La droite et les médias capitalistes ont fait de l’immigration l’un des axes centraux de leur propagande visant à semer la confusion dans les esprits. La phrase tant citée de Michel Rocard, selon laquelle la France « ne peut pas accueillir toute la misère du monde », ne tient pas compte du fait que « la France » – c’est-à-dire l’impérialisme français – a très largement contribué, et contribue encore, à générer cette misère, en pillant les ressources du continent africain et de toutes les autres régions du monde sur lesquelles il a posé ses mains ensanglantées. En cherchant à s’installer en France, le travailleur migrant ne fait que marcher dans les sillons des richesses de sa terre natale, qui prennent ce même chemin depuis des siècles – sans parler du transport de ses aïeux qui, dans les fers et les chaînes, ont traversé les mers sous le fouet des esclavagistes.
En vérité, les capitalistes ne sont pas racistes. Ils ont l’esprit très large. Ils sont prêts à exploiter n’importe qui, quelle que soit sa couleur, dès lors que cela permet de les enrichir davantage. A cette fin, les capitaux doivent circuler librement. La classe des multi-millionnaires qui nous gouverne ne supporte aucune entrave à la « libre circulation », quand elle est dans ses intérêts. Le travailleur africain qui veut gagner sa vie en France serait un danger mortel pour le tissu social du pays – mais le capitaliste qui, d’un trait de plume, peut détruire des industries entières et supprimer des dizaines de milliers emplois, de part et d’autre des frontières, mériterait respect et louanges !
L’étude sur les migrations publiée par l’INSEE, en septembre 2005, confirme la stabilité du niveau annuel d’immigration en France, depuis 30 ans. Le nombre total des migrants qui restent en France plus d’un an se situe entre 100 000 et 120 000 par an, dont 32% sont d’origine européenne. Au total, le nombre de migrants légaux et naturalisés s’élève aujourd’hui à 4,3 millions de personnes, soit 7,5% de la population, contre 6,3% en 1936 et 7,5% en 1975. Ces chiffres prouvent que la « vague déferlante » évoquée par le Front National et l’UMP ne correspond absolument pas à la réalité. Quant aux migrants illégaux, il est très difficile, évidemment, de donner un chiffre précis, mais la plupart des estimations tournent autour de 250 000 personnes, soit 0,4% de la population.
L’incapacité d’« absorber » les travailleurs venus d’ailleurs est celle d’un système inadapté, obsolète, qui refoule la société en arrière. Si le potentiel productif et culturel des « étrangers » se heurte aux limites de ce système, c’est pour les mêmes raisons qui font que le potentiel du reste de la population – aussi « française » soit-elle – s’y heurte, lui aussi.
Il y aurait « trop » d’étrangers ? Certes oui – d’un point de vue capitaliste. Tout comme il y a, de ce même point de vue, trop d’étudiants dans les universités, trop de travailleurs dans les entreprises, trop d’enseignants, trop de retraités, trop de demandeurs de logements et de crèches, trop de chômeurs, trop de malades. En un mot, c’est tout le corps social, avec ses besoins et ses aspirations, qui est « en trop » par rapport aux limites étriquées du système parasitaire qu’est le capitalisme.
Le travailleur « étranger » – surtout lorsqu’il est noir ou d’origine maghrébine – sert de bouc émissaire pour tous les maux engendrés par le système capitaliste. Le racisme est un poison qui paralyse la conscience des travailleurs, détourne leur attention des vraies causes du désastre économique et social. Il se nourrit de l’exaspération et du désespoir de toute une frange de la population, qui ne voit pas comment sortir des difficultés qui l’accablent.
C’est pour cette raison que le racisme ne peut pas être combattu par des appels aux bons sentiments. La lutte pour renforcer l’union de toutes les victimes du capitalisme est indissociable de la lutte contre le capitalisme et pour l’éradication, du même coup, de la pénurie d’emplois et de logements. Le socialisme signifiera l’amélioration de la qualité de vie de tous. Tant que la gauche n’offrira aucune perspective sérieuse de rupture avec le capitalisme, les uns travailleront et les autres pas, les uns seront logés et les autres pas. Le racisme se nourrit de la lutte pour les miettes qui tombent de la table capitaliste.
L’immigration « choisie » – selon des critères capitalistes – signifie tout simplement la répression et le harcèlement contre ceux qui ne sont pas « choisis ». Des enfants sont victimes de rafles policières à la sortie des écoles. Les affamés sont arrêtés aux alentours des camionnettes des soupes populaires, et déportés sur-le-champ. Des demandeurs d’un titre de séjour sont même arrêtés dans les préfectures, où ils sont convoqués sous prétexte d’examiner leur dossier.
Le point de départ du mouvement communiste, socialiste et syndical doit être que, comme l’ont dit Marx et Engels dans le Manifeste Communiste, « les travailleurs n’ont pas de patrie ». Il doit adopter une position ferme contre toutes les discriminations pratiquées à l’encontre des travailleurs migrants et de leur famille. Renouant avec les grandes traditions internationalistes du mouvement ouvrier, celui-ci doit les prendre sous leur protection active.
Le programme de Révolution revendique la régularisation de tous les sans-papiers, l’arrêt des rafles, des arrestations et du harcèlement administratif et policier à l’encontre des étrangers, la fin de toutes les discriminations à l’embauche – y compris dans la fonction publique – et dans tous les autres domaines. Il comprend également l’abolition de la « double peine », la suppression des « certificats d’hébergement », le rétablissement du « droit du sol » pour l’obtention de la nationalité française, et enfin le droit de vote et d’éligibilité de tous les résidents, à toutes les élections, indépendamment de leur nationalité, dès un an de séjour sur le territoire.
Face au barrage de dénigrement, de discriminations et de lois répressives que la classe dirigeante dresse contre lui, le travailleur d’origine étrangère doit trouver dans le mouvement syndical, communiste et socialiste un allié et un défenseur, au nom de la fraternité et de la solidarité internationalistes.