Agentes d’entretien de Sciences Po Paris

Mardi 11 mars, la lutte des agentes d’entretien (en majorité des femmes) de Sciences Po Paris s’est achevée après 6 jours de grève reconductible. Début mars, les 77 salariées ont appris que leur employeur, Atalian, allait rompre son contrat avec Sciences Po dès avril, soit un an avant la date prévue. Aux yeux de ce géant des services de nettoyage, le contrat avec Science Po n’était pas rentable.

L’université avait prévu de chercher un autre prestataire pour les services de ménage, à un moindre prix. Les salariées allaient conserver leur poste sous le régime du nouveau prestataire, mais avec des conditions de travail encore plus dégradées. Nous avons rencontré une gréviste, que nous appellerons Nadia, qui nous a parlé des raisons de leur grève et de toute l’hypocrisie de cette institution privée financée par de grandes entreprises françaises comme LVMH et BNP Paribas : « Sciences Po veut faire des économies, et c’est nous qui subissons. En fin de compte, la seule chose qui va changer, c’est notre fiche de paye. »

Des conditions de travail insoutenables

Depuis des années, Sciences Po et le groupe Atalian intensifient l’exploitation des agentes d’entretien. Ne pouvant baisser leurs salaires – puisqu’elles sont déjà payées au SMIC – Sciences Po et Atalian ont augmenté la charge de travail qui repose sur chaque salariée. En 2023, le prestataire a retiré aux salariées un total de 700 heures, pour la même charge de travail : « On nous avait dit que c’était temporaire », explique la gréviste. « Finalement, non seulement ça a été maintenu, mais avec le nouveau prestataire davantage d’heures pourraient être supprimées. »

Les agentes, principalement des femmes âgées de 55 à 65 ans, sont complètement surmenées : « Il y a une seule personne – une femme de plus de soixante ans – qui s’occupe de tout le site de Place Saint-Thomas d’Aquin [14 000 mètres carrés] les après-midis. Deux salariées doivent nettoyer tous les jours, à elles seules, les cinq étages de la bibliothèque, plus le rez-de-chaussée. D’autres ont 15 toilettes à nettoyer par personne et tout doit être fait entre 6 heures et 8 heures 30 du matin. La hausse de la charge de travail a provoqué une augmentation des accidents du travail : “Par exemple, quand le matin nous arrivons, les poubelles sont tellement remplies que les salariées se blessent en les portant dans les escaliers. » Et Sciences Po, qui a acheté et rénové le site Place Saint Thomas d’Aquin pour 180 millions d’euros, ne met même pas à disposition des vestiaires décents pour les travailleuses : « Dans certains bâtiments nous devons nous changer dans les toilettes, et laisser nos affaires dans des locaux remplis de matériel de nettoyage sale. »

Mensonges et hypocrisie

Sciences Po a tenté de se dédouaner en répétant que les 77 grévistes ne sont pas ses salariées. « Mais c’est bien Sciences Po qui, en tant que client, a approuvé la réduction du temps de travail ! C’est ça qui nous chagrine » explique Nadia. Tandis que Atalian et Sciences Po se renvoient la balle, ce sont les salariées qui paient les pots cassés.

Les grévistes ont revendiqué un treizième mois, le rétablissement des heures de travail retirées, une prime vacances de 350 euros, l’augmentation de la prime panier repas (pour se payer à manger dans le très cher septième arrondissement où est situé le campus), et une étude sur les avantages que représenterait la réinternalisation des salariées par Sciences Po.

Durant la grève – soutenue par le personnel et les étudiants de Science Po via des pétitions – la direction a orchestré une campagne de mensonges et d’intimidations à l’égard des travailleuses. L’administration a par exemple fermé le campus pendant plusieurs jours, soi-disant à cause de « violences et de graves dégradations » de la part des grévistes. La réalité était toute autre : dès le deuxième jour de grève, les locaux étaient déjà envahis par la saleté, révélant une vérité fondamentale : sans ses agentes d’entretien, l’école qui forme un bon nombre de politiciens bourgeois est incapable de fonctionner. Une vérité que le directeur, Luis Vassy, a été contraint de constater.

Au bout de six jours de grève, la direction a finalement cédé et accepté d’ouvrir des négociations. Les représentants du syndicat CFDT francilien de la propreté, qui ont dirigé le mouvement, ont conclu un accord avec Sciences Po : l’obtention d’un treizième mois et le maintien d’Atalian comme prestataire jusqu’en avril 2026. C’est une victoire partielle, mais très significative. Les agentes d’entretien ont montré, encore une fois, que seule la lutte paie !