Il aura donc fallu 19 jours pour former un gouvernement dans lequel figurent – entre autres revenants et morts-vivants – Elisabeth Borne et Manuel Valls, qui sont à peine moins détestés que Macron dans la masse de la population. A lui seul, ce fait souligne la profondeur de la crise de régime du capitalisme français.
Pour le reste, la composition de ce gouvernement ne marque aucune espèce de rupture avec le précédent. Macron a simplement remis une pièce dans la machine en espérant que, cette fois-ci, le RN ou le PS permettra au gouvernement d’adopter le budget austéritaire qu’exigent les marchés financiers.
Ni les dirigeants du RN, ni ceux du PS ne l’excluent a priori : ces politiciens bourgeois ne veulent pas être tenus pour responsables d’une flambée de la crise de la dette publique française. En outre, les dirigeants du PS – comme ceux des Verts et du PCF – ne veulent pas d’une élection présidentielle anticipée, qui ne leur donnerait pas le temps d’organiser de grandes manœuvres contre une candidature de Jean-Luc Mélenchon. Mais dans le même temps, les dirigeants du PS, des Verts, du PCF et du RN rechignent à sacrifier leur avenir politique à la demande et au profit de la clique macroniste.
La montagne de contradictions qui se sont accumulées, dans la sphère politique et parlementaire, fragilise à l’extrême le gouvernement Bayrou, ce château de cartes susceptible d’être balayé au premier coup de vent. Sa chute semble donc assez probable à court terme. L’étape suivante, ce sera une augmentation brutale de la pression s’exerçant sur Macron pour qu’il démissionne. Cette pression viendra d’une fraction croissante de la bourgeoisie elle-même. En « lâchant » Macron, ces derniers jours, Le Monde a donné le ton.
La campagne des dirigeants de la FI pour la démission de Macron trouve un écho favorable chez des millions d’exploités et d’opprimés qui détestent le chef de l’Etat. Il va sans dire que nous sommes favorables à la chute de Jupiter. Mais en limitant la lutte au terrain parlementaire et électoral, les dirigeants de la FI passent à côté des tâches centrales du mouvement ouvrier dans la période actuelle : la construction d’une puissante mobilisation extra-parlementaire, dans les rues et les entreprises, pour en finir avec les plans sociaux, la vie chère, le chômage, la précarité, la destruction des services publics et tous les autres fléaux dont le capitalisme en crise accable les masses.
Il est vrai que les dirigeants de la CGT – sans parler des autres directions syndicales, qui ont récemment signé avec le patronat un appel à la « stabilité » gouvernementale – ne veulent pas organiser une telle mobilisation sociale. C’est l’un des éléments centraux de la situation actuelle : sous la pression directe de la bourgeoisie, les dirigeants du mouvement syndical ne veulent pas ajouter une « crise sociale » (dans les rues) à la crise de régime. Mais dès lors ils font le jeu du RN, car ce parti profitera d’une colère sociale qui ne trouve pas d’expression massive sur le terrain de la lutte des classes. C’est sur ce terrain, et lui seul, que la crise actuelle peut tourner à l’avantage de la jeunesse et des travailleurs.