La chute du gouvernement Lecornu, avant même qu’il mette un pied à l’Assemblée nationale, suscite une exclamation générale dans la masse de la population : « quel cirque ! ».
La seule différence avec un véritable cirque, outre le talent des protagonistes, c’est la gravité des enjeux. A l’annonce de la démission de Lecornu, le CAC 40 a chuté de 2 %. Tout ceci n’amuse pas beaucoup la bourgeoisie française, qui exhorte en vain les partis de droite et « de gauche » à « s’entendre » et « s’unir » pour mener une offensive brutale contre la masse des jeunes et des travailleurs.
Cependant, les jeunes et les travailleurs ne veulent pas subir de nouvelles attaques contre leurs conditions de vie et de travail. Les députés macronistes sont bien placés pour le savoir : les sondages leur annoncent une bérézina électorale. Les dirigeants du RN ne veulent pas miner leur capital électoral en soutenant un budget austéritaire. Les dirigeants du PS ne sont pas entièrement disposés à se suicider, politiquement, sur l’autel du macronisme agonisant. Et désormais, même Les Républicains préfèrent quitter ce navire en perdition, sous divers prétextes.
Des dirigeants du PS demandent à Macron de nommer l’un des leurs à la tête du prochain gouvernement. Chacun sait bien qu’un gouvernement dirigé par Olivier Faure – ou tout autre « socialiste » – ne serait pas plus solide que celui de Lecornu, mais le PS cherche surtout à se placer au « centre du jeu ». Autrement dit, il propose son propre numéro de clowns, pour faire durer un peu le spectacle.
C’est à l’organisateur en chef du cirque, Emmanuel Macron, que revient la décision – soit de nommer un nouveau Premier ministre, soit de dissoudre l’Assemblée nationale, soit de démissionner. Dans l’hypothèse d’une dissolution, une résurrection du Nouveau Front Populaire sera peut-être à l’ordre du jour. Nous pensons que les dirigeants de la FI commettraient une grave erreur s’ils s’engageaient dans cette voie. Comme nous l’expliquions récemment :
« Les dirigeants de la FI ont démontré plus d’une fois, par le passé, qu’ils pouvaient virer à droite au pire moment. Ce fut le cas lorsqu’ils ont constitué la Nupes, en avril 2022 : la FI a repêché tous les naufragés de l’aile droite du réformisme (PS, Verts et PCF), lesquels ont repris leurs attaques droitières contre la FI une fois passées les élections législatives. La constitution du NFP, en juin 2024, fut une répétition de la même erreur, qui s’est terminée de la même manière.
« Si Mélenchon et ses camarades répétaient cette erreur une troisième fois, à l’occasion d’élections législatives anticipées, ils feraient un gros cadeau au RN. C’est bien simple : une nouvelle alliance électorale du type NFP avec le PS, les Verts et le PCF ne suscitera aucune espèce d’adhésion chez ces millions de travailleurs qui détestent (non sans raison) ces trois vieux "partis de gouvernement", et en particulier le PS. Dès lors, ces travailleurs oscilleront entre l’abstention et le vote RN. Ne pas le comprendre, c’est passer totalement à côté de la dynamique politique fondamentale, qui peut se ramener à l’équation suivante : dès que la FI vire à droite, c’est le RN qui en profite ; inversement, plus la FI virera à gauche, plus elle minera l’ascension du RN. »