Après de longues tractations à l’Elysée, la décision du chef de l’Etat est tombée : François Bayrou aura la charge d’appliquer les politiques d’austérité dont la bourgeoisie a besoin, dans un contexte d’accélération de la crise de régime du capitalisme français. C’est le troisième Premier ministre français nommé depuis janvier. Le développement de la dette publique française rend sa mission d’autant plus urgente et périlleuse du point de vue de la bourgeoisie. En 2025, la France devra encore emprunter 300 milliards d’euros sur les marchés tandis que les investisseurs attaquent déjà la dette française : le paiement des seuls intérêts pourrait atteindre les 100 milliards d’euros d’ici 2028.

Pour réduire le déficit public, la classe dirigeante n’a qu’une solution : imposer des coupes drastiques dans les dépenses sociales et la Fonction publique. Ceux qui acceptent le poste proposé par Macron s’engagent à mettre en œuvre ce programme le plus rapidement possible. A cet égard, les destins des représentants de la bourgeoisie se croisent : une chute rapide dans les abîmes de l’impopularité. François Bayrou n’y échappera pas.

Espérant obtenir une majorité pour appliquer ses contre-réformes, Macron a misé sur le prétendu « arc républicain » : une coalition allant, à minima, du PS aux Républicains. Comme point d’équilibre il a choisi ce vétéran du MoDem, soutien du macronisme, fin connaisseur des arcanes institutionnels et grand habitué des calculs politiciens. Mais l’expérience de François Bayrou dans ce domaine est loin de suffire pour surmonter les contradictions qui sous-tendent cet « arc » à la structure plus que vacillante. C’est pourtant sur cette arme hypothétique que repose la stratégie de la bourgeoisie.

L’avenir nous dira jusqu’où cet arc s’ouvrira à gauche, c’est-à-dire jusqu’à quel point les dirigeants du PS, du PCF et des Verts accepteront la politique du nouveau gouvernement et des ministres qui le composeront. À cet égard, la première mission confiée par Macron à François Bayrou est de négocier avec les différentes forces du pays – sauf la FI et le RN – pour conclure un « accord » de non-censure.

La difficulté est grande pour Bayrou, mais simple à comprendre. C’est un jeu de vases communicants : les concessions qu’il fera à gauche risquent d’éloigner la droite – et inversement. Les intérêts respectifs des différentes forces s’entrechoquent et peuvent rompre l’accord – s’il y en a un – à la première échéance. En bref, la bourgeoisie n’a pas de socle stable pour appliquer sa politique et doit faire avec la crise de régime.

Contrairement à ce que martèlent les éditorialistes à longueur de journée sur les plateaux de télévision, la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier n’est pas la cause de la crise de régime. Elle n’a fait qu’en accélérer le cours. La crise de régime plonge ses racines dans le déclin irréversible du capitalisme français, comme nous l’avons expliqué dans l’exposé introductif de nos perspectives nationales au Congrès de fondation du PCR.

La France insoumise et le Rassemblement national sont de facto perçus comme les véritables opposants au macronisme. Plus la crise de régime s’approfondira, plus ils feront pression pour des élections présidentielles anticipées. Un récent sondage IFOP place Marine Le Pen en tête au premier tour avec 38 % des intentions de vote, tandis que Jean-Luc Mélenchon, premier à gauche, n’obtiendrait que 12 %. Certes, à chaque élection présidentielle, les sondages sous-estiment largement le score de Jean-Luc Mélenchon. Cependant, ce sondage révèle une réalité implacable : la dynamique est clairement du côté de l’extrême droite.

Nous avons souvent souligné que les erreurs droitières de la France insoumise renforcent le Rassemblement national. Ces erreurs se sont manifestées notamment par des alliances sans principes avec le PS, le PCF et les Verts dans le cadre de la NUPES et du NFP, ainsi que par la stratégie du « front républicain », qui a conduit des candidats FI à se désister en faveur de candidats macronistes. Le RN exploite habilement cette politique de collaboration de classe dans sa rhétorique démagogique et antisystème.

Une autre erreur majeure doit être soulignée : la France insoumise concentre l’essentiel de la lutte politique au parlement. Certes, ils ont fait tomber le gouvernement, ou plutôt, le Rassemblement national les y a autorisés – sous la pression de son propre électorat. De nombreux travailleurs se sont réjouis de cette censure. Mais il faut regarder la réalité en face, Barnier a été remplacé par un nouveau serviteur de la bourgeoisie tout aussi dévoué.

Pour gagner de l’influence auprès des travailleurs, la France insoumise doit participer à l’organisation d’un puissant mouvement social contre le gouvernement et la classe dirigeante. Son groupe parlementaire doit se servir de la tribune que lui offre le Palais Bourbon pour expliquer que l’axe de la lutte se trouve dans la rue et les entreprises.

Le potentiel de mobilisation est là, mais il est saboté par la modération des directions du mouvement ouvrier. Une vague massive de licenciements frappe le pays : 200 000  emplois industriels sont menacés à court terme. Plusieurs sites industriels sont engagés dans des grèves illimitées. Des luttes ont aussi éclaté dans de nombreux secteurs face aux conséquences des attaques des gouvernements successifs.

Des journées d’action ponctuelles et la lutte parlementaire ne suffiront pas pour faire reculer la bourgeoisie qui se prépare à mener une offensive contre les travailleurs. Les dirigeants de la France insoumise et de la CGT doivent préparer un mouvement de grève reconductible dans un nombre croissant de secteurs de l’économie, avec pour objectif de renverser le gouvernement Bayrou et de forcer Macron à quitter le pouvoir.

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