Le Venezuela, avec la Bolivie, est le pays où le processus révolutionnaire est le plus avancé. En fait, le mouvement révolutionnaire a déjà tenu la réaction en échec à deux occasions : lors du coup d’Etat d’avril 2002 et lors du sabotage de l’industrie pétrolière et du lock-out (grève patronale) de décembre 2002-janvier 2003.
Ici, nous voyons l’énorme potentiel révolutionnaire des masses. A deux reprises, les travailleurs ont fait échec à la contre-révolution. Si Hugo Chavez était un marxiste, il aurait pu facilement renverser l’oligarchie réactionnaire et corrompue. Les conditions étaient extrêmement favorables. Après l’échec du lock-out patronal, les contre-révolutionnaires étaient démoralisés. Les masses étaient mobilisées et confiantes. Mais une fois de plus, l’opportunité n’a pas été saisie. A présent, les réactionnaires font de l’agitation au sujet du référendum susceptible de renverser Chavez.
L’impérialisme américain est terrifié par l’idée que le Venezuela puisse suivre la même voie que Cuba. Ce n’est pas encore le cas, mais c’est une perspective parfaitement possible. Chavez pourrait s’appuyer sur les travailleurs pour porter des coups à la réaction, et, ce faisant, pourrait aller plus loin que prévu. Par conséquent, il n’y a plus de compromis possible. Malgré ses deux sérieuses défaites, la bourgeoisie vénézuélienne, appuyée par la CIA et l’ambassade américaine, prépare un nouveau coup d’Etat.
La stratégie actuelle de la contre-révolution repose sur une combinaison d’activités terroristes, de sabotage économique (destiné à saper le soutien populaire de Chavez), de provocations contre-révolutionnaires (marches dans les quartiers chavistes, collecte de signatures pour un référendum révocatoire) et de pression internationale (en essayant de présenter le gouvernement Chavez comme un soutien du terrorisme). Ceci dit, après deux échecs, la base sociale de l’opposition est démoralisée, divisée et sceptique. Dans le même temps, l’appareil d’Etat, en tant qu’instrument de répression de la classe dirigeante, a été affaibli.
D’un autre côté, nous assistons à une progression de la radicalisation des masses, et en particulier du mouvement ouvrier. Au sein de la compagnie pétrolière PDVSA, il y a un conflit croissant entre les nouveaux dirigeants et les travailleurs qui s’efforcent de maintenir et d’étendre les éléments de contrôle ouvrier qu’ils avaient mis en place lors de la lutte contre le sabotage patronal, en décembre 2002.
Il y a également un mouvement d’occupation d’usines - de faible envergure, mais significatif. A ce jour, le gouvernement n’a pris aucune mesure pour soutenir ces actions, mais n’a rien fait non plus pour les réprimer.
Le gouvernement Chavez a un programme nationaliste bourgeois : c’est-à-dire qu’il veut développer l’économie du pays dans l’intérêt de la majorité de la population, mais pense pouvoir le faire dans les limites du capitalisme. Le problème est qu’il s’agit là d’un projet complètement utopique. Il n’existe pas d’aile « progressiste » de la bourgeoisie vénézuelienne. De fait, l’expérience de ces cinq dernières années l’a très clairement démontré. Les capitalistes et d’importantes sections de la classe moyenne sont contre Chavez et du côté de l’impérialisme, alors qu’une écrasante majorité des travailleurs et des pauvres, ainsi qu’une minorité de la petite bourgeoisie, sont du côté de Chavez. Il est impossible de concilier les intérêts des deux parties, et c’est pourquoi le conflit n’a pas été résolu de manière décisive.
Face à l’intransigeance de la réaction et à la pression de la classe ouvrière et du peuple, Chavez pourrait être forcé, à un certain stade, de dépasser les limites du capitalisme. A de nombreuses occasions, en particulier lorsqu’il était menacé, il a déjà pris ou proposé de prendre des mesures allant à l’encontre de la liberté du marché. Ainsi, en janvier 2003, il a menacé les banques d’une intervention de l’Etat si elles se joignaient au lock-out patronal. Les banques sont restées ouvertes. Dans le même temps, il a appelé les travailleurs à occuper les usines participant au lock-out. Après la défaite du lock-out, le gouvernement a introduit un contrôle des prix des denrées de bases et un contrôle de l’Etat sur le commerce extérieur.
Si les masses faisaient échouer une nouvelle offensive contre-révolutionnaire, cela pourrait forcer Chavez à s’appuyer sur les travailleurs pour porter un coup décisif au capitalisme. C’est exactement ce qui s’est passé à Cuba sous le gouvernement nationaliste bourgeois de Castro et Guevara. Ironie de l’histoire, Castro conseille maintenant à Chavez de ne pas emprunter la voie qu’il avait lui-même suivie en 1962-1963 !
Etant donnée la situation, l’établissement d’un régime bonapartiste prolétarien - c’est-à-dire d’un régime reposant sur une économie planifiée mais sans démocratie ouvrière - est une possibilité sérieuse. Mais ce n’est pas la seule possibilité, et en tout cas pas celle que nous défendons. Si un tel régime s’établissait, les travailleurs auraient à en payer le prix sous la forme d’une autre révolution, une révolution politique.
La tâche la plus pressante, au Venezuela, est la construction du noyau d’une organisation de cadres marxistes, capables de conquérir la direction du mouvement des travailleurs et des pauvres, sur la base d’un programme de démocratie ouvrière et de planification démocratique de l’économie. Cela n’est possible qu’en comprenant clairement la nature du mouvement chaviste et en y intervenant énergiquement.