Le congrès fondateur du PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezuela) aura duré deux mois. C’était un événement d’une importance historique. Près de 1800 délégués représentant un total de 5,6 millions d’adhérents se sont réunis tous les week-ends, depuis début janvier, pour discuter les questions cruciales qui se posent à la révolution vénézuélienne : quels types de programme, de méthodes, d’idéologie et d’organisation sont nécessaires afin d’accomplir la révolution et avancer vers le socialisme.
Le congrès s’est terminé le dimanche 2 mars. Les délégués sont retournés dans leurs régions afin de poursuivre le travail et mettre en pratique les décisions du congrès. Le dimanche suivant, le 9 mars, la direction nationale du PSUV a été élue.
Contexte révolutionnaire
Le congrès du PSUV n’a pas eu lieu dans une situation « normale », mais dans un contexte révolutionnaire. Dans la plupart des pays européens, les congrès des partis socialistes ou communistes sont en général des écrans de fumée, de grandes pièces de théâtre destinées à « calmer » la base, et dont la plupart des résultats sont décidés à l’avance par la bureaucratie parlementaire et les permanents. Ces congrès ressemblent souvent davantage à des show télévisés qu’à un véritable processus de discussions politiques et de prises de décisions démocratiques.
Au Venezuela, les choses sont très différentes. Non que tout soit parfait et s’enchaîne de façon linéaire. Comme nous le verrons, une bureaucratie a également émergé dans le PSUV. Et si elle n’est pas arrêtée à temps, elle finira par détruire la révolution de l’intérieur. Cependant, un élément essentiel de la situation actuelle, c’est que cette bureaucratie n’est pas encore dans une position où elle peut faire ce qu’elle veut du parti. Pourquoi ? Parce qu’au Venezuela, une situation révolutionnaire pousse à l’action des millions d’ouvriers, de jeunes, de paysans, d’intellectuels et de pauvres.
Comme l’expliquait Trotsky, une révolution est un processus où les masses font irruption dans l’arène politique pour tenter de prendre leur destinée en main. C’est cette énorme pression de la base qui a donné forme au PSUV – et qui s’est reflétée lors de son congrès. La création du PSUV est elle-même le résultat du discrédit qui frappait les anciens partis bolivariens et de l’aspiration des masses révolutionnaires à une démocratie véritable à l’intérieur du mouvement. Cette aspiration était dirigée contre la direction droitière et non-élue du mouvement. Chavez, qui en était conscient, a proposé la formation du PSUV comme un moyen de donner le pouvoir à la base. Et cela s’est reflété dans la manière dont fut organisé le congrès : plus de deux mois de discussions ; des délégués élus par la base et révocables ; dans beaucoup d’endroits, des assemblées hebdomadaires au cours desquelles les délégués rendaient compte à leur base des questions discutées. Le processus de discussion a impliqué des centaines de milliers de personnes, si ce n’est des millions. La bureaucratie bolivarienne n’était clairement pas très contente de tout cela, et a tenté à chaque étape de faire échouer le processus et de limiter le pouvoir des délégués.
Humeur militante des délégués
Un élément a dominé toutes les sessions et discussions du congrès : la lutte entre, d’une part, la majorité des délégués – pour la plupart d’honnêtes révolutionnaires, des militants des quartiers pauvres, des syndicalistes ouvriers ou étudiants – et, d’autre part, un petit nombre de bureaucrates réformistes qui tentent de transformer le PSUV en une nouvelle édition du MVR – l’ancien parti de Chavez, considéré à juste titre comme une machine électorale pleine de carriéristes, d’éléments droitiers et corrompus.
L’aspiration de la majorité des délégués à construire le parti sur d’authentiques bases révolutionnaires s’est exprimée à de très nombreuses reprises. Ce fut le cas, par exemple, lors de la troisième session, qui s’est tenue à Puerto Ordaz, dans la région de Bolivar. Les délégués de Caracas ont proposé que le terme « anticapitalisme » soit inscrit dans la déclaration de principes du parti. La bureaucratie – mais aussi le Parti Communiste Vénézuélien – s’y sont opposés, arguant du fait que l’« anticapitalisme » était déjà implicitement contenu dans la définition du parti comme socialiste. Mais les délégués ont insisté, ce qui a obligé la bureaucratie à retarder le vote sur le document. Par la suite, lors de la quatrième session, à Caracas, Jorge Rodriguez a déclaré que le congrès avait déjà voté la déclaration de principes. Il a été sifflé par les délégués, qui lui ont rappelé qu’il n’en était rien, et qui y ont vu une tentative d’enterrer le débat sur le terme « anticapitalisme » – qui, finalement, a été intégré au texte.
La troisième session a également adopté la proposition d’organiser des manifestations lors de chaque session plénière, et les délégués ont organisé un rassemblement anti-impérialiste à Puerto Ordaz, auquel se sont joints des centaines d’ouvriers de SIDOR, une aciérie géante de la région dont les salariés demandent la nationalisation.
Au cours des trois dernières assemblées du congrès, de nombreux délégués ont montré un vif intérêt pour les idées du marxisme. Nos camarades du Courant Marxiste Révolutionnaire ont vendu plus de 350 copies de leur journal, El Militante, ainsi que pour plus de 4000BF (près de 1000 euros) de livres et des brochures marxistes. Bien sûr, il ne s’agit-là que d’une indication. Mais ajoutée à la teneur des débats du congrès, elle montre clairement qu’une partie significative des délégués sont à la recherche des idées marxistes révolutionnaires.
La Déclaration des Principes
La pression de la base a laissé sa marque sur plusieurs des principales décisions du congrès. La « Déclaration des Principes » est beaucoup plus claire et plus ferme, dans ses positions, que l’ébauche de programme qui a été adoptée. Elle inclut, entre autre, la nécessité d’exproprier les capitalistes qui possèdent les moyens de production :
« L’inefficacité dans l’exercice du pouvoir public, le bureaucratisme, le faible niveau de participation du peuple dans le contrôle et la gestion du gouvernement, la corruption et le fossé qui se creuse entre le peuple et le gouvernement – tout cela menace la confiance que le peuple a placée dans la révolution bolivarienne. (...) »
« Dans la production et la distribution des marchandises et des services, les intérêts spéculatifs du secteur privé découlent du contrôle et de la propriété des moyens de production, et sont une menace supplémentaire pour la révolution bolivarienne. Dans le cas de la nourriture, il n’est pas suffisant de lutter contre le sabotage et la pénurie par des mesures administratives. Il est nécessaire d’avoir une perspective stratégique pour confier au peuple organisé les moyens de production. »
Il y a également un paragraphe très significatif au sujet des bases idéologiques du parti :
« Le parti prendra comme point de départ l’arbre aux trois racines : la pensée et les actions de Simón Bolivar, de Simón Rodriguez et d’Ezequiel Zamora. Il tâchera de former ses membres en adoptant comme guide la pensée et les actions des révolutionnaires et des socialistes du monde entier tels que Martí, Ernesto Che Guevara, José Carlos Mariátegui, Karl Marx, Friedrich Engels, Lénine, Trotsky, Gramsci, et tous ceux qui ont apporté d’importantes contributions à la lutte pour la transformation sociale. »
L’affaire Táscon
Bien sûr, il ne s’agit là que d’une face de la pièce. L’aile droite du mouvement bolivarien est également parvenue à imprimer sa marque sur le congrès.
De quelle aile droite parlons-nous ? Nous faisons ici référence à ces éléments qui essayent de ralentir la révolution et de parvenir à un accord avec l’opposition et l’impérialisme. Dans une tentative désespérée de limiter la portée de la révolution, ces gens ont soutenu l’idée d’un « socialisme qui inclut différentes formes de propriété ». Avec ce slogan, ils veulent mettre un coup d’arrêt aux nationalisations et défendre la propriété privée des moyens de production. C’est à ces idées que le célèbre écrivain réformiste Heinz Dietrich a donné une couverture « théorique ».
Ces gens se sont installés à des postes clés de l’appareil d’Etat, d’où ils ont saboté la campagne du référendum, en décembre dernier. Ce faisant, ils ont aidé l’opposition à l’emporter. Dans le PSUV, ils s’efforcent par tous les moyens possibles d’introduire des idées réformistes et de contrôler le parti d’en haut.
Cette aile droite est communément identifiée à Diosdado Cabello, un riche homme d’affaires qui est également le gouverneur de l’Etat de Miranda. Tout au long du congrès, Cabello faisait partie du « comité technique » chargé d’organiser les différentes sessions du congrès.
Le premier grand conflit entre cette bureaucratie droitière et la majorité des délégués a éclaté lors de la quatrième assemblée, qui s’est tenue à Caracas du 15 au 18 février dernier. La cause immédiate du conflit est venue de Luís Tascón, parlementaire et membre du PSUV. En pleine session, Luís Tascón a ouvertement accusé de corruption le frère de Diosdado Cabello, José David Cabello, récemment nommé à la tête du SENIAT, le bureau vénézuélien de recette fiscale. Il est même allé jusqu’à porter cette accusation dans les médias vénézuéliens – y compris sur Globovision, une chaîne TV acquise à l’opposition –, qui en firent leurs gros titres. Diosdado Cabello a réagi en attaquant brutalement Tascón, qu’il a accusé d’être « un agent de l’impérialisme », et a proposé son expulsion du PSUV. Chavez lui-même a pris la défense de Cabello et publiquement attaqué Tascón.
Le samedi 16 février, Jorge Rodríguez, ancien vice-président et désormais chef de la direction temporaire du PSUV, est apparu à la télévision nationale aux côtés de Diosdado Cabello. Rodríguez a alors annoncé que « Tascón avait été exclu du PSUV, pour manque de discipline, par le congrès unanime » (!). C’était un mensonge flagrant, et la réaction des délégués fut immédiate. A Caracas, ils exigèrent que Jorge Rodríguez vienne en réunion s’expliquer et justifier ses propos.
Quoiqu’on pense des méthodes de Tascón et de sa façon d’accuser Cabello de corruption, il est absolument inacceptable d’exclure quelqu’un d’un parti avant même que celui-ci soit formé. Surtout, comment des dirigeants non-élus peuvent-ils exclure quelqu’un de la sorte ? Et comment ces même dirigeants peuvent-ils mentir, dans les médias, à propos des décisions du congrès – tout en accusant le camarade exclu de « manque de discipline » ? Ce qu’il aurait fallu faire, c’est ouvrir une investigation concernant les accusations de Tascón, et mener une discussion démocratique dans le parti, sur cette affaire.
Comme l’a dit un délégué, le jour suivant : « Tascón est un opportuniste. Il n’aurait pas dû aller à Globovisión. Mais qui sont Jorge Rodriguez et Diosdado Cabello pour l’exclure et prétendre qu’il s’agit d’une décision du parti ? Ce sont des méthodes de la IVe République, et nous n’allons pas les tolérer ».
Face à la colère des délégués du PSUV, Jorge Rodríguez a dû faire un pas en arrière et déclarer que Tascón aura l’occasion de se défendre contre les motifs d’exclusion.
L’élection de la direction
Le deuxième grand conflit entre le gauche et la droite du PSUV a éclaté lors de la discussion sur la façon d’élire la direction nationale. Dans une révolution, les masses sont très sensibles aux questions démocratiques. Elles exigent que le parti soit contrôlé démocratiquement par la base, et que ses dirigeants soient révocables. Elles considèrent cela comme la seule garantie qu’une véritable politique socialiste soit défendue. Chavez lui-même a déclaré à plusieurs reprises que le PSUV devait être le parti le plus démocratique de l’histoire du Venezuela.
Comme le congrès ne parvenait pas à trouver un accord sur la façon d’élire la direction, les réformistes proposèrent que Chavez nomme lui-même 69 candidats, qui seraient ensuite soumis au vote de 80 000 représentants élus par les assemblées locales du parti. Cette proposition a suscité beaucoup de méfiance et d’hostilité chez nombre de délégués, qui craignaient – à juste titre – que cela permette aux réformistes de droite de prendre le contrôle de la direction du parti.
Au fil des discussions, aucun compromis ne se dégageait. Soudainement, lors de la cinquième assemblée des délégués, à Puerto La Cruz, Jorge Rodríguez a pris tout le monde par surprise en annonçant que chaque délégué devait écrire trois noms sur une bout de papier, et que le tout serait apporté à Chavez, qui désignerait ensuite les 69 candidats en tenant compte du choix des délégués. Rodríguez ajouta que ces trois noms ne pouvaient pas être n’importe qui, et qu’il devait s’agir « de dirigeants reconnus ».
La bureaucratie a dû s’appuyer sur l’énorme autorité personnelle de Chavez pour imposer cette méthode, qui n’a pas permis aux délégués de savoir combien de voix chaque candidat avait obtenu. Dans de nombreux cas, les délégués n’ont pas eu la possibilité de consulter leur base. En outre, cette méthode a empêché des militants « non reconnus » d’être candidats à la direction et de présenter leurs idées aux délégués.
Dans une lettre à Chavez en date du 8 mars, de nombreux délégués – selon Aporrea, de 33 à 40% d’entre eux – ont souligné que cette façon d’élire la direction du PSUV n’était pas conforme à ce qu’ils considéraient comme les principes de la démocratie révolutionnaire.
A notre avis, la méthode employée a effectivement accentué le poids des éléments modérés et réformistes au sein de la direction. Parmi les 69 candidats, il y a beaucoup de gens issus de la direction discréditée du MVR. Certes, il y a aussi quelques authentiques militants révolutionnaires, comme le jeune étudiant marxiste Freddy Acevedo. Mais nombre de candidats sont considérés par les masses comme d’inutiles bureaucrates. Il est significatif, par exemple, qu’il n’y avait qu’un seul syndicaliste parmi les 69 noms.
Finalement, le vote eut lieu, le 9 mars : 15 membres de plein droit et 15 suppléants ont été élus, qui forment désormais la direction nationale du PSUV. Il est très significatif que Diosdado Cabello ne figurait pas dans la liste des 15 membres de plein droit (bien qu’il soit arrivé en première position parmi les suppléants). Le fait qu’il ait reçu si peu de voix est clairement le reflet de la pression de la base militante. De même, plusieurs personnalités connues de l’aile droite n’ont pas été retenues comme membres de plein droit : le maire de Caracas Freddy Bernal, le gouverneur de Lara Luís Reyes Reyes, le ministre de l’industrie pétrolière Rafaël Ramirez, mais aussi William Lara, Darío Vivas et Rafaël Isea. Certains ne figurent même pas parmi les suppléants, comme par exemple l’opportuniste notoire Francisco Arias Cárdenas, ou encore Rodolfo Sanz, Jesse Chacón, etc. Au final, la direction compte certes une majorité de réformistes de droite, mais il y a aussi des personnalités perçues comme faisant partie la gauche du mouvement.
Le rôle de Chavez
Le rôle de Chavez a été contradictoire. Parfois, il a critiqué « les éléments scissionnistes » et réclamé « l’unité et la discipline » à l’intérieur du PSUV. Cela visait, de facto, la gauche du parti. Dans l’un des ses discours, il a également défendu Diosdado Cabello contre les attaques politiques venant de la gauche. Il a appuyé l’exclusion de Táscon. En outre, il a usé de son autorité pour obtenir l’approbation des délégués concernant la méthode d’élection de la direction. Tout ceci a déçu un certain nombre de délégués et de militants de la base du parti, qui pensaient que Chavez soutiendrait la gauche dans la lutte contre la bureaucratie.
En même temps, Chavez a attaqué les idées promues par l’aile droite, comme le « Chavisme sans Chavez ». Tout en nommant des personnes de la bureaucratie, il a également nommé des personnes identifiées à l’aile gauche. C’est par exemple le cas de l’ancien général Alberto Müller Rojas. Au cours de l’été 2007, Chavez avait engagé une polémique publique avec Müller Rojas sur la question de savoir si les soldats et les fonctionnaires de l’armée pourraient faire partie du PSUV. A cette époque, Müller Rojas y était favorable, tandis que le Général Baduel – qui, depuis, a rallié la contre-révolution – s’y opposait. Chavez avait alors soutenu Baduel contre Rojas, qui avait été écarté du comité de création du PSUV. Mais lors de la session de clôture du congrès du PSUV, le dimanche 2 mars, Chavez a proposé que Müller Rojas soit vice-président du PSUV !
C’est tout à fait typique des vacillations de Chavez. Ses soubresauts se reflètent non seulement dans des idées politiques contradictoires, mais également dans ses choix concernant les individus. Chavez est sans nul doute un honnête individu. Mais il n’a pas une idée claire de la façon d’avancer et d’affronter les difficultés inhérentes à la situation. En ne prenant aucune mesure décisive contre la bureaucratie et en se liant à des individus qui font clairement partie de cette bureaucratie réformiste, il mine sa propre base de soutien dans le mouvement révolutionnaire.
Chavez considère l’unité comme une garantie pour l’avenir. Mais une question décisive se pose : est-il possible de parvenir à l’unité entre les points de vues de la droite et de la gauche du mouvement – c’est-à-dire entre le réformisme et la révolution ?
Le besoin d’une opposition de gauche
Les premiers conflits, au sein du PSUV, pourraient sembler porter sur de simples questions d’organisation. Mais en réalité, ils reflètent une lutte politique. Le principal problème, c’est que les très nombreux délégués qui recherchent une voie révolutionnaire ne sont pas organisés. Par contre, la minorité – la bureaucratie réformiste – est, elle, très bien organisée. Elle travaille d’une façon coordonnée et consciente. C’est ce qui explique qu’elle ait pu remporter plusieurs batailles, au cours du congrès, même face à une forte opposition.
Quelle conclusion les révolutionnaires doivent-ils tirer de cette situation ? Nous devons en appeler à l’organisation d’un courant gauche, avec une plate-forme clairement socialiste et révolutionnaire. Nous devons exiger que les méthodes organisationnelles correspondent aux objectifs politiques définis dans la déclaration des principes.
Une question concrète se pose : comment lutter efficacement contre la bureaucratie ? Il est impossible de vaincre la bureaucratie en ne soulevant que des questions et des polémiques strictement organisationnelles. Nous devons attaquer la bureaucratie à son point le plus faible : sa politique réformiste et conciliante. Nous devons dénoncer cette politique, ces idées et ce programme réformistes, et expliquer qu’ils risquent de mener le parti et la révolution au désastre.
Réforme ou révolution
Pour les réformistes de gauches et les sectaires, les luttes à l’intérieur du PSUV auront été une surprise. Ils pensaient qu’après la défaite du référendum constitutionnel, les masses étaient démoralisées, et qu’il y aurait le début d’un reflux dans le mouvement révolutionnaire vénézuélien. Ils ont montré une fois de plus qu’ils étaient incapables de comprendre la dynamique du processus révolutionnaire.
Les convulsions auxquelles nous avons assisté, lors du congrès du PSUV, n’ont pas été une surprise pour les marxistes. Au lendemain de la défaite du référendum, notre camarade Alan Woods écrivait : « La victoire du "non" doit agir comme un choc salutaire. La base chaviste est furieuse et accuse – à juste titre – la bureaucratie bolivarienne. Elle demande une purge des éléments droitiers du mouvement. »
C’est exactement ce qu’il se passe aujourd’hui. C’est la cause profonde des polémiques et des conflits, lors du congrès. La pression révolutionnaire de la base a imprimé sa marque sur bien des résultats de ce congrès – surtout sur sa Déclaration des Principes. Certes, la bureaucratie est parvenue à obtenir les commandes de la direction nationale. Mais elle se tromperait lourdement en s’imaginant que les masses lui laisseront le contrôle du parti sans se battre. Les masses essayeront de reconquérir le parti et de défier la bureaucratie.
Le terrain est prêt pour une bataille féroce entre la base révolutionnaire et la bureaucratie. Toute tentative de compromis se révèlera futile. Le réformisme et la révolution sont comme l’eau et le feu – il est impossible de les mélanger. Dans les prochains mois, il y aura des discussions à l’intérieur du PSUV, et des milliers de militants de l’avant-garde commenceront à tirer des conclusions. Une réunion nationale de délégués de gauche du PSUV a été prévue pour le 19 avril, co-organisée par nos camarades du Courant Marxiste Révolutionnaire (CMR). Ce sera un événement important pour discuter des leçons du congrès et organiser l’activité à venir de la gauche du PSUV.
La violation du territoire équatorien par les troupes colombiennes était la dernière provocation de l’impérialisme. C’était un avertissement clair à la révolution vénézuélienne : l’impérialisme américain garde toujours un œil sur le Venezuela. Il est prêt à saisir n’importe quelle opportunité d’étrangler la révolution. Nul doute que les impérialistes n’hésiteront pas à appuyer et utiliser les éléments modérés du courant chaviste et du PSUV, comme leur cinquième colonne.
La révolution vénézuélienne est à la croisée des chemins. Le PSUV devra faire face à quantité de problèmes : le sabotage économique continu, qui provoque une pénurie chronique en produits alimentaires de base ; la spéculation des capitalistes qui pousse l’inflation ; le manque de logements bon marché ; l’adoption de mesures radicales contre la chaîne de TV putschiste Globovision – entre autres.
Après presque dix ans de révolution, après une douzaine d’élections, des mobilisations constantes et des discours innombrables à propos du socialisme et de la révolution, les masses commencent à critiquer le rythme des événements. Non parce qu’elles sont fatiguées du socialisme, mais parce qu’elles sont fatiguées des discours sans fin qui ne débouchent pas sur des mesures concrètes et décisives en direction du socialisme. C’est dans ce contexte que réformisme et révolution se font face, au Venezuela, comme deux forces irréconciliables.
Patrick Larsen, du Venezuela
Le 11 mars 2008
Post-Scriptum : Depuis que cet article a été écrit, Chavez a nommé 15 vice-présidents du PSUV, parmi lesquels figure Diosdado Cabello.