Il est grand temps aujourd’hui d’enterrer une bonne fois pour toutes la rengaine que les chantres du libéralisme aiment à conter au sujet du chômeur fainéant et bien au chaud chez lui, usant et abusant de l’Etat-providence.
Un récent rapport d’une longue étude de l’INSEE, en France et dans d’autre pays, démontre que le risque annuel de décès d’un chômeur est, quel que soit son âge, environ trois fois celui d’un actif du même âge. La mortalité des femmes au chômage est environ le double, à âge égal, de la mortalité des femmes actives.
Les raisons de la surmortalité des chômeurs sont multiples : un état de santé déficient, les conséquences financières et psychologiques du chômage de longue durée, où encore le rôle "catalyseur" du chômage, c’est-à-dire sa tendance à déclencher des pathologies latentes. Des différences de statut matrimonial, de niveau d’études ou de groupe socioprofessionnel ont également une influence sur l’ampleur de la surmortalité des chômeurs.
Cette étude, qui s’étend de 1975 à 1995, montre que la mortalité des chômeurs est un phénomène qui va en s’aggravant continuellement durant cette période : le risque relatif, de 3.5% entre 1975 et 1980, passe à 5.1% entre 1990 et 1995.
Pour ceux qui lisent La Riposte depuis quelques numéros, le lien est évident entre l’augmentation de la précarité, de la flexibilité, et ces chiffres révoltants sur la mortalité. L’aggravation de la mortalité correspond à la dernière décennie, pendant laquelle la période de chômage est de plus en plus suivie par l’exercice d’emplois temporaires. De même le chômage est-il toujours plus récurrent. On assiste alors à des processus cumulatifs où des risques en appellent d’autres. La pauvreté, l’isolement social et la perte d’estime de soi, l’adoption de comportements à risque pour la santé sont autant d’autres vecteurs de cette dégradation du niveau de vie.
Que l’on soit chômeurs ou travailleurs précaires, la diminution de nos revenus nous conduit à modifier notre mode de vie, et notamment à restreindre les dépenses qui touchent l’alimentation. Du fait de la restriction de l’indemnisation du chômage qui a eu lieu en 1992, le manque de moyens financiers conjugués à l’isolement social restreint l’information et l’accès à la santé.
Cependant, les mêmes chantres cités au début, annoncent chaque mois, criant victoire, une baisse du chômage : 9,2% de chômage au mois de novembre et un recul de 17,2% sur un an selon le B.I.T. (Bureau International du Travail). A en croire le gouvernement, le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de plus de 962.000, le chômage des jeunes a baissé de 40,5% et les licenciements économiques ont reculé de 42,3%.
Tous ces chiffres semblent montrer une amélioration des conditions de vie, ce qui entre en contradiction avec l’augmentation de la mortalité chez les chômeurs et l’aggravation de la précarité. Mais il ne faudrait pas oublier que le mode de calcul du chômage est sans cesse modifié pour que, devant l’ampleur des dégâts, les chiffres ne fassent pas trop peur : il y a environ 4 ans, Charlie Hebdo démontrait que le nombre de chômeurs s’élèverait à plus de 4 millions si l’on n’avait pas modifié le mode de calcul.
Aujourd’hui, la dernière méthode qui sert de baromètre officiel du chômage est celle de ce fameux BIT, qui ne prend en compte qu’une seule catégorie de chômeurs : celle constituée de demandeurs d’emploi immédiatement disponibles et à la recherche d’un emploi à durée indéterminée et à plein temps. En plus, pour dégonfler les chiffres, l’ANPE peigne les listes des chômeurs pour les orienter vers des CDD, des stages ou de l’intérim, ce qui les sort de la catégorie des chômeurs établie par le BIT pour les faire figurer dans la catégorie de ceux qui exercent une activité occasionnelle ou réduite de plus de 78 heures dans le mois. En réalité, nous nous retrouvons à nous partager le chômage et ses conditions de vie sans pouvoir bénéficier des fruits de l’actuelle phase de croissance.