Terrifiés par la perspective d’une victoire russe en Ukraine, les impérialistes européens se lancent dans une véritable débauche de dépenses militaires et de projets militaristes, sur le dos des travailleurs. La Pologne en est un exemple frappant.
L’armée polonaise compte déjà près de 200 000 soldats et le pays a consacré cette année 4,7 % de son PIB aux dépenses militaires ! Mais le gouvernement polonais ne prévoit pas de s’arrêter là. Le 7 mars, l’actuel Premier ministre, Donald Tusk, a déclaré devant le Parlement que son gouvernement veut augmenter les effectifs de l’armée jusqu’à 500 000 hommes et instaurer une formation militaire de la population (« incitative », à défaut d’être obligatoire). Enfin, il a évoqué l’idée – envisagée par Macron la même semaine – d’intégrer la Pologne dans le « parapluie nucléaire » français.
Bellicisme de façade
Derrière cette posture belliciste, la bourgeoisie polonaise est pourtant beaucoup plus réservée. Lorsque Macron a proposé d’envoyer des troupes européennes pour « garantir la sécurité de l’Ukraine » après un potentiel accord de paix, la Pologne a refusé d’y faire participer son armée. Cette apparente contradiction s’explique simplement.
Tout d’abord, malgré ses importantes dépenses militaires, l’armée polonaise reste largement démunie. Varsovie a par exemple transféré à l’Ukraine entre le quart et la moitié des chars de combat qu’elle possédait avant la guerre. Or la majeure partie de ceux qu’elle a commandés pour les remplacer auprès des Etats-Unis et de la Corée du Sud ne lui ont toujours pas été livrés.
Par ailleurs, quel que soit le matériel dont elle pourrait un jour disposer, il resterait inenvisageable pour l’armée polonaise de se confronter à la puissance russe, sans disposer de l’appui des Etats-Unis. C’est pour cela que le gouvernement polonais ne veut pas s’aventurer en Ukraine s’il ne dispose pas du soutien militaire de Washington. Or, Donald Trump a exclu que les troupes européennes soient couvertes par une quelconque garantie de la part des Etats-Unis si elles devaient être déployées sur le territoire ukrainien.
Les réticences de Tusk s’expliquent aussi par l’attitude de la population polonaise. Toutes ces dépenses militaires ont été financées par des politiques d’austérité et des attaques contre les travailleurs, qui subissaient déjà l’inflation et la crise. La majorité des Polonais est donc aujourd’hui largement hostile à l’idée que la Pologne s’implique davantage dans une guerre perdue, qui ne lui promet que de nouveaux sacrifices. D’après un sondage du média Wirtualna Polska, 86,5 % des Polonais seraient défavorables à l’envoi de troupes en Ukraine, et 58,5 % y seraient même catégoriquement opposés.
Crise politique
Dans ce contexte, la bourgeoisie polonaise voit avec inquiétude s’approcher le 1er tour des élections présidentielles, qui doit se tenir le 18 mai. Ses deux partis traditionnels – qu’il s’agisse des conservateurs de « Droit et justice » du président sortant Andrzej Duda ou des libéraux de la « Plate-forme civique » du Premier ministre Donald Tusk – sont rejetés par une large partie de la population polonaise.
Malheureusement, la principale force de gauche réformiste, Lewica (« La Gauche »), a été incapable de présenter une alternative crédible. Après les élections législatives de 2023, ses dirigeants ont même soutenu Tusk, qu’ils présentaient comme un « moindre mal » face à Duda. Depuis, ils ont approuvé bon gré, mal gré toutes ses politiques militaristes, au nom du « soutien à la démocratie ukrainienne » et de la lutte contre la « menace russe ».
Cela a profité aux démagogues du parti d’extrême droite « Confédération ». A l’image de l’AfD en Allemagne, la Confédération défend un programme confus mêlant xénophobie, hostilité à la guerre en Ukraine et rejet des politiques d’austérité. Cela lui a permis de profiter du vide laissé par l’absence de toute alternative de gauche à la politique réactionnaire du gouvernement Tusk. Alors que la Confédération n’avait remporté que 7,6 % des suffrages en 2023, son candidat, Slawomir Mentzen, est aujourd’hui crédité de près de 15 % des voix par les sondages. Et cela pourrait encore augmenter au fur et à mesure que la crise du capitalisme polonais se développera.
L’économie polonaise est très liée à l’industrie allemande, à laquelle elle fournit notamment de nombreuses pièces détachées pour le secteur de l’automobile. La crise profonde de l’économie allemande, encore aggravée par la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, va donc avoir un impact brutal sur la classe ouvrière polonaise. Les fermetures d’usines et les licenciements vont se multiplier, alors même que la bourgeoisie polonaise multiplie déjà les politiques d’austérité pour financer le militarisme.
L’éventuelle arrivée au pouvoir des démagogues de la Confédération n’y changerait rien. Leur soi-disant « alternative » se résume à continuer la même politique austéritaire, mais en attaquant davantage les homosexuels et les immigrés. Poussée dans la lutte par la crise du capitalisme, l’avant-garde de la jeunesse et des travailleurs de Pologne doit rompre avec la bourgeoisie, qu’elle soit « libérale » ou « réactionnaire », et se tourner vers les idées et le programme du communisme !