Aide sociale à l’enfance sacrifiée

Emmanuel Macron avait fait de l’enfance la « grande cause » de son second quinquennat. Comme pour chacune de ces proclamations jupitériennes, le bilan est catastrophique. A propos de l’aide sociale à l’enfance (ASE) – qui suit plus de 380 000 mineurs et majeurs de moins de 21 ans – le Syndicat de la magistrature parle même d’un système « qui craque de la coque au pont ».

Manque de moyens

La protection de l’enfance est du ressort des départements, mais leurs budgets sont totalement insuffisants. Et ce ne sont pas les faibles moyens alloués par l’Etat qui vont y changer grand-chose. Le gouvernement promet par exemple de créer quelques centaines de places d’hébergement supplémentaires pour les enfants de l’ASE… alors que les besoins se comptent en dizaines de milliers.

Il manque 30 000 professionnels dans le secteur. Les contrôles sont donc extrêmement rares et des situations de maltraitance peuvent durer des années. Face aux souffrances de « leurs » jeunes, nombre d’éducateurs finissent en burn-out, en dépression ou finissent par se réorienter.

La loi impose aux départements de faire passer un bilan de santé chaque année à tous les jeunes de l’ASE, mais cette mesure n’est respectée que dans moins d’un tiers des cas. La plupart des jeunes suivis n’ont pas accès aux soins les plus élémentaires. Un dispositif actuellement à l’essai, nommé « Santé Protégée », prévoit un forfait annuel de 430 € pour payer les frais médicaux des enfants placés. Mais ce chiffre est largement insuffisant au vu des besoins médicaux de ces enfants, qui souffrent souvent de nombreux problèmes de santé.

Les études montrent en effet que les enfants placés ont 11 fois plus de risque de démence et 37 fois plus de risque de dépression. Leur espérance de vie est réduite en moyenne de 20 ans et ils sont plus enclins à développer toutes sortes de pathologies (addictions, diabète, cancers, etc.).

Carences publiques, profits privés

Faute d’hébergements adaptés, l’ASE fait feu de tout bois. Certains enfants vont séjourner à l’hôpital (parfois même en hôpital psychiatrique) en attendant qu’on leur trouve un placement adapté, de sorte que les enfants placés représentent plus de 50 % des patients dans certains services hospitaliers. Ce phénomène concerne même les nourrissons, parmi lesquels sont recensés des cas d’« hospitalisme » – sorte de dépression liée à une hospitalisation précoce et prolongée. De plus, pour que ces enfants se « tiennent tranquilles », ils sont presque systématiquement bourrés de médicaments.

Les carences de l’Etat transforment l’aide à l’enfance en un véritable business. Faute de places en foyer ou en famille d’accueil, des départements payent grassement des entreprises privées ou des associations pour accueillir des enfants, sans que le bien-être des enfants placés n’entre toujours en ligne de compte. En 2017, il avait par exemple été révélé que l’ASE du Nord avait placé illégalement des dizaines d’enfants auprès d’une pseudo-association dirigée par un homme condamné pour des agressions sexuelles sur mineurs. Celui-ci avait organisé un véritable réseau d’exploitation des allocations versées par l’ASE. Les enfants étaient drogués, contraints de travailler gratuitement et parfois torturés par leurs « familles d’accueil ». Malgré plusieurs signalements d’éducateurs inquiets, l’ASE du Nord avait préféré fermer les yeux, tant elle manquait de places d’hébergement.

Le résultat de ce naufrage des services sociaux est sans appel : 70 % des enfants suivis par l’ASE ne décrochent aucun diplôme ; un quart des SDF sont d’anciens enfants placés auprès de ses services ; et les anciens « enfants de l’ASE » sont également surreprésentés dans le milieu carcéral et dans les réseaux de prostitution.

Leurs « solutions » et la nôtre

La présidente de la commission d’enquête parlementaire sur la protection de l’enfance, la députée PS Isabelle Santiago, ne cesse d’exiger le respect de la loi. Mais ses déclarations sonnent creux. Pour que la loi soit respectée, il faudrait des investissements massifs. Or, comme la quasi-totalité des députés socialistes, elle a aidé le mois dernier à faire adopter le budget archi-austéritaire du gouvernement Bayrou.

Et même le respect de la loi ne serait pas satisfaisant. En 2022, Isabelle Santiago a fait adopter un amendement pour systématiser le prolongement de l’aide aux enfants de l’ASE jusqu’à leurs 21 ans, mais cela uniquement si les jeunes concernés pouvaient présenter un projet professionnel ou de formation. En pratique, seule la moitié d’entre eux réussit à passer un « contrat jeune majeur » avec l’institution et continue d’être aidée.

Le capitalisme en crise plonge des centaines de milliers d’enfants dans une situation abominable. Les services qui sont censés leur venir en aide figurent parmi les principales victimes des politiques d’austérité. La société bourgeoise est littéralement incapable de garantir une existence humaine à de trop nombreux enfants. Elle doit être renversée. Ce n’est que sur la base d’une organisation socialiste de l’économie et de la société que nous pourrons développer un véritable service public de l’enfance avec des crèches, des écoles, des cantines, des foyers, des éducateurs et des professionnels de santé en nombre suffisant.