L’une des objections les plus fréquentes aux idées du marxisme peut se formuler ainsi : « le socialisme et le communisme sont impossibles parce que l’égoïsme des hommes est un attribut fondamental de leur “nature”. Même en supposant une révolution victorieuse, la socialisation des moyens de production sera minée par l’avidité et la soif de pouvoir des individus. N’est-ce pas ce qu’a montré la dégénérescence bureaucratique de la Révolution russe ? »

Cet argument repose sur des prémices philosophiques erronées. Les idées, la psychologie et le comportement des hommes ne découlent pas d’une « nature humaine » immuable ; ils sont déterminés par l’ensemble des rapports sociaux – économiques, politiques, idéologiques, etc. Or ces rapports sociaux changent régulièrement au cours de l’histoire. Qu’est-ce qui détermine ces changements ? En dernière analyse, c’est le développement des forces productives, comme Marx l’a brillamment démontré.

Le communisme primitif

Il n’y a pas de « nature humaine » invariable et qui transcenderait l’histoire. Marx écrivait : « ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. » Par exemple, pendant toute la période du « communisme primitif », avant les premières sociétés esclavagistes, il n’y avait pas de classes sociales, pas d’Etat, pas d’oppression des femmes – et donc ni soif de pouvoir, ni cette mentalité « individualiste » qui cherche son profit au détriment du voisin. Les bases matérielles d’une telle psychologie faisaient tout simplement défaut.

Cela ne veut pas dire que les sociétés humaines baignaient alors dans le bonheur, car leurs ressources économiques – et donc leur niveau culturel – étaient très faibles et précaires. Mais c’est précisément cette pauvreté généralisée qui excluait la possibilité de l’exploitation et de l’oppression. Il a fallu un développement décisif des forces productives, de l’agriculture et de l’élevage, il y a quelque 10 000 ans, pour dégager un surplus, un excédent de richesses qu’une petite minorité s’est approprié en exploitant la majorité. Telles furent les bases matérielles de la dissolution du « communisme primitif » et de l’émergence des premières formes d’égoïsme social.

Du capitalisme au communisme

De nos jours, les rapports de production capitalistes – où règnent la propriété privée des moyens de production et la concurrence entre bourgeois, mais aussi entre travailleurs – forment la base matérielle des comportements individualistes. L’idéal des capitalistes, c’est l’atomisation complète des travailleurs et leur concurrence maximale, ce qui permet de faire baisser les salaires et d’accroître l’exploitation en général. Et bien sûr, la bourgeoisie promeut cet idéal de mille et une manières : à travers ses partis, ses médias, l’école, la religion... Comme l’expliquait Marx, « les idées dominantes, dans la société, sont les idées de la classe dominante ». La psychologie des individus est façonnée par toutes sortes d’idées qui sont autant de préjugés alimentés par les sommets de la société.

Malgré cela, les travailleurs se syndiquent et s’organisent. Ils luttent ensemble pour leurs intérêts collectifs. Sous le capitalisme, il y a donc de l’égoïsme, mais aussi son contraire : de la solidarité. La crise du capitalisme et ses ravages sociaux obligent les travailleurs à s’unir, car l’expérience leur apprend que cette unité – dans la lutte – est leur unique moyen de se défendre face aux exploiteurs. La révolution socialiste sera la manifestation la plus haute de la solidarité entre les travailleurs.

Ce n’est pas tout : le capitalisme a développé les forces productives, la science et la technologie à un niveau tel que, pour la première fois de l’histoire, les bases matérielles d’une société d’abondance existent, à condition de renverser le capitalisme et de planifier démocratiquement l’économie. Dans la phase de transition du capitalisme au communisme (la phase « socialiste »), les différentes formes d’égoïsme et d’individualisme s’éteindront graduellement, au fur et à mesure que se développeront les forces productives et le bien-être des masses. Puis, dans la société communiste, qui sera une société d’abondance, il n’y aura plus aucune base matérielle à la lutte de tous contre tous.

Inversement, c’est l’isolement et l’arriération économique de la Russie révolutionnaire qui furent les causes ultimes de sa dégénérescence bureaucratique. L’émergence du stalinisme a confirmé cette idée de Marx : on ne peut pas construire le communisme sur fond de pénurie.

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