D’après In Defence of Marxism, 5 août 2024.
Les masses révolutionnaires ont renversé Hasina, mettant fin à un règne brutal qui durait depuis 16 ans ! Mais l’armée complote pour arracher sa victoire au peuple. Les masses doivent être plus vigilantes que jamais. Tout le pouvoir doit revenir aux comités d’ouvriers et d’étudiants !
Mobilisation de masse
Depuis ce week-end, les événements se sont accélérés. Dimanche, l’armée et la police ont commencé à vaciller. Dans certains endroits, elles ont ouvert le feu sur les masses, tuant plus de 90 personnes ce jour-là. Dans d’autres endroits, elles ont reculé ou n’ont pas bougé. Les chefs de l’armée ont compris que le temps leur était compté avant que l’armée ne commence à se fracturer.
Les dirigeants étudiants ont décidé d’intensifier le mouvement. Ils ont appelé les masses à organiser des comités, comme nous le proposions depuis trois semaines, pour empêcher le gouvernement de désorienter les masses par un nouveau black-out des réseaux sociaux. Ils ont aussi appelé le peuple à marcher sur Dhaka pour une confrontation avec le régime et à s’armer pour pouvoir se défendre contre les forces de répression. Enfin, et surtout, ils ont appelé les travailleurs à la grève générale.
Les masses ont répondu à ces appels par une mobilisation énorme, d’une ampleur inédite depuis l’époque de la révolution de 1970-1971. Des millions de personnes ont déferlé sur Dhaka sans que la police puisse faire quoi que ce soit pour les arrêter. De leur côté, les travailleurs du textile ont fait le tour des usines pour appeler leurs camarades à se mettre en grève et à rejoindre la révolution.
Hundreds of thousands converging on Dhaka on crucial day of student-people uprising. Army chief to speak at 2pm
— Jorge Martin ☭ (@marxistJorge) August 5, 2024
Studen5 coordinators have announced they reject martial law.. Video:marching from Uttara (North Dhaka) #StepDownHasina pic.twitter.com/Od1zQcuzRF
Il ne faut pas laisser l’armée voler la victoire !
Face à cette mobilisation massive, les chefs de l’armée sont intervenus et ont contraint Hasina à abandonner le pouvoir. Il s’agit pour eux d’essayer de garder le contrôle de la situation et de sauvegarder les intérêts de la classe dirigeante. Les généraux essaient de protéger l’appareil du régime : ils veulent faire en sorte que les juges, les policiers et les militaires qui ont aidé Hasina à opprimer et massacrer les masses restent en place. Pour cela, ils sont prêts à remplacer Hasina et quelques figures dirigeantes trop compromises avec elle par des politiciens bourgeois ou des personnalités « issues de la société civile », qui n’ont joué aucun rôle dans la victoire de la révolution, mais sont prêts à se dévouer s’il s’agit d’en cueillir les fruits.
Sheikh Hasina and her sister fleeing in an Army helicopter. The deed is done. Student-people uprising has overthrown the regime. All power to the working people through the struggle committees. Maintain general strike. No trust in Army/political parties. pic.twitter.com/fg54m7rNxA
— Jorge Martin ☭ (@marxistJorge) August 5, 2024
Les chefs de l’armée et de la police, les juges, les hauts fonctionnaires et les politiciens bourgeois appartiennent tous à la même clique corrompue. Il ne faut pas les laisser dépouiller le peuple de sa révolution !
Les organisateurs du Mouvement des étudiants ont très justement affirmé qu’ils ne veulent pas d’un gouvernement militaire, dirigé par le général Waker-uz-Zaman, le propre beau-frère de Hasina, mais qu’ils veulent un gouvernement du peuple ! Dans un communiqué publié dimanche, ils ont expliqué que cette révolution ne visait pas qu’à faire partir Sheikh Hasina, mais à « abolir tout son système fasciste » et que les « étudiants n’accepteront aucune transition militaire, aucun Etat d’urgence, ni aucun système qui servirait le fascisme ». Nous sommes d’accord. C’est l’ensemble du système qui doit être balayé.
Ce communiqué affirmait ensuite que « les dirigeants du soulèvement citoyen et étudiant seront la composante principale d’un gouvernement de transition. Leur responsabilité sera de veiller à ce que les aspirations et les espoirs des étudiants soient pris en compte dans la construction d’un Bangladesh nouveau. La représentation de la société civile et des dirigeants politiques sera garantie, à l’exception du régime fasciste au pouvoir depuis 16 ans et de ses bénéficiaires. »
En réalité, les étudiants révolutionnaires et les travailleurs mobilisés, qui ont obtenu cette victoire, devraient être la seule composante de tout gouvernement de transition. Les chefs de l’armée ne rêvent que de pouvoir intégrer une poignée de dirigeants étudiants à un gouvernement bourgeois, dont ils tireraient les ficelles. Cela leur donnerait le vernis de légitimité populaire qui leur manque. Quant aux partis d’opposition, comme le BNP, ils représentent le même système que Hasina et défendent comme elle les intérêts de la grande bourgeoisie. Pour ce qui est de la soi-disant « société civile », un bon nombre de ses composantes – comme les fédérations patronales – ont appuyé Hasina quand elle était au pouvoir, car elle défendait un ordre qui leur était favorable et dans lequel ils pouvaient exploiter les travailleurs à outrance.
La révolution a divisé le Bangladesh en deux camps irréconciliables : d’un côté, les étudiants révolutionnaires et les travailleurs ; de l’autre, la clique de Hasina, la grande bourgeoisie et les sommets de l’appareil d’Etat. Il n’y a pas de compromis possible, ni de troisième voie. Les étudiants et les travailleurs ne doivent avoir confiance qu’en leurs propres forces et prendre le pouvoir !
Comment garantir la victoire ?
La voie a déjà été tracée par le mouvement lui-même. Les étudiants et les travailleurs ont démontré leur grande capacité d’organisation. Ils ont d’ores et déjà commencé à créer des comités de lutte partout dans le pays.
La grève générale doit se poursuivre. Ses dirigeants doivent appeler les masses à étendre les comités pour constituer un réseau qui couvrirait toutes les usines, tous les quartiers, toutes les universités et tous les lycées. Les soldats du rang doivent créer leurs propres comités, sans participation des officiers, pour pouvoir surveiller et enrayer les manœuvres des chefs de l’armée.
Ces comités doivent prendre le pouvoir des mains des patrons dans les usines, et remplacer les tribunaux et la police du régime, pour pouvoir libérer les camarades emprisonnés sans attendre le bon vouloir d’un magistrat lié à la Ligue Awami, le parti d’Hasina.
Une fois ces comités structurés dans chaque ville, chaque région et jusqu’à l’échelle nationale, il serait facile d’arracher le pouvoir à l’appareil d’Etat corrompu – que Hasina a présidé durant 16 ans – et de le transférer aux comités de travailleurs et d’étudiants.
Le pouvoir serait alors entre les mains de ceux qui créent réellement toute la richesse de la société, plutôt qu’entre celles de la clique de parasites qui a écrasé la nation depuis son indépendance. Un tel pouvoir révolutionnaire pourrait exproprier les richesses de ces tyrans et celles des multinationales qui les appuient et qui sont la véritable source de leur pouvoir.
Cela seul permettrait de mener cette mobilisation révolutionnaire à son terme. Le Bangladesh deviendrait alors un exemple révolutionnaire et une source d’inspiration pour tout le sous-continent indien et pour le monde entier.
A bas le système de Hasina !
Aucune confiance en l’armée ! Aucune confiance dans les partis bourgeois !
Tout le pouvoir aux comités d’ouvriers et d’étudiants !
Travailleurs de tous les pays, unissez-vous !