Le 4 avril dernier, pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, un ancien président – Donald Trump – a comparu devant un tribunal pénal. Cet épisode judiciaire est une nouvelle illustration de l’instabilité croissante du système politique américain.
Qui veut la peau de Donald Trump ?
Trump est accusé d’avoir payé des témoins pour dissimuler ses aventures extra-conjugales avant les élections de 2016, mais aussi d’avoir falsifié des documents comptables pour cacher ces paiements – ce qui aux Etats-Unis est un « crime », d’un point de vue judiciaire.
Sans surprise, Trump a plaidé non coupable pour les 34 chefs d’accusation qui le visent. La prochaine audience se tiendra le 4 décembre. Une procédure de jugement pourrait alors être déclenchée. Elle pourrait durer pendant des années, ce qui toutefois n’empêcherait pas Trump d’être candidat aux élections présidentielles de novembre 2024.
Des sources judiciaires ont laissé entendre que Trump pourrait aussi être poursuivi pour avoir tenté d’interférer dans les élections de 2020, en Géorgie, mais aussi pour son rôle dans les émeutes du 6 janvier 2021, et enfin pour avoir conservé des documents officiels classifiés dans sa résidence privée de Mar-A-Lago.
Dès la sortie du Palais de Justice, le principal avocat de Trump s’est dit choqué par ce qu’il considère comme un « abus de pouvoir ». Pourtant, il est peu probable que le juge se serait risqué à poursuivre Trump sans disposer d’éléments très solides. Dans ce type de procédure, une condamnation requiert l’unanimité des jurés.
Au cours de sa carrière, Trump a réussi à échapper à toutes sortes de poursuites judiciaires. Il a même survécu à deux tentatives de destitution lorsqu’il était président. La multiplication des poursuites judiciaires contre lui, aujourd’hui, est le signe qu’une bonne partie de la classe dirigeante, y compris nombre d’élus du Parti républicain, cherche à l’écarter de la vie politique.
L’ex-président est un gros capitaliste et un réactionnaire patenté. Mais son aventurisme et son caractère incontrôlable en font une menace pour la grande bourgeoisie américaine. Contrairement aux politiciens bourgeois « normaux », Trump n’hésite jamais à faire passer ses propres intérêts personnels avant ceux du capitalisme américain.
Cette procédure judiciaire n’a rien à voir avec « l’égalité de tous devant la loi », qui est une fiction dans une société divisée en classes sociales. Tant qu’il ne nuisait pas aux intérêts de la bourgeoisie, Trump a pu violer la loi impunément, et ce pendant de nombreuses années. Les poursuites qui le visent aujourd’hui sont avant tout un rappel à tous les politiciens bourgeois que certaines choses ne seront pas tolérées par la classe dirigeante.
Contre Trump : lutter pour le socialisme !
Trump annonçait des émeutes s’il était inculpé, mais elles ne se sont pas concrétisées. La débâcle de l’invasion du Capitole, en janvier 2021, a refroidi une bonne partie de ses partisans. Un sondage de CNN montre que 60 % des Américains approuvent l’inculpation, même si près des trois-quarts d’entre eux pensent, à juste titre, que des considérations politiques – et non judiciaires – jouent un rôle central dans cette procédure.
Ceci dit, Trump conserve beaucoup d’influence sur la base du Parti républicain. L’establishment républicain, qui essaie de reprendre le contrôle du parti, a été contraint de défendre l’ancien président pour ne pas s’aliéner leurs électeurs.
Quant aux Démocrates, certains commentateurs affirment qu’ils font le calcul suivant : des poursuites pourraient donner à Trump l’aura d’un « martyr » et, ainsi, l’aider à remporter les prochaines primaires républicaines. Or les Démocrates s’imaginent qu’ils gagneront plus facilement les prochaines élections face à Trump que face à n’importe quel autre candidat. Mais au vu du bilan désastreux de Joe Biden, cela reste à prouver !
Ces événements ne peuvent qu’approfondir la polarisation de la politique américaine et aggraver la méfiance – justifiée – des masses envers les institutions bourgeoises. Le problème est qu’il n’existe, à ce stade, aucune alternative politique de gauche et de masse, aux Etats-Unis. Nombre de dirigeants « socialistes », tels Alexandria Ocasio-Cortez ou Bernie Sanders, s’alignent sur les Démocrates au nom du « moindre mal » et de la lutte contre Trump. Grave erreur ! C’est la crise du capitalisme qui a créé la popularité de Trump, lequel ne peut pas être efficacement combattu dans le cadre du Parti démocrate, qui est un parti bourgeois. Cette erreur favorise Trump ou prépare l’émergence d’un « nouveau » Trump. Pour vaincre l’extrême-droite trumpiste, il faut lui opposer un programme anti-capitaliste et radical.
Le caractère éminemment politique de ces poursuites doit aussi sonner comme un avertissement pour le mouvement ouvrier américain. Si la classe dirigeante n’hésite pas à utiliser la justice contre l’un de ses propres membres, comment traitera-t-elle un candidat socialiste ? Raison de plus pour construire un parti socialiste de masse, aux Etats-Unis, c’est-à-dire un parti capable non seulement de résister aux offensives de la bourgeoisie, mais aussi de mobiliser la classe ouvrière américaine pour la conquête du pouvoir.