Le mercredi 11 mai, Le Figaro a publié un article d’Alexandre Adler intituléLes tentations de Chavez. Il y est question des conséquences de la situation politique en Amérique latine sur le marché mondial des matières premières, sur fond d’antagonismes entre la Chine et les Etats-Unis. A ce sujet, Adler formule quelques généralités plus ou moins exactes, mais ne dit rien qui tranche avec la médiocrité du traitement de l’Amérique latine par la plupart des médias.
Cependant, il vaut d’autant moins la peine de s’arrêter sur cet aspect de l’article que l’analyse géopolitique n’est pas le véritable mobile de son auteur. Au fond, elle n’est qu’un prétexte à toutes sortes d’insinuations, de mensonges et de critiques à l’égard de gouvernements et de personnalités politiques auxquels l’administration Bush est hostile. Ce faisant, Alexandre Adler, qui s’est spécialisé dans la défense inconditionnelle de l’impérialisme américain, applique scrupuleusement les méthodes de Bush, Rice, Rumsfeld et compagnie.
Hugo Chavez est la principale cible d’Adler. D’entrée de jeu, il compare le président du Venezuela à « un primate ou un gorille » dont il faut craindre « le claquement brusque de [la] mâchoire ». Cette image raciste n’est pas nouvelle. L’oligarchie vénézuélienne, dont l’écrasante majorité est de peau blanche, n’a cessé de comparer Chavez, qui est métis, à un « primate ». Adler a ramassé cette lamentable insulte dans la poubelle de l’opposition vénézuélienne, et l’a trouvée à son goût. Notons au passage que le racisme, ce fidèle compagnon de l’impérialisme, nous vient ici de quelqu’un qui se veut un chantre de la « lutte contre l’antisémitisme ». De fait, chez Adler comme chez Bush et Sharon, cette dernière sert de justification idéologique à l’oppression impérialiste des Palestiniens et des peuples du monde arabe en général.
Adler nous apprend par ailleurs que Chavez est un « apprenti dictateur ». La formule a de quoi surprendre. On connaissait les dictateurs tout court, mais un « apprenti dictateur », c’est un mystère politique inédit. Malheureusement, Adler ne prend pas la peine de nous éclairer sur ce point. Cependant, une hypothèse s’impose : après que Chavez a remporté 8 victoires électorales consécutives, dont aucune n’a fait l’objet de contestation de la part des instances internationales, Adler a dû juger que le terme de « dictateur » était un peu fort. De fait, un dictateur qui jouit d’un soutien massif, dans la rue comme dans les urnes, c’est très problématique. Le terme d’« apprenti », censé apporter une nuance au jugement d’Adler, n’illustre finalement que sa monstrueuse hypocrisie. On a affaire à un exemple typique d’insinuation calomnieuse, l’une des armes préférées des « faucons » de la Maison Blanche.
Chavez est ensuite accusé d’être l’allié des « populistes de l’arc andin, depuis les preneurs d’otages communistes colombiens jusqu’aux narco-émeutiers péruviens, boliviens et maintenant équatoriens. » Nous reviendrons plus loin sur les « preneurs d’otages communistes colombiens. » Quant aux « populistes » et « narco-émeurtiers » du Pérou, de la Bolivie et de l’Equateur, Adler fait référence aux magnifiques mouvements de masse qui, au cours ces dernières années, ont ébranlé ces trois pays et renversé des gouvernements de droite. La révolution vénézuélienne est-elle l’alliée de la jeunesse et des travailleurs andins ? Certainement ! Aussi Adler s’empresse-t-il de les couvrir de boue : « populistes », « narco-émeutiers »... Qu’importe si, dans toute l’histoire, on n’a jamais vu de « narco-émeute » mobiliser des centaines de milliers de travailleurs dans des grèves et des manifestations. Adler n’attache aucune importance à la véracité de ce qu’il écrit et ne cherche pas à fournir la moindre preuve. Son seul but, c’est d’enfoncer de grossiers mensonges dans la tête de ses lecteurs. Pour ce faire, il suit un conseil de Joseph Goebbels, le chef de la propagande sous l’Allemagne nazie : répétez sans cesse un mensonge, même le plus grossier, et on finira par vous croire.
Trois lignes plus loin, Adler écrit : « Le Venezuela, inondé de médecins, de flics et de moniteurs sportifs cubains, est ainsi devenu le champ de bataille privilégié de l’aile stalinienne de la dictature castriste. » En effet, des milliers de médecins cubains travaillent parmi les couches les plus pauvres de la société vénézuélienne, dont la majorité n’avait jusqu’alors jamais vu de docteur. Mais Adler déteste Cuba, sa révolution, son existence - et de manière générale tout ce qui se rapporte au socialisme et au mouvement ouvrier. Aussi ne voit-il rien d’autre, dans ce sérieux progrès du système de santé vénézuélien, qu’une manifestation de l’« aile stalinienne de la dictature castriste. » On pourrait aussi discuter des « flics et moniteurs sportifs cubains ». Mais chacun comprendra que si Cuba avait envoyé des spéléologues ou des danseuses étoiles au Venezuela, Adler y aurait quand même vu l’œuvre maléfique du Castrisme !
Chavez est enfin accusé d’être « tenté de déclencher un conflit armé avec la Colombie voisine afin de reprendre en main l’armée et d’écraser totalement la société civile ». Cet énorme mensonge complète celui selon lequel Chavez soutiendrait les « preneurs d’otages communistes colombiens. » Là encore, Adler ne cherche pas à donner un début de preuve de ce qu’il avance. Et pour cause : les faits prouvent exactement le contraire. L’arrestation de paramilitaires colombiens en activité sur le sol vénézuélien, en mai 2004, les incessantes critiques du gouvernement d’Uribe contre Chavez et la mobilisation d’importantes forces militaires colombiennes à la frontière des deux pays - tout cela indique qu’une agression militaire du Venezuela par le biais de la Colombie est l’une des possibilités retenues par l’administration américaine. Mais évidemment, une telle offensive ne saurait avoir lieu sans que l’agressé ait d’abord été présenté au monde entier comme l’agresseur. C’était la méthode utilisée pour justifier la guerre en Irak. Aujourd’hui, c’est le tour du Venezuela.
Le président du Venezuela n’est pas le seul visé. Cuba, bien sûr, est censée fournir les effectifs politiques de cette vaste conspiration « anti-démocratique ». Heinz Dietrich, un ami personnel de Chavez qui ne joue cependant aucun rôle important au Venezuela, et qui d’ailleurs vit à Mexico, est présenté comme le gourou de toute l’affaire.
Enfin, Lopez Obrador, le dirigeant du PRD (le grand parti de la gauche mexicaine), qui est donné favori pour l’élection présidentielle de 2006, subit une allusion apparemment anodine derrière laquelle se cache une menace sérieuse. Obrador, dont l’immense popularité et les discours radicaux inquiètent Bush et la classe capitaliste mexicaine, a été démis, le 7 avril dernier, de son immunité parlementaire, dans le cadre d’une manœuvre flagrante de la droite pour l’éliminer de la course à la présidentielle. Cependant, à peine quelques semaines plus tard, le puissant mouvement de masse provoqué par cette manœuvre a forcé la droite à faire marche arrière. L’une des questions les plus cruciales, dans ce processus, sera le comportement politique des dirigeants du PRD, qui pour l’instant montrent des signes de panique et s’efforcent de calmer leur propre base sociale. De leur côté, les capitalistes regardent avec angoisse en direction du Venezuela, et s’alarment à l’idée que le Mexique puisse connaître un développement similaire. C’est là qu’intervient notre fidèle messager de Washington : selon lui, Obrador devra procéder à une « redéfinition de sa campagne présidentielle dans un sens ou dans un autre ». Ce qui signifie : pour ou contre le grand capital mexicain et américain. On peut parier que si la direction du PRD suit une ligne de confrontation avec l’impérialisme américain et la classe dirigeante mexicaine, Adler y découvrira, comme à son habitude, l’œuvre de « narco-émeutiers populistes », de Castro, etc.
La haine de classe qu’Adler voue à la gauche et au mouvement communiste est parfaitement réciproque. Il est notoire que ce sinistre individu consacre toute son énergie à défendre l’impérialisme américain. En même temps, cet article s’inscrit dans une campagne médiatique contre Chavez, à l’échelle internationale, qui illustre l’agressivité et la nervosité de l’administration Bush à l’égard de la révolution bolivarienne. La bassesse calomnieuse d’Alder doit nous renforcer dans notre volonté de défendre cette révolution. Nous devons non seulement balayer le tas de mensonges que les grands médias déversent sur le Venezuela, mais également développer un grand mouvement de solidarité internationale, de façon à prévenir une nouvelle tentative de renverser Chavez.