Pour l’oligarchie vénézuélienne, l’idée d’un gouvernement répartissant les richesses est insupportable. Pour créer une situation de tension et en faire porter la responsabilité sur le gouvernement bolivarien, elle n’a eu de cesse, depuis le début de la révolution, de saboter l’économie du pays et d’organiser la pénurie, faisant ainsi exploser le marché noir. La même stratégie avait été utilisée par la CIA au Chili et a mené au coup d’Etat de septembre 1973.
En 2003, face à la fuite massive de capitaux et à la spéculation contre la monnaie, un contrôle des changes a été instauré par le gouvernement Chavez. Mais cela a facilité la croissance du marché noir, où les capitalistes réalisent de fortes marges, jusqu’à 1000 % ! A cela, il faut ajouter la chute du prix du pétrole, qui est passé de 140 dollars le baril en 2008 à 50 dollars en 2017. Cela a sévèrement affecté le financement des « missions sociales ».
Les manifestations de la droite
Depuis début avril, « l’opposition » (la droite) organise des manifestations réclamant la chute du gouvernement. Elle est soutenue par la presse bourgeoise du monde entier, qui fustige un gouvernement « utilisant la force » face à des « manifestants pacifiques ».
En réalité, ce sont les manifestants de l’opposition qui ont recours à la violence. Ils ont tenté d’incendier le Tribunal Suprême de Justice et d’envahir le Conseil National Electoral. Ils ont également attaqué une maternité et abattu des militants syndicaux. Au total, une quarantaine de personnes sont mortes.
L’opposition a réussi à mobiliser beaucoup de monde dans une campagne hystérique, mais elle n’a pas réussi à dépasser sa base sociale habituelle. En revanche, la révolution conserve une base d’appui importante, comme en témoigne la mobilisation « bolivarienne » de centaines de milliers de personnes dans les rues, le 19 avril et le 1er mai. Mais de tout cela, pas un mot dans les médias capitalistes du monde entier.
En fait, le conflit au niveau des institutions de l’Etat reflète des intérêts de classes contradictoires. L’Assemblée nationale est dominée par la droite ; le président Maduro a été élu par les pauvres et les exploités. La droite s’appuie essentiellement sur les classes moyennes et supérieures de la société. Encouragée par son succès aux législatives de décembre 2015, elle cherche à renverser le gouvernement de Maduro. De son côté, Maduro compte sur les travailleurs et les pauvres pour rester au pouvoir. Mais il n’a cessé de perdre du soutien, ces dernières années.
Pourquoi le gouvernement perd-il du soutien ?
Alors que le pays fait face à une pénurie de produits alimentaires, le groupe Polar, principal groupe agroalimentaire du pays, n’a toujours pas été nationalisé et placé sous le contrôle des travailleurs. En conséquence, la pénurie et la chute du pouvoir d’achat affectent le moral des travailleurs.
Le problème réside dans l’attitude de Maduro et de son gouvernement face aux ennemis de la révolution. Maduro dénonce à juste titre la guerre économique menée par les capitalistes. Mais que fait-il pour s’y opposer ? Il négocie avec les capitalistes en leur accordant toujours plus de concessions et de dollars.
Surtout, l’initiative révolutionnaire des travailleurs et des communes est entravée par la bureaucratie « bolivarienne », ce qui conduit à la désillusion, au scepticisme et même au cynisme parmi les couches qui auparavant soutenaient le mouvement révolutionnaire.
Dans son discours du 1er mai, Maduro a annoncé la convocation d’une Assemblée constituante. Elle serait pour moitié élue comme l’actuelle Assemblée nationale, et pour moitié élue selon différents critères : la jeunesse, les femmes, les travailleurs, les indigènes, etc. Mais c’est un saut dans l’inconnu. Cela donne de nouveaux arguments à l’opposition, qui dénonce une tentative d’« auto-coup d’Etat ».
Dans le même discours, Maduro parlait de « changer de paradigme économique » tout en… « respectant toutes les formes de propriété existantes ». C’est contradictoire ! C’est même la contradiction centrale de la révolution vénézuélienne. Plutôt que de remettre en cause le contrôle de l’économie par la classe dirigeante, la direction du mouvement bolivarien aggrave les problèmes des masses par une politique de vaines « négociations » avec l’oligarchie. Elle fraye le chemin à une défaite du mouvement, que ce soit par les élections ou par un renversement violent. Ce serait un désastre pour les travailleurs et les pauvres, économiquement et socialement. Les puissants ne leur pardonneraient pas d’avoir osé les défier si longtemps – et chercheraient à se venger.
Les Vénézuéliens ont su se mobiliser à de nombreuses reprises pour défendre la révolution et ses conquêtes, notamment par deux fois en 2002 : lors du coup d’Etat contre Chavez, puis lors du lock-out patronal. Mais il y a un seul moyen pour consolider les conquêtes de la révolution vénézuélienne : il faut la mener à son terme, c’est-à-dire exproprier la classe capitaliste et remplacer l’Etat bourgeois par une authentique démocratie ouvrière. Seules ces mesures permettront d’élargir à nouveau la base sociale de masse du mouvement bolivarien.