Agence Française de Développement

En février dernier, la députée européenne Reconquête Sarah Knafo a profité du démantèlement de l’Agence d’aide au développement américaine, l’USAID, pour accuser son équivalente française, l’Agence Française de Développement (AFD), de « gaspiller » des centaines de millions d’euros d’argent public versés à des pays étrangers.

Il est pourtant difficile de concevoir qu’alors que la classe dirigeante met à l’ordre du jour toujours plus d’austérité pour les travailleurs français, elle ferait le cadeau généreux et désintéressé de centaines de millions d’euros à des pays pauvres. En réalité, comme l’a dit le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot dans sa réponse à Knafo : l’AFD est un outil au « service des intérêts des Français », c’est-à-dire de l’impérialisme français.

Le discours et la réalité

L’AFD fonctionne principalement en finançant des appels à projets par des prêts – souvent à des taux très faibles – à des Etats, ou bien en subventionnant directement des entreprises privées ou des ONG. En 2023, 13,5 milliards d’euros ont ainsi été investis. Selon l’Agence, tout ceci vise à « améliorer les conditions de vie dans les pays défavorisés », à réduire les inégalités et à préserver l’environnement.

Derrière ces beaux discours, la réalité est bien différente. Ne serait-ce que parce que le choix des entreprises bénéficiaires de ces aides est souvent en contradiction totale avec les objectifs affichés par l’AFD : financement d’industries agroalimentaires ultra-polluantes, déplacements forcés de populations, exploitation brutale des salariés

Et, surtout, tout ce verbiage « humaniste » vise à dissimuler le rôle que joue l’AFD dans la défense et la promotion de l’impérialisme français, particulièrement en Afrique.

L’Agence sert notamment à garantir aux entreprises françaises une présence avantageuse sur les marchés de ses anciennes colonies. D’après des enquêtes de Disclose et Mediapart, sur 495 lots de marchés financés par l’AFD entre 2015 et 2019, 320 ont été attribués à des entreprises françaises, notamment à des filiales de Suez environnement, d’Engie et de Vinci. Au total, ce sont près de 249 millions d’euros qui ont été directement versés par la France pour ces appels d’offres. Ces subventions permettent aux entreprises de réaliser facilement des profits importants, qui viennent ensuite remplir les poches de leurs actionnaires.

En plus d’augmenter la quantité d’argent public versé aux entreprises françaises, l’AFD sert aussi à assurer la fidélité des gouvernements locaux envers l’impérialisme français. C’est pour cela qu’une grande partie des prêts sont versés directement aux Etats, qui à leur tour financent des entreprises dont les dirigeants et les actionnaires sont souvent des proches des régimes concernés.

En février dernier, le média OFF Investigation a publié une enquête qui mettait au jour un exemple de ce mécanisme de corruption en Mauritanie. Dans le cadre d’un ensemble de projets de construction d’infrastructures d’eau potable, 2 millions d’euros ont été versés à des entreprises locales dont l’une était dirigée par un proche du président mauritanien. Or, le coût réel des travaux a été estimé en réalité à… 300 000 euros ! Soit 1,7 million d’euros offerts par l’Etat français ! Pas étonnant que la Mauritanie reste un serviteur fidèle de l’impérialisme français dans la région.

Parfois, les dettes issues de ces prêts sont carrément annulées, voire transformées purement et simplement en dons, grâce à ce que l’AFD appelle des « contrats de désendettement et développement ». A travers ce mécanisme de corruption (mal) dissimulé, la France s’assure donc de la loyauté des régimes en place, qui peuvent voir leurs dettes annulées s’ils se montrent suffisamment dociles.

Illusions réformistes

Quant aux populations locales, elles ne voient souvent jamais la couleur de ces millions. Prenons l’exemple du projet d’infrastructures d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable dont nous parlions plus haut, qui devait être construit en Mauritanie. OFF Investigation a révélé que 22,3 millions d’euros y avaient été alloués, mais qu’une partie des infrastructures prévues n’avaient même pas été construites et que celles qui l’avaient été n’avaient fonctionné que quelques jours. Les populations concernées n’ont donc pas reçu l’eau potable promise, mais des millions d’euros n’en ont pas moins été versés aux entreprises mauritaniennes mandatées.

Lorsque des révélations de ce type sont faites par la presse, les réformistes s’empressent de proclamer qu’il faudrait que les institutions comme l’AFD reviennent à leur soi-disant « rôle originel ». Mais, comme le prouvent les résultats de décennies « d’aides » aux pays sous-développés, l’aide soi-disant désintéressée des puissances impérialistes a toujours visé à assurer le maintien de leur domination. L’AFD sert précisément à corrompre les classes dirigeantes des pays soumis à l’impérialisme, pour assurer leur soumission. Loin d’aider au « développement », elle entretient l’arriération économique et la sujétion de pays entiers !

Le seul moyen pour les travailleurs français d’aider la classe ouvrière et les opprimés des pays soumis à l’impérialisme, c’est de lutter contre notre propre classe dirigeante. Ce n’est qu’en la renversant et en établissant une société socialiste, dans laquelle l’économie sera planifiée pour satisfaire les besoins de tous, que nous pourrons établir une véritable coopération internationale !