Grève de l’hôpital Mermoz

Depuis le 13 janvier, une grève secoue l’hôpital Jean Mermoz. Les brancardiers ont débuté la lutte avant d’être rejoints par les préparateurs en pharmacie. Depuis, la grève des brancardiers a cessé, mais les urgences ont engagé le mouvement lundi dernier. Les grévistes revendiquent une hausse des salaires ainsi que le matériel et les effectifs nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Nous avons rencontré Pierre, brancardier et gréviste, qui nous a décrit le mépris de la direction envers les travailleurs de l’hôpital ainsi que la détermination de ces derniers à se battre pour de meilleures conditions de travail.

La spéculation immobilière de Ramsay Santé

L’hôpital Mermoz appartient au groupe Ramsay Santé, l’un des leaders européens de l’hospitalisation privée. Le chiffre d’affaires du groupe pour l’exercice 2023/2024 s’élève à plus de 5 milliards d’euros, en hausse de 6,5 %. Pourtant, Ramsay déclare une perte nette de 53,9 millions d’euros, en raison des loyers et des locations de matériel.

La CFDT Santé-Sociaux et le Centre pour la recherche et la responsabilité fiscale des entreprises (CICTAR) viennent de publier une enquête sur la gestion opaque des finances du groupe. Les conclusions du rapport révèlent que Ramsay utilise l’argent public à des fins de spéculation immobilière. 85 % du budget des cliniques privées proviennent de fonds publics, le reste étant payé par les patients via leurs complémentaires ou en paiement direct. Des investisseurs immobiliers – dont des filiales du groupe lui-même – possèdent les murs et les terrains des cliniques et hôpitaux. Ce montage financier permet au groupe de transformer directement l’argent public en revenus immobiliers.

Selon le rapport, 245 millions d’euros par an sont encaissés sous forme de loyers par les investisseurs. Ce dispositif permet à Ramsay de maintenir les cliniques en déficit, une stratégie délibérée pour justifier la stagnation des salaires et des effectifs. En 2023, les sommes versées par les cliniques, hôpitaux et EHPAD aux investisseurs immobiliers pourraient atteindre 2,5 milliards d’euros d’après le rapport, soit l’équivalent du salaire annuel de 82 000 infirmières !

Une réunion du Comité Social et Économique (CSE) s’est tenue pendant la grève avec la direction. Cette dernière a fait preuve d’une hypocrisie manifeste : « Pour refuser l’augmentation des salaires, elle a prétendu que nous, les brancardiers, étions déjà bien payés. En réalité, elle gonfle artificiellement nos salaires en y ajoutant toutes les primes, qui, par définition, peuvent être retirées à tout moment. Par exemple, comme nous avons fait grève, nous ne les toucherons pas. C’est une pression pour nous dissuader de faire grève. Depuis huit ans, les salaires n’ont pas augmenté en dehors de l’indexation du SMIC sur l’inflation. Nous voulons obtenir une hausse des salaires nets pour stabiliser notre situation. De plus, la direction affirme hypocritement que le groupe Ramsay n’a pas les moyens de nous augmenter, alors que nous savons très bien où va l’argent : dans les poches des grands patrons, pendant que nous, les travailleurs, ne touchons que les miettes. ». Pierre a bien compris les enjeux.

Lutter pour un véritable service public de santé !

Après trois semaines sans salaire, les brancardiers ont été contraints de suspendre leur grève après avoir conclu un accord avec la direction sur les conditions de travail. La direction leur a fait la promesse creuse du retrait de certaines tâches et de la tenue d’une réunion mensuelle pour « discuter » de leurs conditions de travail. Pierre nous explique : « depuis qu’on a repris le travail, la direction nous menace de revenir sur cet accord et nous sommes traités comme des moins que rien ». Les brancardiers ont compris la nécessité de s’organiser contre les attaques de la direction ; ils comptent désormais fonder leur propre section syndicale CGT : « Dans l’hôpital, seule la CFDT était implantée, mais elle ne nous a jamais épaulés dans notre combat. La CGT, en revanche, nous a apporté son soutien, et grâce à elle, nous allons créer notre section. »

La seule manière de faire plier la direction, d’obtenir des hausses de salaire et une véritable amélioration des conditions de travail, c’est une grève reconductible impliquant tous les travailleurs de l’hôpital Mermoz avec pour objectif de l’élargir à d’autres établissements, qu’ils soient privés ou publics.

Le personnel hospitalier lutte également pour obtenir les effectifs et les équipements indispensables à une prise en charge digne des patients. Mais le sort de ces derniers est bien le dernier des soucis de la direction : plutôt que de répondre aux revendications du personnel, elle a choisi de fermer trois blocs opératoires, contraignant ainsi au report d’interventions vitales pour des malades atteints de pathologies graves, comme le cancer.

Les directions syndicales devraient revendiquer la nationalisation des cliniques privées, une augmentation massive du budget de la santé et un recrutement à grande échelle de soignants. Arracher ces établissements des mains des spéculateurs et des profiteurs comme Ramsay est urgent pour garantir un véritable service public de santé.