En juin dernier, le « socialiste » Zohran Mamdani a créé la surprise en arrachant l’investiture du Parti démocrate pour les élections municipales à New York. Sondé à 1 % des voix en février, il a finalement remporté la primaire au terme d’une campagne proposant le gel des loyers, la gratuité des bus et l’ouverture de garderies publiques – pour « réduire le coût de la vie de la classe ouvrière new-yorkaise ».
Son programme progressiste et son soutien (modéré) à la Palestine lui ont valu une avalanche d’attaques de la classe dirigeante. Donald Trump a menacé de le faire expulser du pays et l’establishment du Parti démocrate s’est rallié à la candidature dissidente d’Andrew Cuomo, pourtant battu lors de la primaire. Mais cela n’a fait que renforcer Mamdani, qui est désormais favori du scrutin du 4 novembre (avec 10 à 20 points d’avance sur ses adversaires). Il bénéficie du soutien massif de la jeunesse qui s’est largement mobilisée lors des primaires et du travail de plus de 50 000 bénévoles mobilisés pour sa campagne.
Radicalisation et lutte des classes
Ce succès témoigne d’un phénomène plus large, qui s’était déjà exprimé à travers l’ascension de Bernie Sanders et Alexandria Ocasio Cortez (AOC), la puissante vague de grèves et de syndicalisation des dernières années, le mouvement Black Lives Matter, ou encore la résistance massive aux rafles policières contre les immigrés. Sous les coups de la crise du capitalisme, la classe ouvrière américaine se radicalise à grande échelle. Même la réélection de Trump exprime ce rejet du système, de façon déformée. En l’absence d’une alternative crédible à gauche, la colère des masses prend les formes les plus confuses, y compris le soutien électoral à des démagogues réactionnaires.
Surpris par la percée de Trump à New York aux dernières élections, Mamdani est allé rencontrer ses électeurs dans les quartiers pauvres du Bronx et du Queens, où il a observé que, contrairement à ce que prétendaient les politiciens libéraux, le « virage à droite » des travailleurs new-yorkais était en réalité un virage antisystème, motivé par la crise du coût de la vie. Les électeurs trumpistes (souvent eux-mêmes immigrés) ne lui ont pas tant parlé de l’immigration que de l’augmentation des prix, des factures et des loyers qui les a frappés de plein fouet sous la présidence de Joe Biden. Aujourd’hui, beaucoup de ceux qui ont voté pour Trump dans l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie se tournent vers Mamdani avec les mêmes espérances.
C’est précisément cela qui inquiète la bourgeoisie. Le programme archi-modéré de Mamdani – de modestes réformes financées par une timide taxation des riches – ne menace pas en soi le capitalisme américain. Mais l’optimisme de sa base, sa soif de conquêtes sociales, est tout à fait incompatible avec une économie en crise, dans laquelle la préservation des profits des capitalistes exige de violentes attaques contre les travailleurs. La victoire d’un socialiste dans la « capitale du Capital » et l’application ne serait-ce que d’une partie de son programme constitueraient un dangereux précédent du point de vue de la lutte des classes. D’où la virulence des attaques de la droite.
Le piège de « l’unité »
Mais puisque la victoire de Mamdani semble désormais inévitable, une partie des dirigeants démocrates se sont finalement ralliés à « leur » candidat, pour tenter de le neutraliser au nom de « l’unité ». C’est ce qu’ils ont fait chaque fois que des figures de gauche ont émergé dans le parti. Kathy Hochul, la très austéritaire gouverneure de l’Etat de New York, a apporté son soutien à Mamdani, de même que l’ex-vice-présidente Kamala Harris. Le candidat a également signalé qu’il avait eu des conversations « cordiales » et « constructives » avec Barack Obama et le milliardaire Michael Bloomberg.
Dans le cadre de cette dynamique unitaire, Mamdani a donné une série de gages à la classe dirigeante. Il s’est désolidarisé publiquement du programme des Democratic Socialists of America (qui prévoit notamment la nationalisation des plus grandes entreprises), a rejeté le mot d’ordre d’Intifada porté par le mouvement pour la Palestine, et a présenté ses excuses pour un tweet de 2020 accusant la police new-yorkaise de racisme et de LGBTphobie. En somme, il se prépare à rentrer dans le rang, à rejoindre l’establishment démocrate pour lui servir de couverture progressiste. Cela ne peut se faire qu’en trahissant les attentes de ses électeurs, comme Sanders et AOC l’ont fait avant lui.
Au même titre que les Républicains, le Parti démocrate est un instrument de la classe dirigeante et un pilier de son système. De plus en plus de travailleurs en sont conscients et rejettent les deux partis. Quoi qu’en dise Mamdani, les 50 000 volontaires de sa campagne et ses centaines de milliers d’électeurs prouvent qu’il existe une base solide, rien qu’à New York, pour la construction d’un parti indépendant de la classe ouvrière. C’est cette perspective que défendent nos camarades des Revolutionary Communists of America !

