Ce document a été adopté par le Congrès fondateur du Parti Communiste Révolutionnaire, les 30 novembre et 1er décembre 2024.
L’objectif du PCR est la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, l’expropriation de la grande bourgeoisie et la mise en œuvre d’une planification démocratique de l’économie. Celle-ci permettra de libérer les forces productives, la science et la technologie des entraves de la course aux profits. Sur la base d’une élévation constante du bien-être et du niveau culturel des masses, toutes les formes d’exploitation et d’oppression seront éliminées.
Cette perspective – la construction d’une société sans classe, et donc sans Etat – n’est réalisable qu’à l’échelle mondiale. La division internationale du travail, que le capitalisme a puissamment développée, est l’une des prémisses fondamentales du communisme, qui remplacera le chaos du marché mondial par une planification globale de la production.
L’Internationale Communiste Révolutionnaire (ICR), dont le PCR est la section française, se donne pour objectif de renverser le capitalisme sur l’ensemble de la planète. Les travailleurs prendront d’abord le pouvoir dans un pays, mais ils ne pourront le conserver que si la révolution l’emporte dans d’autres pays. Nous rejetons la « théorie » stalinienne, anti-marxiste, du « socialisme dans un seul pays ». Le communisme sera construit à l’échelle mondiale – ou ne sera pas.
Un programme d’action révolutionnaire
Le PCR ne se contente pas de proclamer la nécessité de renverser le capitalisme. Notre parti doit intervenir dans les luttes pour des réformes dans le cadre du capitalisme, car la lutte des classes réelle consiste essentiellement – à ce stade – en luttes pour obtenir des « réformes » (au sens large : augmentations des salaires, etc.) et plus encore pour repousser des attaques de la bourgeoisie (contre-réformes, coupes budgétaires, licenciements, etc.). C’est à travers cette expérience quotidienne que la masse des travailleurs s’organise, mûrit, élève son niveau de conscience et, finalement, tire la conclusion que la lutte pour des réformes ne suffit pas, qu’il faut un changement radical : une révolution.
Nous ne sommes pas opposés à la lutte pour des réformes, mais au réformisme, cette « duperie bourgeoise », écrivait Lénine, qui consiste à « limiter aux réformes les aspirations et les activités de la classe ouvrière », alors que les travailleurs « resteront toujours des esclaves salariés, malgré des améliorations isolées, aussi longtemps que durera la domination du capital ».[1] Ajoutons qu’en période de profonde crise du capitalisme, comme aujourd’hui, les bases matérielles du réformisme sont très limitées, voire inexistantes. Non seulement la bourgeoisie française n’est pas disposée à accorder de nouvelles réformes progressistes, mais elle exige sans cesse des contre-réformes. Dès lors, une fois au pouvoir, les dirigeants de la gauche réformiste cèdent aux pressions de la classe dirigeante et passent sans coup férir de la réforme à la contre-réforme. La politique réactionnaire des gouvernements présidés par le « socialiste » François Hollande, entre 2012 et 2017, en fut le dernier et limpide exemple.
Les programmes officiels des organisations réformistes, comme celui de la FI, consistent en un ensemble de mesures très détaillées, pour la plupart progressistes, mais inapplicables faute d’être liées à l’objectif de rompre avec le capitalisme. Il s’agit de programmes électoraux qui visent surtout à attirer les suffrages des électeurs, et non de programmes d’action qui cherchent à orienter la lutte des classes vers la conquête du pouvoir par les travailleurs.
Le programme du PCR n’est pas une liste détaillée de mesures gouvernementales. Suivant la méthode appliquée par Trotsky dans son Programme de transition, il s’agit d’un ensemble cohérent de mots d’ordre et de revendications qui, sur toutes les questions fondamentales qui surgissent du cours de la lutte des classes, orientent la jeunesse et les travailleurs vers les tâches de la révolution socialiste.
La lutte contre le chômage et la vie chère
Dans la septième puissance économique mondiale, plus de 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté officiel, c’est-à-dire avec moins de 1100 euros par mois. Cela concerne 8 % des travailleurs et, bien sûr, une plus grande proportion de femmes et de jeunes.
Un nombre beaucoup plus important de travailleurs sont confrontés aux fins de mois difficiles, aux affres de l’endettement, aux privations diverses et à l’angoisse permanente d’être jeté dans la misère du jour au lendemain. Un divorce, un licenciement, un accident du travail : le moindre « incident » peut faire basculer une famille dans la grande pauvreté.
L’inflation, le chômage (complet ou partiel) et la stagnation (voire la baisse) des salaires réels sont les principales causes immédiates de cette situation, qui pour le reste découle des lois fondamentales du capitalisme. Toute l’histoire de ce système réfute non seulement les ridicules théories bourgeoises du « ruissellement » des richesses, mais aussi les promesses creuses des dirigeants réformistes qui, forts de leur prétendu « pragmatisme », proposent d’éliminer la pauvreté et le chômage sur la base du capitalisme. Marx a pourtant démontré, dans Le Capital, la « corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même. »
Il ne sera pas possible d’en finir avec le chômage et la pauvreté sur la base du capitalisme, mais la lutte contre ces deux fléaux occupe forcément une place centrale dans les combats quotidiens de notre classe. Le plus souvent, cela prend la forme de grèves à l’échelle d’une entreprise ou d’un secteur économique. Tout en les soutenant pleinement, il faut avancer des revendications qui concernent et mobilisent l’ensemble de la classe ouvrière, à commencer par « l’échelle mobile des salaires et des heures de travail », c’est-à-dire l’indexation des salaires sur l’inflation et la répartition du travail disponible.
L’indexation des salaires sur l’inflation – qui n’exclut pas, bien sûr, des augmentations de salaire supérieures à l’inflation – doit empêcher la hausse des prix de miner la valeur réelle des salaires. L’inflation doit être calculée non par des savants bourgeois soucieux de ménager les profits du capital, mais par les organisations de la classe ouvrière. Et dans un premier temps, le Smic doit être porté à un niveau permettant de vivre dignement. Les retraites et l’ensemble des prestations sociales doivent être intégrées à ce système – y compris les allocations chômage, qui ne doivent jamais être inférieures au seuil de pauvreté.
La répartition du travail disponible doit déterminer la durée de la semaine de travail, sans baisse des salaires et sans les « compensations » accordées aux capitalistes, en 2000, par la loi Aubry sur les 35 heures (flexibilisation des horaires, subventions massives au patronat, etc.). Il s’agit avant tout d’organiser la solidarité entre les travailleurs qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas – alors que la bourgeoisie ne cesse de jouer sur leur division, et notamment de menacer les uns de les remplacer à moindre coût par les autres.
Dans les faits, la loi Aubry a été « amendée » à plusieurs reprises. De très nombreux salariés travaillent plus de 35 heures par semaine. La lutte pour la généralisation des 35 heures à tous les secteurs – avec embauche équivalente – est toujours d’actualité. Mais en réalité, avec plus de 5 millions de chômeurs, le mouvement ouvrier devrait mener une vaste campagne pour les 32 heures sans pertes de salaires. La direction confédérale de la CGT, qui de temps à autre évoque le mot d’ordre des 32 heures, devrait le prendre plus au sérieux et lui consacrer un travail d’agitation massif.
Après avoir exploité les travailleurs pendant des décennies, la bourgeoisie les abandonne à la misère et à la solitude en quoi, trop souvent, consiste le « troisième âge ». Le communisme, à l’inverse, créera les conditions matérielles permettant aux personnes âgées de contribuer pleinement à la vie sociale et culturelle, qu’elles enrichiront de leurs savoirs et de leur expérience. Dans l’immédiat, la répartition du travail disponible est une raison supplémentaire de lutter pour le droit à la retraite à 60 ans (au plus tard), quel que soit le nombre d’annuités cumulées. Aucune retraite ne doit être inférieure au salaire minimum.
Contrairement aux dirigeants réformistes, qui prétendent avoir trouvé la recette infaillible d’une croissance économique continue, nous ne prétendons pas que l’application de ces mesures ouvrirait une longue phase de prospérité du capitalisme français. Sa faillite est irréversible. Comme l’écrivait Trotsky à propos de l’échelle mobile des salaires et des heures de travail : « Les propriétaires et leurs avocats démontreront l’“impossibilité de réaliser” ces revendications. Les capitalistes de moindre taille, surtout ceux qui marchent à la ruine, invoqueront, en outre, leurs livres de comptes. Les ouvriers rejetteront catégoriquement ces arguments et ces références. Il ne s’agit pas du heurt “normal” d’intérêts matériels opposés. Il s’agit de préserver le prolétariat de la déchéance, de la démoralisation et de la ruine. Il s’agit de la vie et de la mort de la seule classe créatrice et progressive et, par là même, de l’avenir de l’humanité. Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications qui surgissent infailliblement des maux qu’il a lui-même engendrés, qu’il périsse ! La “possibilité” ou l’“impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux que tout la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste. »[2]
Pour des grands travaux publics
En elle-même, l’échelle mobile des salaires et des heures de travail ne porte pas directement atteinte à la grande propriété capitaliste. Mais elle introduit déjà l’idée d’une intervention de l’ensemble de la classe ouvrière, au nom de ses propres intérêts, contre les mécanismes aveugles et chaotiques du marché.
La revendication de la répartition du travail disponible doit être complétée par celle de grands travaux publics. Il faut former et embaucher les millions de chômeurs pour construire ou rénover des écoles, des hôpitaux, des maisons de retraite, des routes, des logements sociaux et toutes les infrastructures dont le pays a besoin. Par exemple, la « transition énergétique » suppose de former et de mettre au travail des centaines de milliers d’ouvriers, de techniciens, d’ingénieurs et d’administrateurs.
S’ils sont confiés à la gestion de la classe dirigeante, les grands travaux s’enliseront dans les magouilles, les pots-de-vin, les fausses factures, les devis exorbitants, les appels d’offre bidons et toutes les autres méthodes – légales ou illégales – de l’escroquerie capitaliste. Pour l’empêcher, il faut lutter, d’une part, pour la levée du secret commercial et le contrôle ouvrier de la production, d’autre part pour la nationalisation, sous le contrôle démocratique des travailleurs, des plus grandes entreprises impliquées dans la mise en œuvre des grands travaux – sans indemnisation pour les gros actionnaires. C’est aussi l’occasion de relancer l’activité d’entreprises fermées par leurs propriétaires ; elles passeront alors dans le domaine public.
Contrôle ouvrier et nationalisations
Plus d’un million d’emplois industriels ont été détruits, en France, depuis 2001. Quoi qu’en dise Macron, le mouvement se poursuit. D’après L’Usine Nouvelle, un mensuel du patronat industriel, 37 usines ont fait l’objet d’une annonce de fermeture au premier semestre 2024, soit 50 % de plus qu’au premier semestre 2023. Sur la même période, 23 ouvertures de sites industriels ont été annoncées en 2024, contre 27 en 2023.
Pour lutter contre les fermetures d’entreprises (industrielles ou non), les dirigeants réformistes proposent en général de convaincre les patrons de poursuivre l’activité en les arrosant massivement d’argent public. Pour y mettre les formes, ils parlent de « conditionner » les subventions au « maintien de l’emploi », voire au « développement de l’activité » ; mais en réalité ils s’arrêtent religieusement devant le secret commercial et les droits sacrés des actionnaires. Puis lorsque les patrons, ayant mangé les subventions, ferment tout de même l’entreprise, les réformistes partent à la recherche d’un « repreneur », c’est-à-dire d’un nouvel exploiteur qui, bien sûr, impose ses conditions : baisse des effectifs et/ou des salaires, recul des conditions de travail, et ainsi de suite. En l’absence d’un repreneur, les réformistes ne voient plus d’autre issue que les négociations pour obtenir des reclassements et des primes de licenciement supérieures au minimum légal. Tel fut, en gros, le parcours de nombreuses entreprises fermées par de grands groupes qui se gavaient de profits et s’en gavent encore.
Face à l’impasse de cette stratégie, des dirigeants et militants de l’aile gauche du réformisme remettent à l’ordre du jour le modèle des coopératives. Aux fermetures d’entreprises, ils opposent leur reprise en main par les travailleurs de l’entreprise, qui en deviennent alors propriétaires et gestionnaires. Lorsque des travailleurs s’engagent dans cette voie, nous ne devons pas nous y opposer systématiquement, par principe, car faute d’alternative cela peut permettre de sauver les emplois et l’appareil industriel (au moins à court terme), tout en démontrant que les travailleurs peuvent gérer l’entreprise eux-mêmes. Cela reste une expérience de gestion ouvrière, même si elle ne s’oriente pas vers la nationalisation. Cependant, nous ne devons faire aucune concession aux illusions du coopérativisme. De facto, les coopératives ouvrières sont confrontées aux lois et aux exigences du marché capitaliste. La concurrence les pousse à adopter les mêmes méthodes de gestion qu’une entreprise capitaliste « normale », au détriment des travailleurs eux-mêmes, qui en viennent à s’auto-exploiter toujours plus sévèrement, ou à externaliser des parties de l’activité à des sociétés sous-traitantes qui exploitent sans merci des travailleurs plus précaires.
La meilleure réponse aux fermetures des entreprises, c’est leur occupation immédiate. « Usine fermée, usine occupée ! » : c’est un premier pas indispensable dans la lutte contre les fermetures. Les occupations d’usines mènent nécessairement au contrôle ouvrier, grâce auquel les travailleurs acquièrent une expérience de l’administration de l’entreprise, ce qui leur permettra plus tard de diriger toute la société. En attendant, les travailleurs de l’usine occupée doivent en réclamer la nationalisation sous leur contrôle – et appeler toute la classe ouvrière à la soutenir et suivre son exemple.
Le contrôle ouvrier n’est pas une fin en soi. Il pose la question de la propriété. Il pose la question : qui est le maître des lieux ? Soit le contrôle ouvrier mène à l’expropriation, soit il n’est qu’un épisode éphémère. De manière générale, la seule solution définitive au problème du chômage, c’est une économie socialiste planifiée reposant sur la nationalisation des banques et des principales industries, sans indemnisation des grands actionnaires.
Pour une extension massive des services publics
En même temps qu’elle détruit l’appareil productif et qu’elle attaque les conditions de travail, l’assurance chômage et les retraites, la bourgeoisie démantèle les services publics à coup d’économies budgétaires, de contre-réformes, de suppressions de postes et de privatisation rampante. L’éducation nationale, la santé, les transports et les logements sociaux, notamment, subissent une régression systématique.
Les gouvernements successifs justifient ce saccage en déclarant que les « caisses sont vides ». Mais ils trouvent facilement des dizaines de milliards d’euros, chaque année, pour les dépenses militaires ou les subventions massives aux grands groupes capitalistes.
Ce n’est pas aux travailleurs, qui créent toutes les richesses, mais à la bourgeoisie de payer la crise de son système et de combler ses déficits. Aucune austérité ! Aucune coupe budgétaire ! Au contraire : il faut une augmentation très nette de tous les budgets sociaux, un plan massif d’embauche de fonctionnaires et un processus de titularisation de tous les précaires de la Fonction publique qui le souhaitent. L’ensemble des services publics qui ont été privatisés ou semi-privatisés, ces 40 dernières années, doivent être entièrement renationalisés et dotés de budgets suffisants pour répondre aux besoins criants de la population.
L’Education nationale doit être totalement gratuite, fournitures comprises, depuis la maternelle jusqu’à l’enseignement supérieur inclus. Les organisations syndicales des enseignants et des autres personnels – ou, à défaut, des délégués élus par ces derniers – doivent déterminer le nombre de fonctionnaires requis dans chaque école, collège, lycée et université, compte tenu du nombre d’élèves. Il faut construire de nouveaux établissements et rouvrir ceux qui ont été fermés alors qu’ils répondaient à un besoin réel. Le système boursier doit être revalorisé et élargi à l’ensemble des jeunes issus de la classe ouvrière et des classes moyennes. Ceux-ci doivent aussi avoir accès à des logements étudiants de qualité et bon marché, ce qui suppose d’en lancer la construction massive. Enfin, nombre de « réformes » prétendument « pédagogiques » – mais dictées, en réalité, par un souci d’économies budgétaires – doivent être abrogées, de même que Parcoursup et les autres formes de sélections discriminatoires.
La santé publique doit être entièrement gratuite, elle aussi – de même que l’accès aux maisons de retraite et aux EHPAD, qui doivent tous faire partie du secteur public et être dotés de moyens suffisants pour que cesse, enfin, le traitement barbare infligé chaque jour à d’innombrables personnes âgées. L’ensemble des cliniques et hôpitaux privés doivent être nationalisés, de même que l’ensemble du secteur pharmaceutique. Les hôpitaux publics, qui sont à l’agonie, doivent être dotés de moyens matériels et humains à la hauteur des besoins. Enfin, l’ensemble des mutuelles privées, qui spéculent sur la mort et la maladie, doivent être intégrées à la Sécurité sociale.
Il faut exproprier les grandes entreprises privées du transport collectif, qui maltraitent systématiquement leurs employés et leurs usagers. La circulation chaotique, bruyante et polluante de nombreuses villes ne peut être régulée qu’en augmentant très nettement l’offre de transports collectifs de qualité et bon marché. Les zones rurales doivent aussi bénéficier de transports collectifs à la hauteur de leurs besoins, ce qui est très loin d’être le cas. Les compagnies aériennes et l’industrie aéronautique (sous-traitants compris) doivent être nationalisées et regroupées au sein d’un monopole public du transport aérien. Il faut renationaliser les autoroutes et revenir entièrement sur « l’ouverture à la concurrence » du secteur ferroviaire ; quant aux cheminots, ils doivent recouvrer leur statut conquis de haute lutte.
La crise du logement prend des dimensions de plus en plus dramatiques. La France compte plus de 4 millions de « mal-logés », contre 3 millions en 2007. Près de 200 000 personnes dorment sous des tentes, dans des abris de fortune ou sur le pavé. Ceux qui ont un logement acceptable y consacrent souvent plus d’un tiers de leurs revenus. Cette situation scandaleuse ne peut pas être réglée par des demi-mesures. Il faut augmenter massivement le nombre de logements sociaux. L’industrie du bâtiment doit être mobilisée pour construire des centaines de milliers de logements sociaux par an, jusqu’à ce que la demande soit pleinement satisfaite. A cette fin, les grands groupes de l’industrie du bâtiment et les sous-traitants les plus importants du secteur doivent être nationalisés, tout comme les grands groupes du secteur immobilier qui laissent des logements inoccupés à des fins spéculatives. Il faut aussi imposer un gel immédiat de tous les loyers et mettre en place des commissions composées de représentants des associations de locataires, afin de valider le montant des loyers demandés par les propriétaires. Enfin, la baisse drastique des factures de gaz et d’électricité suppose l’expropriation des géants privés de ce secteur, qui ont profité de la crise énergétique pour se gaver de profits pendant que de nombreux foyers passent les hivers sans chauffage, faute de moyens.
Des revendications du même ordre peuvent être avancées pour tous les autres secteurs de la vie sociale, comme le service public de la petite enfance ou celui de la culture. Dans les limites de ce programme, l’essentiel est d’en comprendre la méthode et l’orientation fondamentale.
Il n’est pas nécessaire d’anticiper le détail des revendications immédiates qui, dans chaque secteur, surgiront des conditions concrètes de la lutte. On ne doit pas plaquer mécaniquement un programme détaillé sur le processus vivant de la lutte des classes. Cependant, en évitant cette erreur ultra-gauchiste, on ne doit pas tomber dans l’erreur inverse, opportuniste. On doit lier les revendications immédiates de chaque lutte aux tâches révolutionnaires des travailleurs. En particulier, comme l’écrivait Marx dans le Manifeste du Parti communiste, on doit « mettre en avant la question de la propriété, à quelque degré d’évolution qu’elle ait pu arriver, comme la question fondamentale du mouvement ». Il faut montrer, faits et chiffres à l’appui, que les revendications les plus modestes et les plus élémentaires de la classe ouvrière se heurtent sans cesse, de mille façons, à l’obstacle de la grande propriété capitaliste, c’est-à-dire de la course aux profits. Il faut donc balayer cet obstacle, et ce faisant préparer les travailleurs à diriger eux-mêmes l’ensemble de l’économie. Le mot d’ordre d’expropriation d’une entreprise ou d’un secteur donné ne prend toute sa valeur qu’en ouvrant la perspective de l’administration ouvrière de la production.
Enfin, la mise en œuvre des « grands travaux » et la gestion ouvrière des secteurs nationalisés doivent pouvoir s’appuyer sur les financements d’un système bancaire unique et public. La nationalisation et la fusion de toutes les banques et de l’ensemble des institutions financières privées (assurances comprises) sont le couronnement indispensable des revendications qui précèdent. Sans l’expropriation de l’ensemble du capital financier, le meilleur des programmes n’est qu’un vœu pieux.
Pour des syndicats démocratiques et combatifs
Dans le contexte d’une crise du système et d’une offensive générale de la classe dirigeante, les travailleurs ont besoin d’organisations syndicales massives, combatives, démocratiques et totalement indépendantes de l’Etat bourgeois. Or, ces dernières décennies, chaque grande lutte sociale, en France, a démontré que les directions confédérales des syndicats – y compris celle de la CGT – se sont adaptées au capitalisme et sont intégrées à son appareil d’Etat.
Sous prétexte d’« indépendance syndicale », même la CGT a officiellement renoncé à remettre en cause la domination économique et politique de la bourgeoisie. Par ailleurs, à chacune des grandes contre-réformes annoncées par les gouvernements successifs, les directions syndicales répondent par la même « stratégie » perdante : une succession de « journées d’action » étalées sur plusieurs mois et convoquées sur la base d’un programme strictement défensif. Elles refusent de faire campagne pour une grève reconductible embrassant un nombre croissant de secteurs économiques, sur la base d’un programme social offensif. En conséquence, elles s’avèrent incapables de faire obstacle aux attaques de la classe dirigeante, sans parler d’améliorer la situation des travailleurs. Le mouvement des Gilets jaunes, en 2018 et 2019, fut une conséquence directe de cette impuissance : la colère sociale accumulée de longue date a explosé en dehors des structures du mouvement syndical.
Les défaites successives du mouvement syndical, au plan national, sont indissociables d’une bureaucratisation de ses directions, et pas seulement au niveau confédéral. Il y a de très nombreux militants sincères et combatifs à la base des syndicats, mais plus on monte dans leurs appareils, plus y prolifèrent le carriérisme, le bureaucratisme, les accointances directes ou indirectes avec le patronat et les politiciens bourgeois. Les communistes révolutionnaires, qui ont toute leur place dans les organisations syndicales, doivent y mener une lutte patiente et systématique contre les diverses formes de bureaucratisme. Seuls des syndicats démocratiques, fermement contrôlés par leurs adhérents et capables d’intégrer des couches toujours plus larges de travailleurs, peuvent défendre les acquis sociaux, obtenir de nouvelles avancées et contribuer de façon décisive à la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, après quoi les syndicats joueront un rôle central dans l’administration de l’économie socialiste elle-même.
Nous luttons pour l’indépendance complète (y compris financière) des syndicats à l’égard de l’Etat bourgeois et des institutions à travers lesquelles il s’efforce de les contrôler. Nous rejetons toutes les législations qui visent à encadrer et limiter l’action des syndicats, à commencer par les diverses entraves au droit de grève : « service minimum », obligations de « préavis », réquisitions… Nous rejetons aussi la loi de 2008 sur la « représentativité syndicale », qui a renforcé l’ingérence légale de l’Etat bourgeois dans la vie syndicale.
Les dirigeants syndicaux doivent être élus et révocables à tous les niveaux de l’appareil. Et pour que ce droit formel soit effectif, les Congrès confédéraux doivent cesser d’être la seule affaire des fractions dirigeantes. Ils doivent donner lieu à l’organisation de véritables discussions, à la base, sur les orientations, le programme et la stratégie des syndicats. A cette occasion, les militants pourront renouveler l’appareil syndical, le nettoyer de tous les carriéristes et bureaucrates réputés inamovibles, et doter l’organisation de dirigeants déterminés à lutter jusqu’au bout pour l’émancipation des travailleurs.
La division du mouvement syndical est le fruit d’une longue histoire ; il serait abstrait et contre-productif de revendiquer, à ce stade, l’unification de l’ensemble du mouvement syndical. Cependant, cette division reste un atout de taille dans les mains de la bourgeoisie, qui en joue sans cesse pour affaiblir les mobilisations sociales. Les bureaucraties syndicales sont d’ailleurs complices de ces manœuvres, y compris celle de la CGT : soit elle se contente de « prendre acte » des divergences syndicales, sans critiquer les directions des autres syndicats ni chercher à s’adresser à leur base ; soit elle s’aligne sur la position de la confédération la plus modérée (en général la CFDT) au nom de « l’unité syndicale ». Il faudrait faire exactement le contraire. La CGT doit lutter pour l’unité syndicale non sur la base du plus petit dénominateur commun, mais sur la base d’une stratégie et d’un programme offensifs. Ce faisant, elle doit démasquer les résistances des bureaucraties les plus conservatrices, tout en s’adressant directement à leurs bases militantes pour les appeler à s’impliquer dans la lutte.
La soi-disant « indépendance syndicale » à l’égard des partis politiques est régulièrement évoquée par les directions confédérales, soit pour justifier leur refus de participer à des mobilisations politiques, soit pour reprocher aux organisations politiques – et en particulier la FI – de marcher sur leurs plates-bandes en organisant des manifestations politiques dans le cadre de luttes « sociales », comme celle de 2023 contre la réforme des retraites. L’hypocrisie foncière de cette position est d’autant plus flagrante que : 1) elle reçoit le soutien enthousiaste de tous les politiciens et éditorialistes bourgeois ; 2) en réalité, les directions confédérales ne sont pas « indépendantes des partis politiques », car elles sont organiquement liées à l’Etat bourgeois – et donc, au moins indirectement, aux partis politiques de la bourgeoisie. Dans les faits, l’argument de « l’indépendance syndicale » vise uniquement à cantonner les luttes sociales dans des limites acceptables par la bourgeoisie.
Le PCR milite pour l’adoption par le mouvement syndical, et d’abord par la CGT, d’un programme de rupture avec le capitalisme et de transformation socialiste de la société. Sur cette base, les syndicats pourront librement et démocratiquement déterminer leurs relations précises avec les différents partis de gauche.
Défendre nos droits démocratiques
La lutte pour des syndicats combatifs est indissociable de la lutte pour défendre nos droits démocratiques contre les assauts de la classe dirigeante. C’est particulièrement vrai lors des périodes de profondes crises du capitalisme, lorsque les tensions croissantes entre les classes et l’intensification de leur lutte poussent la bourgeoisie à se tourner vers des « solutions » de plus en plus répressives – en général sous le prétexte de « lutte contre le terrorisme » ou, plus vaguement, de « risques de troubles à l’ordre public ». La gauche et le mouvement syndical doivent rejeter fermement toutes les limitations du droit de se syndiquer, de faire grève, de manifester et de se réunir, quel qu’en soit le prétexte.
La bourgeoisie française ne s’engagera pas à la légère dans la voie d’un régime bonapartiste (militaro-policier). De nos jours, compte tenu du poids social écrasant du salariat, qui par ailleurs commence seulement à se mobiliser, toute tentative d’imposer un régime dictatorial provoquerait des mobilisations d’une telle puissance qu’elles pourraient balayer le régime capitaliste. Cependant, sans aller jusqu’à la dictature ouverte, la bourgeoisie française cherche sans cesse à rogner nos droits démocratiques, à restreindre l’activité des militants politiques et syndicaux, la liberté d’expression et de réunion. L’interdiction de plusieurs manifestations et réunions publiques contre le génocide des Gazaouis en fut un exemple limpide et scandaleux. La criminalisation croissante des militants syndicaux les plus combatifs en est un autre. Le PCR rejette la politique de « compromis » que les dirigeants réformistes, trop souvent, opposent à ces atteintes graves à nos droits démocratiques. Le droit de faire grève et de manifester se défend dans l’action, par la grève et la manifestation.
Face aux violences policières contre les travailleurs en lutte et la jeunesse des quartiers populaires, les dirigeants réformistes parlent de « réformer la police » bourgeoise. C’est une dangereuse illusion. La police est une composante essentielle de l’Etat bourgeois ; elle ne pourra pas être « réformée » dans l’intérêt des masses exploitées et opprimées ; elle sera pulvérisée par la révolution socialiste. Dans l’immédiat, c’est au mouvement ouvrier d’organiser lui-même sa propre défense – et celle des minorités opprimées – contre les violences de la police, mais aussi contre celles des groupuscules fascistes qui servent d’agents supplétifs à l’appareil d’Etat bourgeois (de sorte que réclamer leur « dissolution » par ce même appareil d’Etat, comme le font les dirigeants réformistes, est illusoire et contre-productif).
Le PCR défend les droits démocratiques non seulement pour eux-mêmes, mais dans la mesure où ils offrent les meilleures conditions pour le développement de la lutte contre le capitalisme et pour la conquête du pouvoir par la classe ouvrière. Sous le capitalisme, la démocratie a nécessairement un caractère limité et superficiel. Que vaut la « liberté de la presse » lorsque les grands journaux, les chaînes de télévision, les grandes radios et les grandes maisons d’édition sont entre les mains d’une poignée de milliardaires ? De manière générale, tant que la terre, les banques et les grandes entreprises resteront sous le contrôle d’une petite minorité, toutes les décisions importantes qui affectent nos vies seront prises, non dans les Parlements ou les gouvernements élus, mais derrière les portes closes des conseils d’administration des banques et des multinationales.
Le socialisme est démocratique ou il n’est rien. Nous sommes pour une authentique démocratie, une démocratie ouvrière dans laquelle les travailleurs contrôleront l’économie et l’Etat – contrairement à la caricature actuelle, où tout le monde peut dire (plus ou moins) ce qu’il veut, du moment que les décisions importantes affectant nos vies sont prises par des petits groupes de gens non élus qui siègent à la tête des banques et des grandes multinationales.
Contre le racisme, le sexisme et toutes les oppressions
La stigmatisation des « étrangers » et des musulmans est l’un des piliers du régime politique français. Tous les gouvernements, de droite comme « de gauche », utilisent à fond cette arme de division et de diversion massive. Le soi-disant « lien » entre immigration et insécurité est proclamé chaque jour dans tous les médias, sur tous les tons. Le racisme officiel, sans cesse alimenté par le pouvoir, emprunte aussi le masque d’une lutte pour la laïcité, pour les « valeurs républicaines » et contre l’antisémitisme.
Dans ce domaine, les frontières du grotesque et de l’insulte ont été franchies à de nombreuses reprises – non seulement par CNews, dont c’est la spécialité, mais par l’ensemble des journalistes et des politiciens bourgeois. De grands « débats » sont organisés sur la présence de rayons hallal dans les supermarchés, sur la longueur des robes des lycéennes, sur la superficie des maillots de bain des musulmanes, sur les mères voilées qui accompagnent leurs enfants lors des sorties scolaires, etc. Rien de nouveau sous le soleil : en 1905, déjà, Lénine soulignait que « la bourgeoisie réactionnaire a partout eu soin d’attiser les haines religieuses (…) pour attirer de ce côté l’attention des masses et les détourner des problèmes économiques et politiques réellement fondamentaux. »[3]
Le programme et l’activité du PCR reposent sur une philosophie matérialiste conséquente, et donc athée. Mais nous ne devons pas faire la moindre concession à l’offensive permanente de la bourgeoisie contre les musulmans. Par exemple, nous sommes contre l’interdiction de porter le voile au lycée ou ailleurs, interdiction qui est de facto une atteinte flagrante à la laïcité (dans ce domaine, l’Etat ne doit ni obliger, ni interdire). Notre boussole, c’est l’unité de tous les travailleurs – quelle que soit leur religion – dans la lutte contre la classe dirigeante et son système. Comme l’écrivait Lénine dans le même article de 1905 : « L’unité de [la lutte] révolutionnaire de la classe opprimée combattant pour se créer un paradis sur terre nous importe plus que l’unité d’opinion des prolétaires sur le paradis du ciel ».
Au passage, nous dénonçons une autre atteinte majeure à la véritable laïcité : l’Etat subventionne à coups de milliards d’euros, chaque année, toutes sortes d’institutions religieuses, et notamment des établissements scolaires privés. Nous y sommes opposés et réclamons l’intégration de toutes les écoles privées dans le service public de l’Education nationale.
La lutte contre le racisme est indissociable de la lutte contre le capitalisme. Elle ne doit pas être menée au nom de « valeurs » morales abstraites et de bons sentiments, mais sous le drapeau de la lutte commune de tous les travailleurs pour leur émancipation définitive. C’est dans cette perspective que le mouvement ouvrier doit défendre un accueil digne des migrants, la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers, l’abrogation des lois racistes et le droit de vote des étrangers qui résident en France depuis plus de six mois. Ils doivent aussi pouvoir travailler dans la Fonction publique et, de façon générale, bénéficier des mêmes droits que tous les citoyens français. Soit dit en passant, l’ensemble des partis bourgeois – et non seulement le RN – s’opposent radicalement à ces mesures, ce qui suffit à souligner l’absurdité des soi-disant « fronts républicains contre l’extrême droite ». Ces « fronts » sont des politiques de collaboration de classe qui, loin d’affaiblir le RN, contribuent à le renforcer.
En même temps qu’elle se livre à une offensive permanente contre les étrangers et les musulmans, la bourgeoisie « libérale » se présente comme la championne de la lutte pour les droits des femmes. L’hypocrisie de cette posture est flagrante. Les femmes de la classe ouvrière subissent de plein fouet les conséquences de la crise du capitalisme, des contre-réformes et des politiques d’austérité. Elles sont les premières victimes du chômage, de la précarité et de la crise des services publics. Tout ceci les rend d’autant plus vulnérables aux violences en tous genres - y compris sexuelles - qui sont minimisées, ignorées, voire encouragées par la Justice, la police et les médias bourgeois.
Aux féminismes divers et variés, nous opposons les méthodes de la lutte des classes, c’est-à-dire de la lutte commune des travailleuses et des travailleurs pour créer les bases matérielles de l’émancipation des femmes : la socialisation des tâches domestiques et la baisse indéfinie du temps de travail, sur la base d’une planification socialiste de l’économie. Dans le même temps, le PCR lutte pour l’application stricte du principe « à travail égal, salaire égal », pour une augmentation massive des budgets des maternités et des services publics de la petite enfance (crèches, garderies, centres aérés, etc.), pour un accès gratuit à la contraception, pour l’abrogation de la clause de conscience en matière d’IVG, pour le financement massif et l’amélioration de la prise en charge des victimes des violences domestiques et sexuelles, et pour toute autre mesure permettant d’alléger le double fardeau qui pèse sur les femmes de notre classe.
La crise du capitalisme aggrave toutes les formes d’oppression, y compris celle des personnes LGBT. Le projet de loi transphobe concocté par les députés LR, au printemps 2024, donne une idée des offensives à venir. Le PCR lutte pour l’égalité complète des droits individuels et familiaux, indépendamment du genre et de l’orientation sexuelle. Nous revendiquons le droit à une transition libre et gratuite assortie d’un accompagnement psychologique à la demande. Cela doit s’accompagner d’investissements massifs dans le secteur public de la santé pour la prise en charge et l’accompagnement des personnes LGBT.
Dans sa bruyante croisade contre le « wokisme », l’extrême droite encourage les violences contre les femmes et les minorités opprimées. On ne peut accorder aucune confiance à la droite « libérale » pour y mettre un terme, car elle est au cœur du problème. Quant aux dirigeants officiels du mouvement ouvrier, ils proposent de protéger les opprimés à coup de protestations morales, de pétitions et de réformes insignifiantes. En réalité, il n’y a pas d’autre voie que la lutte commune de tous les exploités et opprimés pour en finir avec la barbarie capitaliste.
La jeunesse
La crise aggrave brutalement l’exploitation et l’oppression de la masse des jeunes. Faire des études relève de plus en plus du parcours du combattant, auquel succède souvent le chômage, la précarité et une succession de stages et/ou de petits boulots mal payés.
Nous avons formulé plus haut des revendications relatives à l’Education nationale. Il faut les compléter ici par des mesures d’urgence contre la paupérisation de la jeunesse. Des logements sociaux doivent être construits à l’intention des jeunes travailleurs et des jeunes couples. Les « grands travaux » et la répartition du travail disponible doivent garantir une formation ou un emploi bien rémunérés à tous les jeunes qui ont terminé leurs études. Les syndicats doivent résolument se tourner vers les jeunes travailleurs, les organiser et veiller à la stricte application du principe : « à travail égal, salaire égal ». Dans l’immédiat, le droit au RSA doit être ouvert dès l’âge de 18 ans ; son montant doit permettre de vivre, et non de survivre.
La jeunesse doit aussi avoir pleinement accès aux loisirs, à la culture et à tous les sports, ce qui est loin d’être le cas. Dans l’intérêt de la lutte pour le socialisme, la jeune génération ouvrière doit pouvoir s’instruire, débattre et s’organiser dans les meilleures conditions possibles. La construction d’infrastructures sportives, d’espaces associatifs, de salles de concert, de cinémas, de théâtres, etc. doit occuper une place centrale dans la planification des « grands travaux ». L’accès à ces infrastructures doit être gratuit, et elles doivent être administrées par les jeunes eux-mêmes, en lien avec les organisations syndicales.
La jeunesse des quartiers les plus pauvres subit des discriminations et des humiliations constantes, la violence et le racisme policiers, les insultes quotidiennes des grands médias et des politiciens bourgeois. Les émeutes de juillet 2023 provoquées par le meurtre policier de Nahel, à Nanterre, peuvent se reproduire à tout moment – et à une bien plus grande échelle. Dans ce contexte, l’ensemble du mouvement ouvrier devrait : 1) s’opposer massivement à la répression judiciaire extrêmement sévère qui frappe les jeunes émeutiers ; 2) parler à toute cette jeunesse non le langage du compromis et de la modération, mais celui de la révolution : c’est le seul auquel elle répondra avec enthousiasme et détermination.
La crise des organisations réformistes se manifeste par leur incapacité à attirer la jeunesse. Les cas du PS et du PCF sont flagrants, mais le phénomène est général. A l’inverse, le PCR cherche et trouve l’essentiel de ses forces militantes dans la jeunesse radicalisée. C’est un gage de nos succès futurs. Comme l’écrivait Trotsky dans le Programme de transition : « La IVe Internationale prête une attention exceptionnelle à la jeune génération du prolétariat. Par toute sa politique, elle s’efforce d’inspirer à la jeunesse confiance dans ses propres forces et dans son avenir. Seuls l’enthousiasme frais et l’esprit offensif de la jeunesse peuvent assurer les premiers succès dans la lutte ; seuls ces succès peuvent faire revenir dans la voie de la révolution les meilleurs éléments de la vieille génération. Il en fut toujours ainsi, il en sera ainsi. »
Pour un gouvernement des travailleurs
Le PCR lutte pour l’expropriation de la bourgeoisie, c’est-à-dire pour la collectivisation de tous les grands moyens de produire les richesses. L’ensemble de nos revendications sont articulées et subordonnées à cet objectif fondamental. Comme le soulignait déjà Trotsky : « Aucune des revendications transitoires ne peut être complètement réalisée avec le maintien du régime bourgeois »[4]. D’où ce mot d’ordre : « pour un gouvernement des travailleurs ». Il ne dit pas quelles forces politiques composeront ce gouvernement, mais il dit l’essentiel : quelle classe sera au pouvoir.
Aux yeux des masses, la question du « pouvoir » se pose habituellement dans les étroites limites de la démocratie bourgeoise, dont les dirigeants de la gauche réformiste font l’arène principale de leur activité. Le PCR ne déserte pas ce champ de bataille. A un certain stade, nous présenterons des candidats ; ce sera un moyen d’accroître notre audience et de construire le parti. Dans l’immédiat, lors des élections, nous apportons un soutien critique – et même très critique, la plupart du temps – à l’aile gauche du réformisme, du moins chaque fois que cela se justifie du point de vue de la popularisation de nos idées révolutionnaires et de la construction de nos forces. Ce faisant, nous ne semons aucune illusion dans les programmes et les politiques des dirigeants réformistes. Nous exigeons qu’ils rompent avec la bourgeoisie, mais nous refusons de porter la responsabilité de leurs vacillations et de leurs trahisons.
Ceci étant dit, le développement de la lutte des classes posera la question du pouvoir de façon bien plus directe, sans passer le prisme déformant de la démocratie bourgeoise et de l’électoralisme réformiste.
Il n’est pas possible d’anticiper le rythme, les étapes et les formes précises que prendra la mobilisation révolutionnaire des masses, mais une chose est sûre : à un certain stade, la lutte fera surgir des organes démocratiques tels que, par exemple, les « AG interprofessionnelles » du grand mouvement de l’automne 2010, qui a été marqué par une grève reconductible dans divers secteurs de l’économie. Ces AG réunissaient à l’échelle locale des travailleurs, des étudiants, des lycéens, des chômeurs et des retraités ; elles discutaient des actions à mener pour étendre et enraciner le mouvement de grève. Au moment où ces AG commençaient à envisager leur liaison au plan national, leur dynamique a été brisée par la capitulation des directions confédérales (CGT comprise). Reste la leçon centrale de cette expérience : la lutte massive a fait surgir des organes de combat qui s’orientaient vers la formation d’une situation de « double pouvoir » – celui des travailleurs organisés faisant face et concurrence à celui de l’Etat bourgeois.
Cela ne signifie pas que le processus révolutionnaire empruntera nécessairement les mêmes formes, à l’avenir. Mais l’orientation générale sera la même : les masses exploitées et opprimées forgeront des organes de combat susceptibles de se transformer en organes de pouvoir, comme ce fut le cas des « soviets » (« conseils ») dans la Russie de 1917. Le PCR avancera, en temps voulu, les mots d’ordre visant à développer ces organes, à les unifier et à les orienter vers un « gouvernement des travailleurs ». De manière générale, comme l’écrivait Trotsky, nous devrons nous « orienter de façon critique à chaque nouvelle étape et lancer les mots d’ordre qui appuient la tendance des ouvriers à une politique indépendante, approfondissent le caractère de classe de cette politique, détruisent les illusions réformistes et pacifiques, renforcent la liaison de l’avant-garde avec les masses et préparent la prise révolutionnaire du pouvoir. »[5]
A bas l’impérialisme français !
Les politiciens bourgeois qui stigmatisent sans cesse les immigrés sont les mêmes qui soutiennent les guerres et les prédations impérialistes à l’origine de migrations massives. Chassés de leurs pays par les bombes de l’industrie militaire française, les migrants qui parviennent à franchir nos frontières sont brutalement refoulés ou discriminés.
La crise mondiale accroît les rivalités inter-impérialistes – et donc l’instabilité militaire internationale. Dans ce contexte, le déclin de l’impérialisme français ne signifie pas qu’il devient plus pacifique ou plus démocratique. Les dépenses militaires de l’Etat français ont augmenté de 6,5 % en 2023.
La France n’est désormais qu’une puissance impérialiste de second ou troisième rang, mais elle n’a pas l’intention de renoncer à sa part du butin mondial, quitte à jouer surtout le rôle de supplétif du géant américain, comme c’est le cas dans la guerre en Ukraine. Par ailleurs, malgré ses revers successifs en Afrique, la France joue toujours un rôle de premier plan dans l’oppression des peuples de ce continent.
Le PCR appelle à soutenir activement la lutte de tous les peuples opprimés par l’impérialisme français. Nous militons pour la fermeture de toutes les bases militaires françaises et le rapatriement de toutes les troupes françaises stationnées à l’étranger, notamment en Afrique et au Moyen-Orient.
L’impérialisme français opprime et maintient dans la misère et le sous-développement les populations des Départements et Territoires d’Outre-Mer. Il n’utilise ces territoires que comme des réserves de matières premières ou des points d’appui pour ses plans impérialistes. Il faut des plans massifs de développement des services publics et des infrastructures – notamment en matière de logements, d’eau potable et d’énergie – dans tous les territoires d’Outre-Mer.
Les communistes révolutionnaires ne sont pas partisans de la séparation par principe. Partout où ce sera possible, il serait préférable d’établir une libre et fraternelle association entre la classe ouvrière de la métropole et celle des DOM-TOM, afin de poser ensemble les bases d’une économie et d’une société socialistes. Cependant, ces populations doivent pouvoir décider librement de leur destin, et la classe ouvrière française n’a rien à gagner à leur imposer une union qu’elles ne souhaiteraient pas et ainsi perpétuer l’oppression nationale qu’elles peuvent subir. Donc, partout où la question se pose, nous défendons le droit à l’auto-détermination pour les peuples occupés et opprimés par l’impérialisme français – notamment pour le peuple kanak, sur lequel les « forces de l’ordre » françaises et des milices locales tirent à balles réelles.
L’industrie de l’armement joue un rôle toujours plus grand dans les profits du capitalisme français en décadence. Les ressources gaspillées à produire des bombes et des armes utilisées pour opprimer et massacrer des peuples doivent être utilisées pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la population. Nous luttons pour la nationalisation de l’industrie de l’armement, filiales et sous-traitants compris, et pour sa réorientation vers la production de biens utiles.
Lorsqu’ils ne défendent pas directement les intérêts de l’impérialisme français, les dirigeants réformistes du mouvement ouvrier sèment des illusions sur la possibilité d’en finir avec les guerres impérialistes sans en finir avec le capitalisme lui-même. Ils s’en remettent à l’ONU, cette « cuisine des bandits impérialistes », selon la formule de Lénine à propos de la Société Des Nations (SDN), l’ancêtre de l’ONU. Cette institution est un forum dans lequel les grandes puissances impérialistes s’échangent, comme de la petite monnaie, les droits et les vies de peuples entiers. L’ONU n’a jamais empêché la moindre guerre impérialiste. Par contre, elle en a soutenu et « légalisé » un grand nombre. Entre 1996 et 2003, elle a organisé un embargo de l’Irak qui a provoqué la mort de 500 000 à 1,5 million d’Irakiens, dont une majorité d’enfants.
Nous sommes contre les guerres impérialistes, mais aussi contre la « paix » impérialiste, laquelle n’est jamais qu’une période préparatoire à de nouvelles guerres. La guerre et le militarisme sont des conséquences inéluctables du capitalisme à l’époque de sa décadence. La tâche des révolutionnaires n’est pas d’en appeler à « la paix » sur la base du capitalisme, mais de renverser le système qui engendre fatalement les guerres.
En France, notre tâche centrale est de lutter contre l’impérialisme français. Notre mot d’ordre est celui du grand révolutionnaire et combattant antimilitariste Karl Liebknecht : « l’ennemi principal est dans notre propre pays ! ». Nous devons lutter pour enrayer les machinations impérialistes de notre propre classe dirigeante. Seule une guerre de classe peut arrêter la machine de guerre impérialiste. Seule la révolution socialiste peut ouvrir la voie à une véritable ère de paix.
La crise environnementale
La crise climatique et le saccage de l’environnement sont une source d’angoisse et de colère croissantes – en particulier dans la jeunesse, dont l’avenir est en suspens. Le PCR rejette les « solutions » réformistes, qui veulent sauver la planète sur la base du capitalisme, mais aussi les « solutions » archi-pessimistes et réactionnaires : « décroissance », « collapsologie », etc.
Il sera impossible de mettre un terme à la crise environnementale – qui menace de plonger l’humanité dans une barbarie généralisée – sur la base de la propriété privée des moyens de production, de la course aux profits et de la prédation impérialiste. L’enjeu n’est pas de faire « prendre conscience » à la bourgeoisie, ou même à une fraction de celle-ci, de ses responsabilités en matière d’environnement. Comme l’écrivait déjà Marx dans Le Capital, la bourgeoisie n’a qu’un mot d’ordre : « Après nous, le déluge ! ». Et pour cause : les lois fondamentales du système capitaliste s’imposent aux capitalistes eux-mêmes ; or ce sont précisément ces lois, celles de la jungle du « libre marché », qui sont absolument incompatibles avec une gestion rationnelle des ressources naturelles et des équilibres environnementaux. Par exemple, les experts soulignent que la transition énergétique ne pose aucun problème scientifique et technologique, sur le papier ; le seul obstacle majeur à sa mise en œuvre, c’est l’insuffisante profitabilité des investissements requis. Alors, « après nous, le déluge ! »
La crise climatique et environnementale a suscité des grèves étudiantes et de grandes manifestations de la jeunesse. C’est un développement très positif, mais ces mobilisations ne suffiront pas. La jeunesse doit se lier au mouvement ouvrier pour obtenir, dans la lutte, un changement politique radical. L’idée d’une « planification écologique », défendue notamment par la FI, est suspendue en l’air tant qu’elle ne repose pas sur le programme d’une planification de l’ensemble de l’économie. On ne peut planifier ce qu’on ne contrôle pas, et on ne peut contrôler ce qu’on ne possède pas. L’expropriation des grands capitalistes, dont nous avons souligné l’urgence sociale, est aussi une urgence environnementale. Par ailleurs, seule une planification mondiale de la production permettra de sauver la planète, car la crise environnementale ne respecte pas les frontières.
Armés d’arguments pseudo-scientifiques et aux trois quarts mystiques, les « décroissants » et les « collapsologues » décrètent que l’humanité a atteint une limite absolue au développement de la science et de la technologie, ou du moins à leur application aux processus productifs, de sorte que la seule issue raisonnable, désormais, serait une régression plus ou moins contrôlée des forces productives. Ces idées sont des mises à jour des thèses archi-réactionnaires de Thomas Malthus (1766-1834), qui prétendait que la famine, la pauvreté et les maladies résultaient de la « surpopulation ». Elles reflètent un point de vue typiquement petit-bourgeois, qui veut faire « tourner à l’envers la roue de l’histoire », comme l’écrivait Marx. Le PCR ne peut leur faire aucune concession. Nous rejetons aussi la propagande bourgeoise sur « l’éco-responsabilité » des individus et toutes les « éco-taxes » que cette propagande vient justifier. La crise environnementale n’est pas causée par la « sur-consommation » individuelle – dans un monde où plus de 700 millions de personnes (officiellement) vivent sous le seuil de pauvreté. Les solutions individuelles, comme la soi-disant « consommation éthique », ne peuvent avoir aucun impact significatif quand une poignée d’entreprises contrôlées par quelques milliardaires polluent plus que l’immense majorité de la population.
Face aux taxes et mesures « écologistes » qui frappent les plus pauvres au profit des plus riches, l’extrême droite en profite pour se livrer à une démagogie anti-écologiste – qui, faute d’alternative claire, à gauche, rencontre un certain écho dans les couches les plus écrasées de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie. On l’a vu notamment à l’occasion du dernier mouvement des petits agriculteurs, en janvier 2024. On ne peut pas combattre efficacement cette démagogie avec des leçons de morale écologiste, mais seulement avec un programme révolutionnaire. Aux petits agriculteurs comme à la masse de la petite bourgeoisie, le PCR explique qu’ils n’ont pas d’avenir digne sur la base du capitalisme. Leur sort est lié à celui de la classe ouvrière des villes et des campagnes. En nationalisant les banques et l’ensemble de la grande industrie agro-alimentaire, un gouvernement des travailleurs garantira aux petits agriculteurs des conditions de crédit, de production et de débouchés leur permettant de vivre dignement de leur travail. Au passage, cette politique mettra un terme à l’exposition massive des petits agriculteurs aux pesticides et autres produits phytosanitaires dangereux, dont ils sont les premières victimes.
Une fois au pouvoir, les travailleurs en finiront immédiatement avec la folie furieuse (mais profitable) de « l’obsolescence programmée », que le capitalisme a de facto généralisée à de nombreux secteurs de l’économie. Ils mobiliseront tous les savoirs et toutes les compétences pour produire des biens toujours plus durables, recyclables et économes en énergie. La croissance des forces productives ne visera pas une augmentation indéfinie de la quantité de biens, mais l’amélioration indéfinie des processus de production eux-mêmes (les économies de temps, d’énergie et de ressources), ainsi que la qualité des produits finis. Le communisme – et lui seul – permettra de régler la crise environnementale. L’une de ses tâches prioritaires sera même de soigner, dans la mesure du possible, les profondes blessures infligées par le capitalisme à notre planète.
Conclusion
Dans le Programme de transition, Trotsky écrivait : « Les bavardages de toutes sortes selon lesquels les conditions historiques ne seraient pas encore “mûres” pour le socialisme ne sont que le produit de l’ignorance ou d’une tromperie consciente. Les prémisses objectives de la révolution prolétarienne ne sont pas seulement mûres ; elles ont même commencé à pourrir. Sans révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la civilisation humaine tout entière est menacée d’être emportée dans une catastrophe. Tout dépend du prolétariat, c’est-à-dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire. »
86 ans plus tard, ces lignes sont d’une actualité frappante. Les conditions objectives du socialisme et du communisme sont encore plus mûres qu’elles ne l’étaient à l’époque : la longue phase d’expansion du capitalisme, dans la foulée de la Deuxième Guerre mondiale, a énormément développé les forces productives, la technologie, la science et, surtout, le poids social de la classe ouvrière – non seulement dans les grandes puissances, mais aussi dans de nombreux pays dominés par l’impérialisme. Lorsque Trotsky évoquait le « pourrissement » des conditions objectives, il pensait notamment au chômage de masse, auquel s’ajoute aujourd’hui la crise environnementale. Le sort de la civilisation humaine – son épanouissement ou sa chute dans la barbarie – sera tranché au cours des prochaines décennies. Et le facteur qui s’avérera décisif, c’est encore et toujours la direction révolutionnaire de la classe ouvrière.
Il n’y a pas de tâche plus urgente que la construction du PCR et de l’ICR. Et plus vite nous développerons nos forces, plus vite nous pourrons disputer aux réformistes la direction du mouvement ouvrier, c’est-à-dire mettre la révolution socialiste à l’ordre du jour.
[1] Marxisme et réformisme. Tome 19 des œuvres complètes, p.399.
[2] Programme de transition (1938)
[3] « Socialisme et religion ».
[4] Programme de transition
[5] Programme de transition