Les « primaires » républicaines et démocrates, aux Etats-Unis, illustrent de façon limpide la puissante polarisation politique à l’œuvre dans ce pays. Aux deux pôles opposés du champ politique, Bernie Sanders (sur la gauche) et Donald Trump (sur la droite) cristallisent le même rejet d’un « système » frauduleux et de son establishment corrompu. Tout est remis en cause : les institutions politiques et financières, le système électoral, les deux grands partis politiques, les grands médias…

En dernière analyse, c’est la crise du capitalisme américain qui forme la base de ce phénomène. Les salaires stagnent depuis des décennies et le taux de chômage n’est toujours pas redescendu à son niveau d’avant la récession de 2008. Sans surprise, 59 % des Américains considèrent que la situation économique « s’aggrave ». Après les deux mandats de Bush, ils en ont donné deux à Obama. Sans résultats. Exaspérés, ils cherchent une alternative « radicale ». C’est la corde sur laquelle joue le populiste réactionnaire Donald Trump. Mais c’est aussi celle que font résonner les discours du « socialiste » Bernie Sanders.

Tous les Américains ont souffert de la crise, à l’exception notable de quelques centaines de familles richissimes, qui le sont toujours plus. Et il apparaît clairement qu’elles tirent toutes les ficelles de la « démocratie » bourgeoise américaine. Les inégalités atteignent des records. Les riches vivent beaucoup plus longtemps que les pauvres : 15 ans de plus chez les hommes, 10 chez les femmes. L’épidémie d’héroïne, dont la consommation a explosé ces dernières années, est l’une des illustrations les plus frappantes de l’impasse dans laquelle s’enfonce la société américaine. Chaque jour, 125 personnes meurent d’une overdose d’héroïne.

La primaire démocrate

Aux Etats-Unis comme dans le monde entier, la campagne de Bernie Sanders a suscité beaucoup d’espoirs. Elle rencontre un énorme écho dans la jeunesse américaine. Sanders a recueilli les voix d’un plus grand nombre de jeunes, aux primaires, que Trump et Clinton réunis ! La plupart ne soutiennent pas le Parti Démocrate, mais Sanders et son programme : un salaire minimum de 15 dollars (contre 7,25 dollars aujourd’hui), la gratuité de l’enseignement public et une couverture maladie universelle – entre autres. Dans un meeting à Manhattan, près de 30 000 personnes sont venues l’écouter fustiger les relations étroites – et notoires – entre Hillary Clinton et les milliardaires de Wall Street. Aucun autre candidat ne pourrait rassembler autant de monde.

Cependant, la campagne de Bernie Sanders se heurte à la machine du Parti Démocrate, qui est un parti bourgeois et fera tout pour que Clinton l’emporte. Il y a les « purges » des listes électorales et autres fraudes. Mais le problème est plus général. Par exemple, dans l’Etat de New York, remporté de 16 points par Clinton, il s’agissait d’une primaire « fermée » : seuls les électeurs enregistrés comme Démocrates – et de longue date – pouvaient voter. Or précisément, Sanders est très populaire chez les électeurs « indépendants », ceux qui ne se reconnaissent dans aucun des deux grands partis. Si les trois millions d’électeurs « indépendants » de l’Etat de New York avaient pu participer au scrutin, le résultat aurait été très différent.

Pour un parti socialiste américain !

Au lendemain de la primaire de New York, Hillary Clinton a creusé un écart que Bernie Sanders aura du mal à combler. Mais l’essentiel est ailleurs : sa campagne a démontré l’énorme potentiel qui existe, dans le pays, pour la création d’un authentique parti socialiste doté d’une base de masse dans la jeunesse et le salariat.

S’il ne veut pas gâcher ce potentiel, Sanders devra rompre avec le Parti Démocrate. Il annonce vouloir aller jusqu’au bout des primaires. Mais si Clinton les remporte et qu’il la soutient à la présidentielle, Sanders sèmera beaucoup de déception dans sa base électorale et militante. A l’inverse, s’il se présente comme candidat indépendant à la présidentielle, il mobilisera les éléments les plus radicalisés de la jeunesse et de la classe ouvrière. Face à Clinton et, peut-être, plusieurs candidatures républicains (une possibilité bien réelle), Sanders aurait même une chance de l’emporter. Surtout, ce serait un pas décisif vers la création d’un parti ouvrier. C’est l’enjeu central de la période à venir.

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