Longtemps, la vie politique américaine a été rythmée par l’alternance au pouvoir, des deux grands partis de la bourgeoisie : les Républicains et les Démocrates. Jusqu’en 2016, la classe dirigeante américaine contrôlait parfaitement la situation. Démocrate ou républicain, le locataire de la Maison Blanche avait toujours les faveurs de Wall Street (et réciproquement).
Sous l’impact de la crise du capitalisme américain, les élections de 2016 ont marqué une première rupture avec cette mécanique bien huilée. La situation a partiellement échappé au contrôle de la bourgeoisie. Donald Trump n’était pas – mais alors, pas du tout – le choix de la plupart des grands capitalistes. Ils lui préféraient Hillary Clinton, de très loin. Mais Donald Trump a su exploiter le discrédit général d’une classe politique richissime et déconnectée des conditions de vie du peuple. Hillary Clinton incarnait parfaitement tout ce que détestent des dizaines de millions d’Américains pauvres et exploités.
Bernie Sanders
Le succès de Trump exprimait, sur la droite de l’échiquier politique, le rejet du « système ». Mais ce rejet s’est aussi exprimé sur la gauche, sous la forme d’un soutien massif à la candidature de Bernie Sanders, alors candidat des primaires du Parti Démocrate.
Sanders se revendiquait ouvertement du socialisme et proposait « une révolution politique contre la classe des milliardaires ». Son discours était centré sur la lutte contre les inégalités. Son programme comprenait, entre autres, l’instauration d’une assurance maladie universelle, la gratuité des universités, un salaire minimum de 15 dollars de l’heure et l’annulation de la dette étudiante (dans un pays où beaucoup d’étudiants s’endettent très lourdement, sur des dizaines d’années). Ces idées ont suscité l’enthousiasme de millions d’Américains.
Bernie Sanders a perdu les primaires démocrates face à Clinton, car celle-ci a bénéficié du soutien de l’appareil du Parti Démocrate (qui n’a pas hésité à frauder, au passage). La première erreur de Sanders était de participer à ces primaires. Il aurait dû se présenter comme candidat indépendant des deux grands partis bourgeois. Sa deuxième erreur fut, après sa défaite, de soutenir Clinton, au lieu de s’appuyer sur son énorme popularité pour maintenir sa candidature. Lui seul aurait pu battre Donald Trump.
La jeunesse et le socialisme
Trump espère l’emporter, en 2020, grâce à son « bilan économique ». Mais la croissance américaine est faible et, surtout, extrêmement fragile. Une récession est tout à fait possible d’ici le mois de novembre prochain.
Depuis 2016, le processus de polarisation politique s’est poursuivi. En participant aux primaires démocrates, Sanders répète la même erreur qu’en 2016. Mais il reste toujours très populaire.
Le plus impressionnant, cependant, c’est l’adhésion croissante de la jeunesse américaine aux idées du socialisme. C’est la conséquence de la crise du capitalisme. Selon un sondage récent, 50 % des moins de 30 ans sont favorables au socialisme – et 35 % d’entre eux pensent que « la violence contre les riches peut parfois être justifiée ». 70 % des jeunes de 23 à 38 ans se déclarent prêts à voter pour un candidat socialiste. 36 % d’entre eux ont même une opinion positive du « communisme » (contre 28 % en 2018).
Ce n’est pas le premier sondage de ce genre. Tous soulignent la même tendance : la jeunesse américaine rejette de plus en plus massivement le capitalisme – et cherche une alternative de gauche à ce système. Bien sûr, ce que recouvre le mot « socialisme », dans la tête des Américains, est souvent confus. Mais l’essentiel est ailleurs : il y a une profonde modification de la psychologie politique des Américains. Soit dit en passant, les déclarations haineuses de Trump et compagnie contre « le socialisme » contribuent à renforcer l’intérêt des masses pour ces idées.
Pour un parti ouvrier !
Nos camarades de Socialist Revolution, section américaine de la Tendance Marxiste Internationale, expliquent systématiquement la nécessité d’un parti de masse de la classe ouvrière américaine. Les dirigeants qui se réclament du socialisme – tels Bernie Sanders ou Alexandria Ocasio-Cortez – devraient rompre avec le Parti Démocrate et participer à la construction d’un grand parti des travailleurs.
Un tel parti émergera tôt ou tard, même s’il est impossible de prévoir comment. D’ores et déjà, la croissance des Socialistes Démocrates d’Amérique (DSA) est significative. Les effectifs de cette organisation sont passés de 5 000 membres en 2007 à plus de 50 000 aujourd’hui. Malheureusement, ses dirigeants soutiennent la participation de Bernie Sanders aux primaires démocrates. On tourne en rond.
La classe ouvrière américaine a besoin d’un parti indépendant qui représente ses intérêts. La construction d’un tel parti ne peut se faire du jour au lendemain, mais la popularité croissante des idées socialistes, comme les récentes grèves dans l’éducation, l’automobile ou la santé, souligne le potentiel d’un tel parti. Sa formation constituera une étape majeure dans le développement de la lutte des classes aux Etats-Unis.