Suite aux attentats de janvier, les médias français ont entonné le refrain des « valeurs de la République » et multiplié les appels à un renforcement de l’éducation des jeunes à la « citoyenneté ». Ce faux débat a fait naître une fausse solution : renforcer le service civique en le rendant « universel », à défaut d’être obligatoire.
Le service civique est une version civile du service militaire. Elle propose depuis 2010 aux 16-25 ans de « s’engager » pour 6 à 12 mois au sein de collectivités ou d’associations agrémentées. A raison d’un minimum de 24 heures hebdomadaires, ces volontaires remplissent des missions diverses dans les domaines de la culture, de la santé ou encore du sport. Concrètement, ils sont susceptibles de travailler sur n’importe quel poste dès lors qu’il est au contact du public, qu’il n’est pas qualifié et qu’il ne relève pas du fonctionnement administratif de la structure d’accueil.
Le discours officiel insiste sur la dimension « citoyenne » du service civique : il permettrait aux jeunes de consacrer quelques mois de leur vie « au service de la collectivité ». Dans son discours du 14 janvier, François Hollande, exaltant « l’esprit du 11 janvier », expliquait que le service civique permettait de « renforcer les liens de la jeunesse avec la nation ». Tout un programme !
Officiellement, ce dispositif ne doit être qu’une parenthèse dans la vie d’un jeune travailleur ou d’un étudiant. Ce n’est ni un emploi, ni un stage centré sur l’acquisition de compétences. En réalité, les jeunes volontaires ne sont pas motivés par le « renforcement de leurs liens avec la nation » ; ils cherchent simplement à obtenir l’expérience professionnelle qui leur manque, qui permettra peut-être à leur CV d’être un jour digne d’un recrutement. Le service civique n’est pas un emploi en tant que tel et ne donne aucune garantie d’en obtenir un. Il est souvent davantage vécu comme un échec que comme un choix.
Les volontaires n’étant pas salariés, leur rémunération peut, légalement, être inférieure au SMIC. Ils touchent 573 euros nets par mois, pour un volume horaire allant de 24 à 48 heures par semaine. Cette somme est versée à plus de 80 % par l’Etat, le reste par la structure d’accueil. Quelle aubaine pour cette dernière ! De nombreuses structures recrutant des « services civiques » font partie de « l’économie sociale et solidaire » ; elles n’ont pas toujours les moyens de leurs ambitions. Avec ce dispositif, elles trouvent le soutien indispensable dont elles avaient besoin pour survivre à moindres frais. Pour une centaine d’euros exonérés de cotisations, elles obtiennent une main-d'œuvre souvent qualifiée. Les discours creux sur la dimension « solidaire » du service civique masquent cette réalité !
Cette hypocrisie ne fait qu’ajouter au malaise de la jeunesse sans emploi. Elle aimerait se tourner vers des emplois normaux, correctement payés, mais on ne lui propose que des alternatives rimant avec précarité. Le service civique est devenu une solution parmi d’autres pour éviter le chômage – au même titre que l’intérim, les stages ou les contrats aidés. Le constat est amer pour une jeunesse décrite comme un coût pour la société, alors qu’elle accepte des conditions de travail et de rémunération révoltantes.
L’échec des dispositifs gouvernementaux pour l’emploi des moins de 26 ans est cuisant. Au lieu de garantir l’avenir de ces nouveaux venus sur le marché du travail, ces mesures ne font qu’entretenir la misère et limiter artificiellement la croissance du chômage des jeunes. Le problème persiste, car il est structurel. Ces substituts d’emplois sont aussi efficaces qu’un désinfectant sur la gangrène. De moins en moins d’emplois stables sont proposés aujourd’hui sur le marché du travail, et la crainte du chômage fait pression sur les travailleurs, quel que soit leur âge. On les force à être de plus en plus flexibles, polyvalents, mobiles et déqualifiés. Une résistance doit s’organiser contre le patronat, sans quoi il continuera de jouer de son pouvoir pour encore détériorer les salaires, les statuts, les conditions de travail et les droits des travailleurs.