Depuis le début de sa mobilisation massive, le 6 octobre dernier, le peuple chilien ne décolère pas. Après trente années de relatif calme social, le capitalisme chilien est sérieusement ébranlé.
Très vite, un mot d’ordre a émergé, visant le Président et, à travers lui, l’ensemble du régime : « Piñera, dehors ! ». Mais ce dernier s’accroche en jouant sur deux tableaux : la répression et les fausses « concessions ».
Les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent une répression brutale. Fin novembre, 2000 personnes avaient été blessées (dont 200 à l’œil, suite à des tirs de LBD), et plus de 7000 arrêtées (les cas de tortures et d’abus sexuels, dans les commissariats, se multiplient). Fin décembre, on comptait 26 morts. Dans ce contexte, des comités d’autodéfense ont commencé à se former, dont Prima Linea (« Première Ligne »), qui cherche à protéger les manifestations. Ce type d’organisations doit se développer et se lier à l’ensemble du mouvement ouvrier.
Le piège de la Constituante
Parallèlement à cette répression, le gouvernement a réussi à obtenir la signature, par tous les partis présents au Parlement (sauf le Parti Communiste), d’un soi-disant « Accord pour la paix et la nouvelle Constitution ». Cet « accord » (avec des forces qui ne représentent pas le mouvement) prévoit d’aboutir, peut-être, à une nouvelle Constitution – au plus tôt en 2022 !
Il est vrai que l’actuelle Constitution est, en partie, héritée de la dictature de Pinochet. Elle est donc très loin d’être « démocratique ». Son changement figure parmi les mots d’ordre du mouvement. Mais soyons clairs : lorsque les masses demandent une Assemblée Constituante, ce qu’elles visent, c’est un changement fondamental de régime, une rupture nette avec l’ordre établi. A l’inverse, pour la classe dirigeante chilienne et son gouvernement, la perspective d’une Assemblée Constituante est une manœuvre défensive dont l’objectif est évident : il s’agit de pousser le mouvement révolutionnaire vers un bourbier « constitutionnel » – en obtenant, au passage, la fin des manifestations et des grèves.
Le peuple chilien n’a pas seulement besoin d’une nouvelle Constitution. Il a besoin d’un véritable changement, ce qui suppose le remplacement de l’Etat bourgeois par un authentique gouvernement ouvrier. Les cabildos (« conseils ») et autres assemblées qui se sont formés, depuis le 6 octobre, en constituent les embryons, qu’il s’agit à présent de développer.