Après des décennies de bipartisme monotone, la politique américaine recommence à devenir intéressante. Sans parti pour les représenter, les travailleurs des Etats-Unis n’ont d’autre choix que l’abstention, le vote protestataire ou le vote pour l’un des deux grands partis capitalistes. Or l’actuelle campagne des primaires a beau se dérouler dans le cadre du même bipartisme, elle est en train d’en exposer les limites. En se présentant aux investitures des démocrates et des républicains, respectivement, Bernie Sanders et Donald Trump – et avec eux l’électorat américain – sont venus perturber l’affrontement annoncé entre Clinton (encore une) et Bush (encore un).
Cette situation reflète la polarisation croissante de la société américaine – à travers le miroir déformant du bipartisme bourgeois. Les positions ouvertement réactionnaires, sexistes et racistes du milliardaire Trump ont séduit une partie de la petite bourgeoisie et de l’Amérique rurale. Côté démocrate, les discours de Bernie Sanders en faveur d’un « socialisme scandinave » et d’une « révolution politique », comme ses attaques contre la « classe milliardaire », résonnent dans l’esprit de millions de personnes, malgré la faiblesse de mots d’ordre qui ne s’attaquent pas au cœur du problème : la grande propriété capitaliste. Les marxistes savent bien que les pays scandinaves ne sont pas « socialistes » – et que les travailleurs y subissent des politiques d’austérité et une exploitation de plus en plus sévère. Mais pour le travailleur américain moyen, l’idée d’une santé et d’une éducation universelles, de meilleurs logements, etc., est extrêmement attrayante.
L’énorme succès des meetings de Sanders est révélateur d’un intérêt croissant pour les idées socialistes, en particulier chez les jeunes. C’est extrêmement significatif – et cela inquiète beaucoup les éléments les plus intelligents de la bourgeoisie américaine. Cependant, en concourant sous la bannière démocrate, Sanders contribue à renforcer les illusions dans ce parti. Dialectiquement, sa candidature pourrait néanmoins contribuer à dissiper ces mêmes illusions, à terme. En effet, une défaite de Sanders et son ralliement prévisible à Hillary Clinton montrerait l’impasse de toute tentative de « réformer » le parti démocrate, tandis qu’une victoire de Sanders ferait prendre conscience à des millions d’Américains de la véritable nature de « l’aile gauche » du capitalisme américain.
Tous les candidats sont conscients du fait que pour convaincre les électeurs, il leur faudra aborder les questions fondamentales : le chômage, la pauvreté et les inégalités. Mais ni les démocrates, ni les républicains n’offrent de solutions à ces problèmes. Le capitalisme signifie l’exploitation, la pauvreté, le racisme et la guerre. Le « rêve américain » n’était qu’une anomalie historique, une parenthèse. Et le « socialisme » de Bernie Sanders marque une étape vers l’expression politique claire et massive de la plus puissante classe ouvrière au monde.