Le 23 mars dernier, la commune de Sainte-Soline a été le théâtre d’affrontements spectaculaires entre des gendarmes mobiles et des manifestants qui protestaient contre un projet de méga-bassine. La démonstration de force annoncée et désirée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a fait plus de 100 blessés, dont plusieurs grièvement.

Le gouvernement voulait envoyer un message à tous les opposants au régime. Dans le même temps, la protection de ces méga-bassines par l’Etat n’est pas anodine. Leur extension sur le territoire est très profitable pour les capitalistes de l’agro-industrie.

Aberration écologique

Une méga-bassine est un immense ouvrage de stockage d’eau s’étendant sur 8 hectares, en moyenne, soit plus de 66 piscines olympiques. Les plus grandes peuvent couvrir jusqu’à 18 hectares.

Présentées par ses promoteurs comme des « réservoirs de substitution », elles sont censées récupérer l’eau de pluie, l’hiver, afin de permettre l’irrigation des terres agricoles en période de sécheresse estivale. Selon les porte-paroles de l’agro-industrie, elles seraient donc un dispositif « écologique ». Mais en réalité, c’est tout le contraire.

Les associations de protection de l’environnement sont unanimes : les méga-bassines sont une aberration écologique. Elles nécessitent un pompage des nappes phréatiques et des cours d’eau, ce qui accentue la pression sur des ressources déjà en tension. Cette captation prive les écosystèmes environnants de la possibilité de se reconstituer en eau durant l’hiver. Cela assèche les zones humides et les milieux aquatiques. En périodes de sécheresse hivernale, comme celle qui vient de frapper de nombreux territoires en Europe, les conséquences sont encore plus graves. Enfin, l’eau courante est transformée en eau stagnante, qui se dégrade et s’évapore.

Privatisation

Il existe déjà 130 bassines de ce type en France. La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), qui défend surtout les intérêts des gros exploitants, fait pression pour multiplier la construction de méga-bassines sur l’ensemble du territoire.

Ce modèle, pourtant, a déjà montré sa faillite dans d’autres pays. En Espagne, championne d’Europe des retenues d’eau, le lac artificiel de Sau n’est plus qu’une vaste étendue de boue. Les poissons y meurent et empoisonnent le peu d’eau qui reste. La raison est simple : depuis la création de ce lac au début des années 1960, son usage n’a pas été calculé en fonction des besoins de la population, mais des profits de l’agriculture intensive.

En France comme ailleurs, de grandes quantités d’argent public sont injectées dans ces projets. Les 16 bassines construites dans les Deux-Sèvres, dont celle de Sainte-Soline, sont financées à plus de 70 % par des aides publiques – à la fois de l’Etat français et de l’Union Européenne. La facture, qui sera évidemment présentée aux travailleurs, est de 42 millions d’euros.

L’eau stockée dans les bassines est vendue à très bas prix, mais l’autorisation de prélèvement se fait en fonction de volumes d’irrigation de référence. En clair : ce sont surtout les agriculteurs habituellement très gourmands en eau qui auront un « droit à irriguer ». Ces réserves d’eau alimentent donc principalement d’immenses champs de maïs bourrés de pesticides et destinés à l’élevage industriel. Il en résulte une privatisation de l’eau dans l’intérêt d’une petite poignée de gros agriculteurs et industriels.

Les petits paysans, eux, voient les cours d’eau s’assécher, alors que leur accès à la méga-bassine est très limité. Sur fond de faillites, la mainmise des grands industriels sur les terres agricoles s’en trouvera renforcée. A cela s’ajoute la spéculation dont feront l’objet les terres dotées d’un droit à irriguer. Bref, il y a de juteux profits en perspective !

Quel programme ?

La plupart des dirigeants de gauche s’opposent aux projets de méga-bassines. Cependant, il faut aussi avancer un programme concret sur la gestion de l’eau et des ressources naturelles en général. La France Insoumise propose d’inscrire dans la constitution française « l’eau comme bien commun et la protection de l’ensemble de son cycle, y compris les nappes phréatiques ». Mais on peut bien écrire tout ce qu’on voudra dans la constitution, cela n’aura aucun effet concret tant que les terres, le matériel d’irrigation et les industries agro-alimentaires resteront la propriété d’une petite minorité de gros capitalistes. L’ensemble du secteur agricole – de l’exploitation à la distribution en passant par le financement (les banques) – doit faire l’objet d’une planification rationnelle, soucieuse d’équilibre écologique et de santé publique.

Le mouvement ouvrier doit se doter d’un programme offensif qui s’attaque à la grande propriété foncière, agricole et industrielle. Il faut lutter pour la nationalisation des grands groupes agro-alimentaires tels que Lactalis et Danone, qui encouragent les pires formes d’élevage industriel, mais aussi Veolia, qui ne cesse d’étendre son emprise sur le marché de l’eau à l’échelle mondiale. Il faut défendre la création d’un service public de l’eau géré démocratiquement par les travailleurs et les consommateurs.

Il faut également exproprier les fermes-usines et engager leur reconversion. Enfin, l’expropriation de toutes les banques permettra de financer massivement la recherche scientifique pour lutter contre la sécheresse et mettre en œuvre une exploitation rationnelle des terres agricoles et des ressources naturelles.

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