Eric Garner, Michael Brown et Tamir Rice sont morts sous les coups de la violence policière, asphyxié pour l’un, abattus pour les deux autres. Les « grands jurys » des deux premières affaires se sont pourtant prononcés contre l’inculpation des policiers ayant tué Eric Garner et Michael Brown. La justice américaine a donc tranché : tirer sur un homme désarmé et en fuite peut être considéré comme de la légitime défense ; il est par ailleurs normal d’utiliser une technique d’étranglement interdite depuis plusieurs années.
« I can’t breathe » (« je ne peux pas respirer »), les derniers mots d’Eric Garner avant de mourir, sont repris par le grand mouvement de solidarité qui balaye le pays suite aux deux verdicts rendus fin novembre. Dans le même temps, la police a fait une nouvelle victime. Le 22 novembre, Tamir Rice, douze ans, a été abattu alors qu’il jouait avec un faux pistolet dans un parc. Cette nouvelle « bavure » a renforcé l’indignation populaire.
Ces trois victimes ont la même couleur de peau. Leur sort illustre des pratiques policières notoirement racistes et accompagnées de violences souvent mortelles. Le criminologiste américain Geoff Alpert rapporte que 98,9 % des cas d’usages excessifs de violence policière obtiennent la clémence de la Justice. Parallèlement, les noirs et les latinos ne représentent qu’un quart de la population totale des États-Unis, mais 58 % de la population carcérale du pays ! Cela s’explique notamment par les pratiques racistes de la police. Par exemple, à Ferguson, 92 % des personnes arrétés en 2013 étaient noires, alors que les noirs ne représentent que 65 % de la population de la ville. Les arrestations basées sur des critères racistes et la violence de la police expliquent le fait qu’un jeune Noir américain a 21 fois plus de chance d’être tué par la police qu’un Américain blanc du même âge.
Ceci étant dit, le malaise qui touche aujourd’hui les États-Unis ne se limite pas au racisme. Cette question n’est qu’une des multiples facettes d’un problème de plus grande ampleur. Le racisme n’est pas le résultat d’idées ou de personnes nuisibles ; il n’est pas détaché de la société dans laquelle nous vivons. C’est le reflet d’une réalité plus profonde, car ce sont les conditions matérielles qui déterminent les idées des individus.
Les trois victimes n’étaient pas seulement noires ; elles étaient aussi pauvres. Aux États-Unis, plus la pauvreté est grande, plus les crimes et la violence policière augmentent, indépendamment de toute considération ethnique. Bien sûr, le racisme de nombreux policiers influence le ciblage, le degré et la fréquence des brutalités policières. Mais celles-ci sont conditionnées par des enjeux de classe. La police institutionnalise la discrimination en ciblant des quartiers « à risques ». Déjà confrontés à la pauvreté et au chômage, les travailleurs et la jeunesse sont brutalisés par la police et traumatisés par des conditions carcérales infernales.
Les puissantes mobilisations qui ont gagné le pays expriment une frustration profonde à l’égard de l’ensemble du système, et non seulement du racisme policier. Des millions d’Américains, en particulier dans la jeunesse, se sentent impuissants face aux pouvoirs économiques et politiques officiels. Ce mouvement spontané de protestation n’a ni direction, ni programme clair, mais il peut apprendre au cours de la lutte – et marque une nouvelle étape dans l’évolution de la conscience des masses américaines.
La vérité est qu’il n’y a pas d’antidote au venin du racisme dans les limites du système capitaliste, qui a besoin de diviser les travailleurs pour maintenir la domination de la bourgeoise. Quand les exploités se battent entre eux pour des miettes, leur attention est détournée des questions de richesse et de pouvoir. La seule solution, c’est le socialisme, qui supprimera les bases matérielles du racisme, en donnant à chacun selon ses besoins.