Dans son rapport publié le 31 janvier dernier, la Fondation Abbé Pierre révélait que le nombre de mal-logés, en France, n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années, pour atteindre le triste record de 4,1 millions de personnes. Cela comprend plus de 330 000 sans-abris, parmi lesquels un nombre croissant de femmes et d’enfants, parfois en bas âge. Au total, plus de 12 millions de personnes, soit un sixième de la population, sont « fragilisées par la crise du logement », d’une façon ou d’une autre.

La crise du logement n’est pas un phénomène isolé. Elle est organiquement liée à la précarisation croissante d’une large couche du salariat, dans un contexte d’augmentation des dépenses relatives au logement. Les loyers, les remboursements de prêts immobiliers, les charges, les abonnements divers, les taxes ou encore le prix des assurances augmentent plus vite que les salaires – et que les revenus en général (sauf pour la minorité des exploiteurs). Ces dépenses représentaient un peu plus de 12 % du budget du ménage « moyen » dans les années 80. En 2021, ce chiffre a bondi à 28 %. Et bien sûr, la situation est encore plus grave dans la masse des foyers les plus modestes : en 2019, ces derniers consacraient au logement la moitié de leur budget, en moyenne.

En conséquence, un nombre croissant de locataires sont régulièrement dans l’incapacité de payer leur loyer. En 2022, la force publique est intervenue pour expulser de leur logement au moins 12 000 personnes ou familles. Malheureusement, nombre de ces expulsés n’ont aucune solution de relogement. Toujours selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre, entre un et trois ans après leur expulsion, 32 % d’entre eux sont toujours contraints de vivre dans des chambres d’hôtel, dans une caravane – ou dans la rue.

Austérité

Les gouvernements, les régions et les mairies annoncent régulièrement des projets visant à améliorer l’accès au logement. Cependant, les politiques d’austérité ont rapidement raison de ces annonces et promesses. Dès 2017, le premier gouvernement Macron a réalisé toute une série de ponctions sur le budget des APL et les ressources des bailleurs sociaux. Depuis 2017, l’Etat économise 15 milliards d’euros par an sur les aides au logement – et ne cesse, par toute une série de mesures, de mettre en difficulté les organismes HLM (par exemple, en rehaussant de 5,5 % à 10 % la TVA sur les logements sociaux de loyers faibles à modérés).

Les conséquences négatives de cette politique frappent des millions de personnes, directement ou indirectement. D’une part, la construction de logements sociaux est en berne : 123 000 en 2016, moins de 100 000 par an depuis 2021. D’autre part, les dépenses d’entretien sont révisées à la baisse, faute de moyens. Cela conduit, en particulier dans les grandes villes, à une épidémie de logements dégradés, mal-isolés – voire à de dramatiques incendies ou à des effondrements d’immeubles entiers, comme à Marseille en 2018.

Profits

Pendant qu’ils privent le logement social de ressources, les pouvoirs publics participent activement à l’orgie spéculative organisée par les grands acteurs du parc privé. En 2022, 3,1 millions de logements – soit 8,3 % de l’ensemble du parc immobilier – étaient inoccupés. A ce chiffre, déjà scandaleux en soi, il faut ajouter les nombreux logements du parc privé qui sont entièrement dédiés à des locations saisonnières de meublés touristiques, de type « Airbnb ».

Non seulement la spéculation dans le secteur privé fait flamber les prix des logements, mais ce secteur bénéficie aussi de toute une série d’abattements fiscaux – allant jusqu’à 71 % – et de généreuses déductions qui l’exempte d’impôts. En fin de compte, l’argent prélevé à coup de politiques d’austérité dans le parc public est diligemment réinjecté par des politiques de défiscalisations de l’investissement dans le parc privé locatif et dans le neuf. Ces aides fiscales, comme le dispositif « Pinel », sont de plus en plus importantes et peuvent désormais s’élever à près de 70 000 euros par logement. Ainsi, l’Etat alimente les poches des grands propriétaires du secteur immobilier et, à travers eux, celles des banques et des grands groupes du BTP, qui bâtissent des fortunes colossales sur la crise du logement.

Notre programme

La solution consiste à prendre des mesures qui s’attaquent directement à la propriété des plus gros profiteurs de la crise actuelle. Cela passe par l’expropriation et la nationalisation – sous le contrôle démocratique des salariés – de toutes les grandes entreprises du BTP, des banques et de tous les logements possédés par les grands groupes du secteur immobilier. Ces mesures permettraient de débloquer les moyens humains et financiers pour lancer un vaste plan de réhabilitation et de construction de logements sociaux de qualité. Les loyers seraient revus à la baisse et les expulsions locatives purement et simplement interdites. C’est seulement sur ces bases que l’on pourra commencer à résoudre la crise du logement.

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