Le 9 juin dernier, alors que la révolution bolivienne battait son plein, le « secrétariat international » du Parti Socialiste, dont l’un des responsables est Pierre Moscovici, a publié un communiqué condamnant l’action des travailleurs et des paysans boliviens. Ce texte montre bien comment la soumission de la direction du PS aux intérêts capitalistes l’amène à adopter des positions franchement réactionnaires.
Le communiqué commence par prendre acte de la démission de Carlos Mesa, « bousculé par une contestation chronique depuis sa prise de fonction au mois d’octobre 2003 ». Pas un mot, cependant, sur la grève générale qui s’est développée à partir de la fin du mois de mai, sur la centaine de barrages routiers tenus par les travailleurs et les paysans, ou encore sur les comités de quartier, les assemblées populaires et autres structures démocratiques dont ils se sont dotés au cours de leur lutte héroïque. Pas un mot, non plus, sur la principale revendication du mouvement : la nationalisation des hydrocarbures, dont des multinationales étrangères - Total Fina Elf compris - se partagent le butin.
Le « secrétariat international » du PS préfère attirer l’attention sur le fait que « le Congrès doit examiner les conséquences institutionnelles » de la démission de Mesa. Le Congrès bolivien, cependant, est composé de la même majorité réactionnaire que celle qui était en place en octobre 2003, avant que Mesa ne prenne la présidence du pays. Il est complètement discrédité aux yeux des travailleurs et paysans boliviens, dont l’un des mots d’ordre a justement été la fermeture de cette « assemblée de bandits ». Mais cela importe peu au « secrétariat international » du PS, qui estime que le problème peut et doit être réglé dans le cadre d’une manœuvre constitutionnelle. C’est d’ailleurs exactement l’avis de la classe dirigeante bolivienne, qui s’est une nouvelle fois efforcée de détourner le mouvement vers une impasse parlementaire.
Au passage, « le Parti socialiste tient à saluer Carlos Mesa » - vice-président du pays à l’époque de la répression sanglante d’octobre 2003 - pour avoir « réussi à gérer sans effusion de sang une situation de plus en plus difficile. »
La suite du communiqué nous apprend, dans un style d’une incroyable arrogance, que « le Parti socialiste comprend les attentes sociales des plus démunis. Il a pris connaissance avec attention des revendications exprimées par les partis politiques et les syndicats. » Mais alors, quelles sont ces revendications, et le PS les soutient-il ? On n’en saura rien. Par contre, le Parti Socialiste - dont ce communiqué s’érige en porte parole - est « préoccupé par l’intolérance du Parti Pachacutic, la violence croissante des manifestations, l’exigence autonomiste de la région de Santa Cruz, productrice de pétrole, ainsi que par l’appel de la centrale syndicale COB à une issue militaire. »
Ce sont là autant de mensonges - purs ou par omission. Pour commencer, le parti Pacachutic n’a joué aucun rôle sérieux dans le mouvement révolutionnaire en question. Ensuite, la « violence croissante des manifestations » est une formule vague dont l’objectif est de jeter l’opprobre sur un mouvement dont l’une des caractéristiques est justement un haut niveau de discipline et d’organisation. Ceci dit, dans une mobilisation révolutionnaire aussi puissante que celle-ci, des affrontements avec les forces armées sont presque inévitables. En octobre 2003, l’armée avait brutalement réprimé les travailleurs boliviens, faisant plus de 80 morts. Mais à cette époque, on n’a pas entendu le « secrétariat international » du PS protester contre la « violence croissante » de l’armée.
En ce qui concerne l’« exigence autonomiste de la région de Santa Cruz », ce n’est pas la revendication « des plus démunis », mais celle de l’oligarchie locale de cette région riche en hydrocarbures. Les impérialistes français qui exploitent les ressources gazières de la Bolivie comprennent bien les risques qu’une division du pays impliquerait, de leur point de vue. Bien sûr, l’idée d’une nationalisation des hydrocarbures ne leur plait pas davantage. Le communiqué du PS est parfaitement à l’unisson de ces inquiétudes de l’impérialisme français.
Enfin, il est vrai que Jaime Solares, le dirigeant de la COB, a publiquement parlé de la possibilité que des officiers sympathisant avec le mouvement renversent l’oligarchie bolivienne. Nous avons expliqué ailleurs que cette solution serait contraire aux intérêts de la révolution : les travailleurs et les paysans ne doivent pas remettre leur destin entre les mains d’un militaire, quel qu’il soit. Ils doivent être et rester les acteurs de leur propre émancipation. Mais le communiqué se garde bien de rappeler, d’une part, que sur la question du pouvoir le principal mot d’ordre de la COB est : « gouvernement ouvrier et paysan » - et, d’autre part, que la COB a joué un rôle central dans l’organisation du mouvement et de la grève générale. Autrement dit, lorsque les auteurs de ce communiqué critiquent l’idée d’une « issue militaire », ce n’est pas pour indiquer la voie juste au mouvement révolutionnaire, mais uniquement pour discréditer la plus puissante de ses organisations.
Le communiqué conclue sur un pathétique appel au « dialogue » entre Boliviens. Comme si les travailleurs et les paysans boliviens pouvaient obtenir satisfaction en « dialoguant » avec la poignée de nantis qui les exploite et les affame !
Ce texte lamentable rappelle à quel point le Parti Socialiste a échappé au contrôle de la jeunesse et de la classe ouvrière de notre pays. La direction du PS est tombée entre les mains de gens complètement étrangers à l’idéal socialiste et internationaliste qui a donné naissance à ce parti. Les militants du PS ne doivent pas tolérer que leurs dirigeants insultent la lutte héroïque de nos frères et sœurs de Bolivie ! Ils ne devraient pas accepter que soient ainsi bafoués les principes les plus élémentaires de l’internationalisme ouvrier, et ont tout intérêt à demander des comptes aux membres du « secrétariat international » du Parti Socialiste.