Deux soldats français sont morts le 21 février, tués par une mine posée par les rebelles islamistes du Groupe pour le Soutien de l’Islam et des Musulmans (GSIM). Cela a brièvement attiré l’attention des médias sur cette guerre lointaine.
Une guerre impérialiste dans le Sahara
Ce conflit fait suite à l’intervention décidée par Hollande en 2013, pour lutter contre une alliance de djihadistes et d’indépendantistes touaregs qui avait pris le contrôle du nord du Mali. Pour la bourgeoisie française, la perspective d’une sécession du pays était synonyme d’une menace vitale sur ses intérêts économiques dans la région : l’uranium exploité par Areva au Niger, des réseaux de communication ou d’infrastructures du groupe Bolloré dans tout le golfe de Guinée, ou les concessions pétrolières de Total. L’intervention avait aussi pour but de rassurer les régimes fantoches que l’impérialisme français entretient dans la région, en montrant que Paris interviendrait pour les défendre s’ils étaient menacés.
L’intervention a été facilitée par la nature extrêmement réactionnaire d’une partie de ses adversaires, djihadistes liés à Al-Qaïda pressés de créer leur propre version de l’Afghanistan des talibans au cœur du Sahara. Cela a permis à la propagande française de déguiser cette guerre impérialiste en croisade pour la liberté. Depuis, la guerre a continué, opposant les troupes françaises, maliennes et de quelques autres pays de la région (notamment du Tchad, dont le régime dictatorial a été lui aussi sauvé par une intervention française en 2008) au GSIM et à la branche saharienne de l’Etat Islamique.
Un impérialisme en déclin
Le problème, c’est que l’impérialisme français est en déclin et n’a plus les moyens de sa puissance passée. A l’heure où la crise du capitalisme impose des politiques d’austérité permanentes, la guerre au Sahel (comme les autres interventions militaires de la France) n’a donc pu compter que sur des moyens relativement réduits, menant même à une crise ouverte entre le président Macron et le chef d’Etat-major des armées l’été dernier. De leur côté, les groupes rebelles prospèrent sur un terreau de misère et de déliquescence des services publics et de l’économie malienne, ravagés par des années de « politiques d’ajustements structurels » et par le poids de la domination impérialiste des entreprises françaises.
Les troupes françaises sont relativement nombreuses (près de 4500 hommes) et sont appuyées, outre l’armée malienne, par près de 8000 soldats européens et africains. Mais ils doivent couvrir une zone de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés. Les troupes maliennes, peu motivées, mal formées et mal équipées, ne peuvent jouer qu’un rôle supplétif. Elles sont de plus traitées avec mépris par l’armée française, dont une « bavure » a débouché sur la mort d’une dizaine de soldats maliens en octobre dernier.
Conséquence prévisible de tous ces facteurs, l’échec de l’opération est évident. Les rebelles sont chez eux dans le nord du pays et progressent dans le centre, malgré les communiqués de victoire des armées française ou malienne. Fin janvier, à Soumpi, une attaque du GSIM a ainsi conduit à la mort de 14 militaires maliens, tandis que les assaillants ne déploraient que quatre morts et récupéraient plusieurs véhicules militaires et des armes.
Une impasse militaire et politique
Pour essayer de régler ces problèmes, la bourgeoisie française cherche des solutions. L’une d’elles serait de déléguer la guerre aux pays africains, en se contentant de financer en partie leurs opérations. Le « G5 Sahel », qui a été mis sur pied dans ce but, regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Après avoir essuyé un refus de l’ONU, la France a réussi à faire financer la création de cette structure par l’Union Européenne qui craint la déstabilisation de la région en cas d’échec français. Le problème est que les Etats de l’UE ont bien d’autres priorités. Le « G5 Sahel » n’est donc assuré d’être financé que pendant un an… et ce, alors que ses dirigeants ne sont pas d’accord entre eux sur la priorité à donner au projet.
Le gouvernement français a par ailleurs annoncé une augmentation importante de son budget de défense pour essayer de doter son armée d’une partie des moyens nécessaires à sa politique impérialiste. Mais ce projet repose sur la perspective d’une croissance de l’économie française. Toute nouvelle crise compromettrait tous ces projets, au grand dam des généraux. Pour financer la défense des positions de l’impérialisme français, il faudra donc de toute façon tailler dans les services publics et les acquis sociaux.
Quel que soit l’angle sous lequel on l’étudie, cette aventure militaire d’un impérialisme en décadence n’a rien d’autre à offrir que plus de misère et de souffrances des deux côtés de la Méditerranée, sans réellement faire face à la menace réactionnaire des djihadistes.