Paix entre les peuples ! Guerre aux milliardaires !

Ce numéro de Révolution paraît la veille de l’annonce par Donald Trump d’une nouvelle série de tarifs douaniers. Personne (ou presque) ne sera épargné – et certainement pas l’Union Européenne, dont l’économie déjà poussive menace de sombrer dans la récession. L’offensive protectionniste de l’administration Trump est l’une des préoccupations majeures des bourgeoisies du Vieux contient. Mais c’est loin d’être la seule.

Panique européenne

La politique de Trump sur la guerre en Ukraine sème la panique dans la plupart des classes dirigeantes européennes. Contrairement à ce qu’elles affirment, leur problème n’est pas la remise en cause de la souveraineté nationale de l’Ukraine. Elles s’en contrefichent royalement. Leur hantise est la perspective d’un retrait de la présence militaire américaine en Europe. Sans la couverture militaire de la première puissance mondiale, les impérialistes européens perdraient l’essentiel de leurs moyens et de leur crédibilité.

C’est pour cette raison que la majorité d’entre eux veulent prolonger le carnage en Ukraine aussi longtemps que possible. C’est une tentative de contraindre les Etats-Unis à maintenir une forte présence militaire en Europe. A cette fin, les dirigeants européens en question sont prêts à sacrifier des dizaines de milliers de vies ukrainiennes supplémentaires dans une guerre que la Russie, de toute évidence, a déjà gagnée.

Les tambours de la guerre résonnent à Bruxelles, Paris, Londres, Berlin et ailleurs. Sous la direction d’Emmanuel Macron et du Premier ministre britannique, Keir Starmer, une « Coalition des Volontaires » s’annonce au monde entier comme le nouveau et puissant foyer de la résistance militaire contre l’impérialisme russe. Cependant, au fil de ses innombrables « sommets » et « réunions d’urgence », cette glorieuse entreprise révèle ses étroites limites et sa véritable nature : c’est une Coalition des Velléitaires. De jour en jour, les dizaines de milliards d’euros d’aides à l’effort de guerre ukrainien – et, surtout, les dizaines de milliers de soldats promis à Zelensky – fondent comme neige au soleil.

C’était prévisible. D’une part, les armées européennes ne sont absolument pas à la hauteur de la puissante armée russe – à moins de déclencher une guerre nucléaire dont les seuls vainqueurs seraient, paraît-il, certaines espèces de cloportes. D’autre part, les diverses classes dirigeantes européennes ne sont pas sur la même longueur d’onde, car chacune poursuit ses propres intérêts nationaux, qui ne coïncident pas avec ceux des voisins. Loin de contribuer à l’unification des bourgeoisies européennes sur la base d’une stratégie commune, la politique de Donald Trump a pour effet d’exacerber les divisions et les tendances centrifuges au sein de l’UE. Chaque bourgeoisie nationale élabore sa propre stratégie vis-à-vis des trois puissances qui, désormais, dominent la scène mondiale : les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Au regard de ces trois pays, l’Union Européenne – qui ne peut pas être « unie » sur la base du capitalisme – est une assemblée confuse de « puissances » de deuxième et de troisième rangs. Chacune cherche donc à tirer son épingle du jeu au détriment des autres.

Offensive austéritaire

Comme d’autres pays européens, la France annonce des dizaines de milliards d’euros de dépenses militaires supplémentaires – non pour se préparer à une invasion russe sur notre territoire, comme le prétend ridiculement Macron, mais pour défendre les positions de l’impérialisme français à travers le monde.

Comment ces dépenses militaires seront-elles financées ? C’est évident : la grande bourgeoisie n’ayant pas la moindre intention de se délester d’une fraction de ses profits, c’est sur les travailleurs, les jeunes, les chômeurs et les retraités que retombera le poids du militarisme croissant, sous la forme de nouvelles coupes budgétaires. C’est par des attaques contre la Santé publique, l’Education nationale et les services publics en général que seront financées les nouvelles machines à tuer de l’impérialisme français.

La réaction des dirigeants officiels du mouvement ouvrier n’est absolument pas à la hauteur de cette situation. Sous la pression de la bourgeoisie, ils s’avèrent incapables de prendre une position internationaliste et de classe un tant soit peu consistante. Un article de ce numéro de Révolution analyse en détail les positions erronées de Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin. Evoquons ici celle de la direction confédérale de la CGT.

Dans un communiqué publié le 11 mars dernier, elle dénonce la « surenchère guerrière portée par la France et l’Europe ». Mais dans le même temps, elle désigne « l’agression russe criminelle » comme la cause et le point de départ du conflit, de sorte qu’il faudrait « construire une stratégie commune au plan européen au service d’une diplomatie et d’une défense basées sur le multilatéralisme et indépendantes de l’OTAN ».

En d’autres termes, la direction confédérale de la CGT se place résolument dans le camp des impérialismes français et européens. Simplement, elle les appelle à développer un militarisme « anti-américain » : « Pas question de céder aux injonctions de Donald Trump et d’augmenter les budgets militaires pour financer le complexe militaro-industriel américain ». Comprenez : la direction de la CGT n’a pas d’objection à l’augmentation des budgets militaires, à condition que cela finance exclusivement les complexes militaro-industriels français et européen. La direction de la CGT a beau y ajouter trois ou quatre couches de bavardages sur les thèmes de « la paix » et du « droit international », cette position militariste et pro-impérialiste est absolument contraire aux intérêts de la classe ouvrière française et internationale.

Une « Internationale réactionnaire » ?

Le même communiqué de la CGT s’en prend vivement à ce qu’il nomme « l’Internationale d’extrême droite, autour de Trump, Poutine et Netanyahou notamment ». Aux dirigeants de la CGT – et de la FI, entre autres – qui reprennent la formule de Macron contre « l’Internationale réactionnaire », nous posons la question : est-ce que le massacre des Gazaouis était moins « réactionnaire » lorsqu’il était soutenu et financé par le « libéral » Joe Biden, avec la bénédiction du « progressiste » Bernie Sanders ? Et n’est-ce pas le « libéral » Macron qui, en France, a interdit et réprimé tant de manifestations de solidarité avec le peuple palestinien ?

Que Trump, Poutine et Netanyahou soient réactionnaires, c’est une évidence. Mais le rôle de la CGT n’est pas d’aider Macron à redorer le blason « libéral » de l’impérialisme français. Son rôle est de dénoncer d’abord les crimes et la monstrueuse hypocrisie de la bourgeoisie française. Comme le disait le révolutionnaire allemand Karl Liebknecht, en 1914 : « l’ennemi principal est dans notre pays ! ». Sur cette base, le rôle de la CGT est de préparer une puissante mobilisation de la classe ouvrière contre le militarisme et l’impérialisme français, contre Macron et sa clique, contre le « gouvernement des riches » – et pour un gouvernement des travailleurs.

La CGT devrait expliquer inlassablement que la guerre en Ukraine est réactionnaire des deux côtés de la ligne de front ; qu’il s’agit d’un affrontement entre les impérialismes russe et occidentaux sur le dos du peuple ukrainien ; que Macron, Starmer et leur pathétique « Coalition des Volontaires » ne sont pas les amis du peuple ukrainien, mais leurs ennemis au même titre que Poutine, Trump et consort ; enfin, que seul le renversement révolutionnaire du capitalisme – en Ukraine, en Russie, en Occident et partout ailleurs – permettra d’en finir une fois pour toutes avec les guerres impérialistes.

Plusieurs structures départementales et fédérales de la CGT ont vivement protesté, à juste titre, contre la position de leur direction confédérale. Ce débat doit se poursuivre au sein de la CGT et dans l’ensemble du mouvement ouvrier. A l’heure où Macron, Starmer et quelques autres menacent la Russie d’une guerre nucléaire, il faut renouer avec l’internationalisme prolétarien de Marx et de Lénine, avec la solidarité internationale de tous les exploités contre tous les exploiteurs, avec la lutte des travailleurs pour la conquête du pouvoir et le renversement du capitalisme à l’échelle mondiale. A défaut, c’est l’Internationale des cloportes qui aura le dernier mot.


Sommaire

Paix entre les peuples ! Guerre aux milliardaires ! - Edito du n°89
Activités
Brèves
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Capitalisme et narcotrafic : un point de vue communiste
Macron, la « menace russe » et la gauche française
Que signifient les tensions franco-algériennes ?
Turquie : la répression provoque une mobilisation de masse
Netanyahou relance le génocide pour rester au pouvoir
Mobilisation historique en Serbie
Le Bateau-usine, de Kobayashi Takiji
Il y a cent ans : la révolution chinoise de 1925-1927
Marxisme contre maoïsme