S elon l’Insee, chaque année, 900 000 personnes sont employées dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, en France. Mais combien travaillent dans de bonnes conditions ?
D’après la convention collective régissant les hôtels, cafés et restaurants, le temps de travail légal est de 39 heures, avec des heures majorées de 10 % de 35 à 39 heures. Or la réalité est toute autre. Que l’on soit en cuisine, en salle, à la plonge ou femme de chambre, parler de 39 heures de travail hebdomadaire est un doux euphémisme, notamment dans les petites entreprises, où les patrons ont créent leurs propres lois. Il est plus fréquent d’y voir un employé effectuer une semaine de 45, voir 50 heures – sans parler des périodes de forte fréquentation, où le compteur horaire peut exploser.
Selon la loi, la majoration des 4 premières heures supplémentaires au-delà de 39 heures est fixée au taux de 15 %. Les 4 suivantes sont majorées à 25 % et toutes les autres à 50 %. Mais qu’en est-il dans la réalité ? Bien souvent, une fois les 39 heures dépassées, le patron fait l’impasse sur toutes les heures supplémentaires suivantes. La norme reste un salaire de base mensuel défini avec l’employeur au départ. Et pour toute heure supplémentaire, le salarié est soumis au vieil adage du métier : « dans l’hôtellerie, on ne compte pas ses heures ! »
Il en va de même avec les jours de repos. La convention collective du 30 avril 1997 avait instauré le principe des deux jours de repos par semaine pour tous les salariés de la profession. Il est cependant possible, légalement, de ne prendre qu’1,5 jour de repos et de récupérer en fin de mois les 0,5 journées cumulées, soit 2 jours au total (0,5 jour fois 4 semaines). Si certains salariés du secteurs bénéficient des journées de repos légales, nombreux sont ceux à n’avoir qu’une seule journée de congé, voire aucune. C’est notamment le cas lors des saisons estivales. Dans ce cas de figure, la paye est plus élevée (quoique pas toujours !), mais on est alors soumis à une forme d’esclavagisme. Or les « beaux jours » de la profession, réputée bien payée, sont terminés. Le taux du smic hôtelier a été fixé à 9,10 euros brut de l’heure au 1er janvier 2011, contre 9 euros pour les autres professions. Le salaire moyen oscille entre 1300 et 1400 euros nets.
L’exploitation commence bien souvent à la signature du contrat de travail. Car une autre habitude, bien ancrée dans le métier, est de ne pas déclarer entièrement le salarié. Ainsi, le patron a tout à y gagner : il fait travailler ses employés 50 heures, ne les déclare que 30 heures – et les paye 39 heures. A moins de ne pas les déclarer du tout. Le travail au noir est fréquent, et nombreux sont ceux qui, à 60 ans, épuisés par une vie de travail, doivent continuer à travailler faute de cotisations suffisantes pour bénéficier de la retraite.
L’exploitation de travailleurs sans-papiers est une pratique fréquente, dans le secteur. Corvéable à merci, sous-payés, victimes de racisme, ils sont souvent relégués aux tâches les plus ingrates. Ils acceptent des conditions de travail inadmissibles, de peur d’être dénoncés. Une scène bien connue dans le milieu de la restauration résume à elle seule cette exploitation. Dans certains quartiers très touristiques, lorsque le bruit commence à courir que l’inspection du travail visite des établissements, une foule de travailleurs non déclarés ou sans-papiers sort précipitamment des établissements, littéralement mise à la rue par des patrons pris de panique.
La législation est souvent bafouée jusqu’au bout. Ainsi, dans les petites structures, les visites obligatoires à la médecine du travail ne sont quasiment jamais effectuées.
Dans les grandes entreprises
Du fait de contrôles plus fréquents et de la pression des syndicats, les conditions de travail sont en général un peu meilleures dans les grandes entreprises du secteur. Pour autant, les directions ne se gênent pas pour exploiter le personnel.
Grâce aux luttes acharnées des travailleurs, ces dernières années, des concessions et des avantages ont pu être arrachés dans certaines grands groupes hôteliers, comme par exemple un 13e mois ou des primes. Mais ces groupes maximisent leurs profits et contournent le code du travail en recourrant toujours plus à des contrats précaires ou des « extras ».
De nombreuses grèves illustrent la lutte des travailleurs de l’hôtellerie-restauration. En 2004, en plein Festival de Cannes, les employés de tous les palaces de la ville avaient manifesté, à l’appel des syndicats, pour réclamer une revalorisation salariale. On se souvient aussi de la grève des femmes de chambre des hôtels ARCADE/ACCOR, en 2002, qui avait révélé au grand jour des conditions de travail inhumaine. La sélection à l’embauche était faite en fonction du niveau de scolarisation. Plus le niveau était bas, plus la personne avait de chance d’être recrutée. Ainsi, les patrons espéraient qu’il serait plus facile d’abuser du personnel. Ces femmes, d’origine africaine pour la plupart, étaient soumises à un travail épuisant. Travaillant sans aucune protection avec des produits toxiques, elles étaient sous-payées, leurs heures supplémentaires n’étant jamais comptées. Elles étaient soumises à la pression constante de leur direction. Après une année de lutte, elles ont partiellement obtenu gain de cause.
Dans la restauration rapide, les employés des restaurants Pizza Hut en Ile-de-France sont toujours en grève et réclament de meilleures conditions de travail. Ils demandent également la prise en compte intégrale des heures supplémentaires effectuées, le versement des salaires en temps et en heure, la mise en place de la subrogation des arrêts maladie, la prise en charge intégrale des accidents du travail, le versement d’un 13e mois et d’une prime de risque – le travail dans les cuisines, avec les fours, étant dangereux. La direction, qui fait la sourde oreille aux revendications, est allée jusqu’à produire des notes internes visant à discréditer le mouvement. Deux grévistes ont été licenciés, sous prétexte de faits antérieurs au déclenchement de la lutte ! Soit dit en passant, Pizza Hut France réalise un chiffre d’affaire de plus de 60 millions d’euros par an.
En Espagne et en Grande Bretagne, les employés du même groupe ont entamé un conflit contre l’exploitation qu’ils subissent, chaque jour. Avec les vacances d’été, le mouvement s’est un peu calmé, et les salariés de Pizza Hut ont besoin de tous les appuis pour de poursuivre leur lutte à la rentrée !
Pour un SMIC à 1500 euros net !
Régularisation des travailleurs sans-papiers !
Pour la retraite à 60 ans !
Nationalisation des grandes groupes de l’hôtellerie et de la restauration !