Le groupe Geodis occupe le 6e rang mondial dans le secteur de la logistique et du transport. Il emploie plus de 47 000 salariés dans 170 pays. Les affaires du groupe se portent bien, à l’image de sa maison mère en France, la SNCF, qui a enregistré des bénéfices colossaux quatre années de suite (1,6 milliard d’euros en 2024).
Le site de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) est le plus grand à l’échelle nationale, employant 200 salariés, sans compter les intérimaires. Depuis le 18 février, la quasi-totalité des manutentionnaires de Gennevilliers sont en grève reconductible. Nous avons interviewé, sur le piquet de grève du site de Geodis Gennevilliers, Hassen Letaief, délégué du personnel à la CGT.
1) Quelles sont les activités de Geodis ? Peux-tu nous présenter les conditions de travail des salariés à Gennevilliers ?
Geodis Gennevilliers est une plateforme nationale où sont chargés et déchargés, chaque jour, plus de 30 000 colis dans le cadre de livraisons rapides. Tous les camions transitent par notre site avant de repartir vers toute la France. Comme il s’agit de livraison express, le délai pour le chargement et le déchargement est serré : il faut décharger un camion en une heure.
Ces exigences impliquent un travail intense pour les manutentionnaires, qui travaillent dans des conditions inchangées depuis 40 ans : la manutention reste essentiellement manuelle, les gestes sont répétitifs, les hangars sont bruyants (plus de 85 décibels), et comme la plateforme est ouverte de tous les côtés, les salariés souffrent du froid en hiver et de la chaleur en été. Nous travaillons de jour comme de nuit. Les conditions sont donc rudes, mais sans notre travail, aucun camion n’entre ni ne sort du site de Gennevilliers.
2) Qu’est-ce qui a provoqué le début de la grève ?
Le point de départ a été les négociations annuelles obligatoires (NAO). Nous réclamons une augmentation des rémunérations et une grille salariale unique pour tous les sites de Geodis, applicable à l’ensemble des salariés. Aujourd’hui, l’arbitraire règne en matière de salaires : les rémunérations varient selon les sites et les individus. La direction tente ainsi de nous diviser, mais la meilleure réponse est notre mobilisation actuelle.
Notre travail, bien qu’essentiel, n’est absolument pas reconnu par la direction. En revanche, les dirigeants de Geodis, eux, ne manquent de rien. Lionel Terra, responsable des sites d’Île-de-France, gagne en un mois plus que moi en un an ! Pourtant, c’est nous, les manutentionnaires, qui créons les richesses du groupe.
3) Peux-tu revenir sur les attaques que tu as subies en tant que syndicaliste à la CGT ? Comment la direction a-t-elle réagi au mouvement de grève ?
Pour la direction, tous les moyens sont bons pour tenter de me licencier. La CGT de Geodis Gennevilliers est un syndicat militant qui défend les salariés, et la direction le sait très bien. Elle n’a pas hésité à recourir aux pires provocations pour me pousser à la faute. Un ancien dirigeant m’a déjà insulté en affirmant qu’à Geodis, ce ne sont pas « les bougnoules qui font la loi ».
Le dialogue social dans l’entreprise, c’est de la communication de façade. La réalité, c’est la lutte des classes. Depuis le 18 février, nous avons lancé une grève reconductible. Nous tenons un piquet de grève et organisons chaque jour des assemblées générales pour débattre de nos revendications et décider de la suite du mouvement.
4) Comment envisages-tu la convergence avec les travailleurs des autres entreprises en grève actuellement ?
Sans l’unité des travailleurs, nous ne pourrons pas obtenir une victoire d’ampleur. Nous devons d’abord nous coordonner avec les autres sites de Geodis, en Île-de-France et ailleurs, directement concernés par cette mobilisation. Ensuite, c’est l’ensemble des salariés qui doit s’unir, car seule notre unité dans la lutte peut renverser le rapport de force avec le patronat.
Ici, nous avons reçu le soutien de militants de la France insoumise, de l’Union locale CGT de Gennevilliers, des étudiants de Nanterre, et de syndicalistes de la CGT Transports. C’est un premier pas.
5) Face aux attaques systématiques du patronat, notre parti défend la nationalisation sous le contrôle démocratique des travailleurs. Qu’en penses-tu ?
100 % d’accord. Une gestion de l’entreprise sous le contrôle des salariés permettrait non seulement d’améliorer nos conditions de travail, mais aussi d’offrir un meilleur service – tout cela, sans le mépris et les inégalités imposés par le système actuel.
Nous appelons à donner à leur caisse de grève !