Ben Ali a quitté le pouvoir. Face à l’ampleur de la révolte des jeunes et des travailleurs du pays, il n’avait d’autre choix que de s’enfuir. C’est une grande victoire qui ouvre la perspective du renversement définitif de la dictature. Car les problèmes en Tunisie ne se réduisent pas à Ben Ali. Son régime représentait tout un système. Il était inextricablement lié aux capitalistes en Tunisie, en France et ailleurs, pour qui ce pays est une source d’immenses richesses. Incapables de développer l’économie, ces parasites ont voulu transformer les Tunisiens en un peuple d’esclaves au service de leurs intérêts égoïstes, de l’industrie touristique et de la sous-traitance. Ce sont les capitalistes qui profitent directement des salaires de misère et des conditions de travail indignes. Le chômage de masse sert leurs intérêts en intimidant les travailleurs qui ont la « chance » d’avoir un emploi. La corruption gangrène les échelons supérieurs de l’administration.
Ben Ali couronnait tout ce système. Avec ses policiers, ses mouchards, ses prisons, sa presse et ses médias aux ordres, il voulait interdire toute contestation et toute possibilité de révolte. Mais l’aggravation des conditions de vie a fini par provoquer une explosion, dont les suicides de jeunes, poussés au désespoir par la misère et l’injustice, ont fourni l’étincelle. Ben Ali est parti. Mais tant que ses complices restent au pouvoir, et tant que les richesses du pays se trouvent entre les mains des capitalistes, aucun des problèmes fondamentaux qui écrasent le peuple ne sera résolu.
Ghannouchi tente désespérément de sauver l’édifice du régime. Il semble chercher à impliquer certains opposants dans la mise en place d’un gouvernement d’« union nationale », c’est-à-dire d’un gouvernement de façade qui protégerait les intérêts essentiels du capitalisme tunisien et les complices de Ben Ali. Ghannouchi, lui aussi, a le sang du peuple sur ses mains. En annonçant un départ « temporaire » de Ben Ali, il a prouvé qu’il n’a pas l’intention d’engager les profondes transformations nécessaires. En conséquence, le mouvement ne peut et ne doit pas s’arrêter là. Il faut chasser tous les éléments associés à l’ancien régime, y compris les chefs de l’armée et des forces de police. Aucune « transition démocratique » digne de ce nom ne pourra avoir lieu tant que les tous les piliers de la dictature resteront en place. Il faut commencer par désarmer la police. Le peuple doit se donner les moyens de se défendre contre la répression.
Ce n’est pas tout. Pour régler tous les problèmes brûlants qui frappent la masse des Tunisiens, il faut arracher le pouvoir économique des mains de la petite poignée de capitalistes tunisiens et étrangers qui pillent les ressources du pays depuis trop longtemps. Cela vaut pour la Tunisie comme pour l’ensemble du Maghreb. Seule une Fédération socialiste des pays du Maghreb permettra de poser les bases d’une authentique émancipation sociale et politique du peuple.