Les élections présidentielles qui se tiendront au Venezuela, le 3 décembre prochain, seront précédées d’une intensification des attaques de la presse « indépendante » contre le président du Venezuela, Hugo Chavez, et contre la révolution vénézuélienne. En France, le coup d’envoi de cette campagne a été donné, début septembre, par Le Monde et divers organes de presse. En bons « démocrates », ces médias pro-capitalistes ont fait mine de s’inquiéter d’une réforme constitutionnelle que Chavez compte faire adopter par référendum, en vertu de laquelle la réélection du président de la République vénézuélienne ne serait plus limitée à deux mandats.
L’hypocrisie de ces journalistes n’a d’égale que celle des Bush, Blair et autres réactionnaires qui accusent Chavez de ne pas « respecter les règles de la démocratie », s’ingèrent dans les affaires internes du Venezuela et complotent sans cesse contre son gouvernement. N’est-ce pas au nom de la « démocratie » que Bush et Blair ont décidé de bombarder et d’envahir l’Irak ? Dans la bouche de ces messieurs, la « démocratie » a l’odeur de la mort. Et elle ne sent guère meilleur dans les articles des journalistes à leur solde.
Dans Le Monde du 4 septembre, Paolo A. Paranagua signe un article ayant pour titre : Venezuela : Hugo Chavez s’ouvre la voie à une présidence à vie, dans lequel il prétend que Chavez « a révélé son intention d’être président à vie ». Jamais Chavez n’a suggéré pareille chose. C’est une insinuation pure et simple, dont le but est de donner le sentiment que Chavez veut s’imposer au peuple vénézuélien, contre sa volonté. Ce qu’oublie de rappeler Paolo A. Paranagua, c’est que depuis 1998, Chavez et son parti ont remporté 9 victoires électorales consécutives, au cours de scrutins parfaitement irréprochables. Aucun chef d’Etat actuellement en exercice ne peut se targuer d’une telle légitimité électorale !
Pour installer le doute dans l’esprit du lecteur, Paranagua commence par insinuer – et tout l’article est cousu d’insinuations – qu’un deuxième mandat de Chavez serait déjà, en soi, une anomalie, une sorte de dangereux précédent : « M.Chavez brigue un second mandat de six ans le 3 décembre. Depuis l’instauration de la démocratie, en 1958, il est le premier président vénézuélien à bénéficier de cette possibilité ». Sans s’attarder sur cette misérable rhétorique, rappelons qu’entre 1958 et 1998, la « démocratie » vénézuélienne n’a jamais servi que les riches, les puissants, et que ces derniers n’ont pas hésité, en 1989, à lancer l’armée contre une insurrection populaire, laissant des milliers de morts dans les rues de la capitale. A l’époque, les Paranagua de ce monde ont observé le silence le plus strict sur ce massacre. Nous étions dans l’ère de la « démocratie ».
« La Constitution de 1999 a été inspirée par M. Chavez lui-même, qui la brandit souvent en public comme la bible de sa "révolution bolivarienne" », écrit plus loin Paranagua. C’est une façon d’insinuer que Chavez ne prend pas au sérieux la constitution bolivarienne, et qu’il serait donc prêt à la fouler aux pieds pour se maintenir au pouvoir. Mais ceux qui ont réellement piétiné la constitution bolivarienne, ce sont les membres de l’opposition, les représentants de l’oligarchie vénézuélienne, qui ont tenté un coup d’Etat contre Chavez en avril 2002, et qui ont massivement fraudé lors de la campagne précédant le référendum révocatoire d’août 2004. On n’a pas, alors, entendu Paranagua et ses amis s’inquiéter du sort de la démocratie vénézuélienne.
On ne les a pas entendu, non plus, en octobre 2005, lorsque l’ultra-réactionnaire président de Colombie, Alvaro Uribe, a fait modifier la constitution du pays pour briguer un deuxième mandat présidentiel. Non : le régime d’Uribe, qui s’appuie sur les paramilitaires fascistes et couvre l’assassinat de syndicalistes, n’inquiète pas les démocrates du genre de Paranagua.
Les insinuations de ce journaliste sont d’autant plus hypocrites que de nombreux régimes présidentiels, dans le monde, ne fixent pas de limites au nombre de mandats successifs que peut exercer un président – à commencer par la France ! Par contre, la constitution bolivarienne mise en place par Chavez, au lendemain de son arrivée au pouvoir, est une des seules au monde qui prévoit la possibilité de révoquer le président à mi-mandat, par référendum. L’opposition vénézuélienne, qui accuse Chavez d’être un dictateur, ne s’est d’ailleurs pas privée d’utiliser cette option, en 2004. Et nul doute que si la constitution française offrait aussi une telle possibilité, la jeunesse et les travailleurs français n’auraient pas manqué de l’exploiter pour se débarrasser de Jacques Chirac !
En proposant la réforme constitutionnelle que critique Paranagua, Chavez jette un gant à la face des impérialistes et de l’oligarchie. C’est une façon de dire à tous ceux qui rêvent de le renverser : « vous n’en avez pas fini avec moi et la révolution bolivarienne. » Ceci-dit, ce serait une erreur de croire que le sort de la révolution bolivarienne dépend le moins du monde d’une réforme constitutionnelle de ce type. L’équilibre entre les classes, au Venezuela, ne peut se maintenir indéfiniment. Après plus de 7 ans de gouvernement bolivarien, les masses vénézuéliennes commencent à s’impatienter. Elles sont lasses des discours. Elles veulent le pouvoir. Si l’oligarchie n’est pas expropriée, si l’Etat n’est pas purgé de ses éléments réactionnaires et placé sous le contrôle des travailleurs vénézuéliens, l’impatience finira par se transformer en apathie, en indifférence, et la contre-révolution prendra le dessus. En dernière analyse, même la constitution la plus progressiste au monde n’est qu’un bout de papier qui reflète le rapport de force entre les classes à un moment donné. Or, l’évolution de ce rapport de force se joue dans la rue, les entreprises, les campagnes et les casernes. C’est là que repose le destin de la révolution vénézuélienne, et que doivent être accomplies ses tâches fondamentales – ses tâches socialistes.