Cela fait maintenant cinq mois que les femmes de ménage des hôtels Première Classe et Campanile de Suresnes (Hauts-de-Seine) sont en grève. Nous nous sommes rendus sur leur piquet de grève et nous avons rencontré Tounkara Kandé, déléguée CGT-HPE, et ses camarades. Elles nous ont décrit leurs conditions de travail, le mépris de la direction vis-à-vis des salariées et nous avons échangé sur leur lutte.
Bas salaire et gros profits
Les agents d’entretien sont indispensables au secteur de l’hôtellerie : les lits, les chambres et les salles de bain doivent être propres, et cela tous les jours d’ouverture de l’hôtel. Sans elles (le métier est très largement féminin), aucun établissement ne pourrait rester ouvert ne serait-ce qu’une journée.
Le patronat exploite ces femmes de ménage par tous les moyens possibles. Les conditions de travail sont très dures, aussi bien physiquement que mentalement : « Il faut d’abord résister à la fatigue, exécuter les tâches rapidement et avec précision. Il faut constamment se lever, se baisser, travailler toujours debout et maîtriser les règles d’hygiène et de propreté. Il faut ensuite résister aux longues journées de travail, aux journées qui commencent tôt – souvent à 5h30 du matin – et qui s’étendent jusqu’à tard dans la soirée – jusqu’à 20h ou 21h ».
Les salaires des femmes de ménage dépassent rarement le SMIC, cela d’autant plus que Campanile externalise souvent le nettoyage des chambres. L’entreprise fait appel à des sociétés d’intérim qui exploitent des travailleurs sans-papiers hors de toute contrainte légale et sans respect du salaire minimum.
Au passage, cette situation montre bien l’hypocrisie de la classe dirigeante : à travers sa presse et ses politiciens, elle stigmatise les immigrés et les sans-papiers pour diviser la classe ouvrière ; alors même que des pans entiers de l’économie – et donc de ses profits – reposent sur l’exploitation brutale des sans-papiers.
La lutte exemplaire des salariés de Campanile
Les salariées de l’hôtel Campanile n’en sont pas à leur première lutte. En 2011, alors qu’elles étaient embauchées via une entreprise sous-traitante, elles avaient fait grève et avaient réussi à obtenir leur intégration formelle au groupe Campanile. Une partie des salariées s’étaient organisées dans la CGT durant cette lutte. Si la direction avait dû céder face à leur détermination, elle guettait depuis une occasion de se débarrasser des militantes les plus combatives.
Cette occasion est arrivée : en août 2024, les salariés ont appris le licenciement d’une de leurs collègues, Magassa, pour « faute grave ». Alors qu’elle était en congé au Mali, cette dernière avait perdu son titre de séjour. En l’absence d’une connexion fiable dans son village, elle n’a pu prévenir la direction que par l’intermédiaire de sa déléguée syndicale. Lorsqu’elle a pu rentrer en France (une fois qu’elle avait obtenu de nouveaux documents) et retourner à l’hôtel, elle y a été accueillie par la police ! La direction estime en effet que, faute d’une explication écrite par courrier, son retard équivalait à une absence injustifiée. Elle a donc été licenciée et expulsée manu militari, après plus de 10 ans de service au sein de l’hôtel.
Les seize femmes de ménage de l’établissement ont immédiatement décidé de se mettre en grève. Depuis le 19 août 2024, elles réclament la réintégration de Magassa, la fin du harcèlement des salariées par la direction (qui a recours à des mesures disciplinaires abusives), l’augmentation de leurs salaires et l’amélioration de leurs conditions de travail.
La direction a alterné la carotte et le bâton. Elle a cédé sur quelques points secondaires, mais a refusé de concéder quoi que ce soit sur les principales revendications et a eu recours à une répression permanente, y compris en faisant appel à la police : « la direction a tenté de limiter l’accès au local syndical, en interdisant aux femmes de ménage d’y accéder par l’accueil de l’hôtel. La police a aussi arrêté et placé en garde en vue plusieurs soutiens des grévistes avec un motif original : les “coupables” auraient commis des “agressions sonores” en jouant de la musique sur le piquet de grève ! »
Cette répression n’a pas été suffisante pour briser la détermination des seize femmes de ménage du Campanile de Suresnes. Leur grève continue et a toujours besoin de notre soutien. Une caisse de grève a été créée (1) et, en décembre, la CGT-HPE et l’Union Départementale des Hauts-de-Seine ont organisé un repas solidaire.
Tout cela est nécessaire, mais ne suffira pas forcément pour vaincre les patrons de Campanile, qui disposent d’énormes réserves financières et de l’appui de la police. La lutte des salariées de Campanile est celle de tous les salariés précaires qui subissent les pressions et l’exploitation brutale du patronat du secteur de l’hôtellerie. Pour assurer leur victoire, leur mobilisation doit s’étendre et chercher à englober le maximum de travailleurs d’autres hôtels et d’autres entreprises : face au patronat, l’attaque est la meilleure des défenses !