viable. A un certain stade, le risque est de voir les créditeurs de l’Etat français – les institutions financières qui lui prêtent de l’argent – exiger des taux d’intérêt insoutenables.

Contrairement à ce qu’on entend souvent dans la gauche réformiste, la flambée de la dette publique n’est donc pas seulement un prétexte pour mener des politiques anti-sociales ; c’est aussi une expression de l’impasse et du parasitisme du système capitaliste. Pour régler le « problème de la dette », il faudra en finir avec le capitalisme lui-même. C’est précisément cette conclusion que les dirigeants réformistes rejettent.

D’où vient la dette publique ?

Marx soulignait que le crédit est un moyen d’accroître artificiellement les limites du marché. C’est une façon d’injecter dans l’économie des richesses futures, qui n’ont pas encore été produites. Lors des phases d’expansion économique, le crédit est un levier fondamental de la croissance elle-même. Mais lors des phases de contraction des marchés, les différentes formes de crédit – et notamment les dettes publiques – ne soutiennent l’économie qu’au prix d’aggraver la crise de surproduction qui mûrit inéluctablement.

Pour amortir le choc de la crise mondiale de 2008, les bourgeoisies ont regonflé les bulles spéculatives : elles ont injecté d’énormes quantités de liquidités dans l’économie. En France, Sarkozy a mobilisé 360 milliards d’euros d’argent public pour sauver les banques et les grandes entreprises françaises. La dette publique est passée de 64,2 % du PIB en 2007 à 87,4 % en 2012. Puis, face à la paralysie provoquée par la pandémie de 2020 et 2021, Macron a dépensé 424 milliards d’euros d’argent public. L’objectif était d’éviter une explosion sociale et de garantir les profits de la classe dirigeante. Cet endettement de l’Etat français était soutenu par la Banque centrale européenne (BCE), qui rachetait massivement des titres de dettes publiques sur les marchés financiers, afin d’en limiter les taux d’intérêt.

Les partisans des politiques d’austérité « oublient » systématiquement d’expliquer à quoi ont servi, concrètement, ces sommes d’argent colossales. Ils passent sous silence le fait suivant : pour une très large part, l’endettement de l’Etat français a permis de compenser les exonérations d’impôts et les subventions aux grandes entreprises, qui n’ont cessé d’augmenter depuis le début des années 2000. Chaque année, désormais, entre 150 et 200 milliards d’euros d’argent public sont versés dans les coffres des banques et des grandes entreprises, sous des prétextes divers : « créer des emplois », « innover », etc. Dans les faits, cependant, cet argent finit dans les poches des actionnaires et les paradis fiscaux – comme le savent bien les travailleurs qui sont victimes de l’actuelle vague de plans sociaux : toutes les entreprises concernées ont bénéficié des largesses de l’Etat français.

Bien sûr, le gouvernement de François Bayrou n’a pas la moindre intention de toucher à cet énorme transfert d’argent public dans les caisses du grand patronat. Il demande aux pauvres, aux travailleurs et aux retraités de payer une dette qui a essentiellement profité à la classe dirigeante.

Dette et socialisme

Face à cette situation, le programme officiel de la France insoumise propose de « faire racheter par la BCE la dette publique qui circule sur les marchés financiers ». Mais c’est précisément ce qu’a fait la BCE pendant de nombreuses années. Résultats : les contre-réformes se sont poursuivies – et l’injection massive de liquidités (grâce à la BCE) a joué un rôle central dans la crise inflationniste qui a éclaté en 2022. Enfin, il est permis de douter que la BCE sera disposée à financer les mesures progressistes de la France insoumise, si elle arrive au pouvoir !

La « solution » réformiste de la FI n’en est pas une. Seule la classe ouvrière, une fois au pouvoir, pourra régler la question de la dette conformément aux intérêts du plus grand nombre. Comment ? En expropriant l’ensemble des grands groupes industriels et financiers qui pillent le pays. A elle seule, la nationalisation de toutes les banques et de tous les grands moyens de production – sans indemnisation des gros actionnaires – éliminera une bonne partie de la dette publique. Le reste sera simplement répudié par le pouvoir des travailleurs.

Dans une économie socialiste, le crédit cessera d’engraisser des milliardaires. Il deviendra un instrument de la planification démocratique de la production, jusqu’à ce que le développement des forces productives et du bien-être des masses permette de jeter la dette et son compagnon – le fétiche monétaire – dans les poubelles de l’histoire.