C’est un préjugé très courant : les communistes voudraient éliminer toute forme de propriété privée, y compris celle des résidences principales, des voitures individuelles, etc. Si les communistes prenaient le pouvoir, « tout » serait collectivisé.
Les divers propagandistes qui font circuler cette idée absurde ajoutent avec indignation : « les communistes veulent vous priver des fruits de votre travail ; ils veulent vous voler tout ce que vous avez gagné à la sueur de votre front ! »
La propriété bourgeoise
Karl Marx a déjà répondu à cette fable dans le Manifeste du Parti Communiste (1848) :
« L’abolition des rapports de propriété qui ont existé jusqu’ici n’est pas le caractère distinctif du communisme. Le régime de la propriété a subi de continuels changements, de continuelles transformations historiques. La Révolution française, par exemple, a aboli la propriété féodale au profit de la propriété bourgeoise. Ce qui caractérise le communisme, ce n’est pas l’abolition de la propriété en général, mais l’abolition de la propriété bourgeoise. »
Le socle de la « propriété bourgeoise », c’est la propriété privée des grands moyens de production. En France, quelques dizaines de familles – les Mulliez, Arnault, Lagardère, Dassault, Bettencourt, etc. – possèdent et contrôlent les principaux leviers de l’économie. Les banques, l’industrie, la distribution et les transports sont dominés par une poignée de parasites géants dont le seul objectif est d’accumuler toujours plus de profits, au détriment du plus grand nombre.
C’est cette propriété privée que les communistes veulent abolir. Nous voulons exproprier les mastodontes de tous les secteurs économiques. Nous voulons remplacer le chaos du marché par une planification socialiste et démocratique de la production. Sur cette base, l’économie sera orientée vers la satisfaction des besoins de tous, au lieu d’être soumise à la soif de profits d’une infime minorité de la population.
La sueur de quels fronts ?
En juin dernier, la France comptait 147 milliardaires. En les expropriant, les communistes vont-ils les priver des fruits de leur travail ? Evidemment pas. Ces gens ne sont pas devenus milliardaires grâce à leur travail ; ils le sont devenus grâce à l’exploitation de ceux qui, ne possédant pas de moyens de production, sont contraints de vendre leur force de travail. Les fortunes de la grande bourgeoisie sont le fruit de l’exploitation des salariés ; ce sont les profits accumulés grâce au travail de la classe ouvrière. En collectivisant les grands moyens de production, les communistes placeront ces richesses sociales entre les mains de ceux qui les créent : les travailleurs. En ce sens, ce ne sera pas un vol, mais le contraire : une restitution.
Comme l’écrivait Marx : « Le communisme n’enlève à personne le pouvoir de s’approprier des produits sociaux ; il n’ôte que le pouvoir d’asservir le travail d’autrui au moyen de cette appropriation. »[1]
La petite propriété
Qu’en est-il de la petite propriété bourgeoise, et notamment des patrons qui exploitent 5, 10 ou 30 salariés ? Ne faudra-t-il pas les exproprier, eux aussi, dans la mesure où ils « asservissent le travail d’autrui », selon la formule de Marx ?
En général, non. Ce n’est pas une question de principe, mais de réalisme économique et politique. Au lendemain de la révolution socialiste, l’expropriation immédiate de l’ensemble des petits patrons serait le meilleur moyen de semer le chaos et d’alimenter l’opposition au nouveau régime.
Pour les besoins de la planification économique, certaines « petites » entreprises seront rapidement nationalisées, notamment parmi les sous-traitants de l’industrie, car ils y jouent souvent un rôle très important. Mais dans la majorité des cas, la petite propriété capitaliste ne disparaîtra que graduellement et volontairement, au fur et à mesure que le secteur collectivisé démontrera sa supériorité, développera les forces productives, baissera le temps de travail hebdomadaire, élèvera le bien-être et le niveau culturel des travailleurs.
Les bases matérielles et psychologiques de la petite propriété capitaliste disparaîtront peu à peu lors de la phase de transition entre le capitalisme et le communisme. Le facteur déterminant de ce processus sera le développement des forces productives. Sous le communisme, c’est-à-dire dans une société d’abondance où chacun pourra contribuer librement à la richesse sociale et y puiser librement ce dont il a besoin, la propriété capitaliste et l’exploitation qui l’accompagne n’auront plus aucune place et aucun sens.