Depuis la fin du mois d’août, les protestations se multiplient dans la région autonome de Mongolie-Intérieure, en Chine. Cela fait suite à l’annonce d’une réforme brutale des programmes scolaires, qui réduit drastiquement la proportion d’enseignement en mongol, au profit du mandarin.
Mi-septembre, plus de 300 000 élèves mongols refusaient de se rendre en classe. Les autorités chinoises ont alors posé un ultimatum aux élèves : le 17 septembre, tous ceux qui ne seraient pas retournés à l’école seraient renvoyés et ne pourraient pas passer l’examen national d’entrée à l’université. En outre, leurs parents seraient interdits de prêt bancaire pendant 5 ans. A l’heure où nous écrivons ces lignes (24 septembre), nous ignorons si le régime a mis ses menaces à exécution.
Historiquement, plusieurs provinces habitées par des minorités ethniques, en Chine, se sont vues accorder le statut de « région autonome ». Elles bénéficient d’une relative indépendance administrative et financière. Le pouvoir politique y reste aux mains de Pékin et du Parti communiste chinois (PCC) [1], mais les droits fondamentaux des minorités y sont relativement respectés, d’habitude, et notamment le droit à une éducation dans leur propre langue.
Le contenu de la réforme
En Mongolie-Intérieure, la minorité mongole représente 4,2 millions de personnes, soit environ 17 % de la population. Jusqu’alors, le programme scolaire permettait aux élèves concernés de faire l’ensemble de leur apprentissage en mongol, tandis que le mandarin était introduit plus tard, comme sujet d’étude distinct. La nouvelle politique éducative remet tout cela en cause. D’ici 2022, elle prévoit d’imposer le mandarin pour l’apprentissage de l’histoire, de la politique et de la littérature. Concernant l’étude du mandarin lui-même, les manuels bilingues (mandarin/mongol) seront remplacés, dès cet automne, par des manuels rédigés uniquement en mandarin.
Les enseignants jouent un rôle clé dans l’actuel mouvement de protestation. Nombre d’entre eux subissent, en représailles, le harcèlement quotidien des autorités. En plus d’être préoccupés par la préservation de leur langue, ces enseignants s’inquiètent pour leur emploi, car beaucoup ne sont pas qualifiés pour enseigner leur discipline en mandarin.
Cette réforme est une attaque évidente contre les droits de la minorité nationale mongole, dans le contexte d’une recrudescence du nationalisme Han, l’ethnie majoritaire en Chine. Bien qu’il n’y ait pas de mouvement nationaliste d’ampleur parmi les Mongols de Chine, ils sont farouchement attachés à leur langue et à sa préservation. Tant que l’Etat chinois respectait la langue et la culture mongoles, cette minorité nationale soutenait – fût-ce passivement – les autorités centrales. Ce n’est plus le cas.
La question nationale
Les protestataires se défendent d’être séparatistes : ils ne remettent pas en cause le pouvoir central du PCC, mais critiquent une réforme qui s’attaque brutalement aux droits des minorités nationales.
Par le passé, la Mongolie-Intérieure était considérée comme une « région autonome modèle ». Le régime du PCC n’y rencontrait presque aucune résistance ; la bureaucratie locale du parti parvenait à calmer les dissidences en obtenant des concessions de l’Etat. Il s’agissait d’une période où les compromis étaient encore possibles.
Cependant, comme nous le voyons dans le monde entier, la crise du capitalisme accentue les divisions sociales et les contradictions de classe. Pour maintenir la stabilité du pouvoir, la classe dirigeante chinoise et le PCC s’appuient de plus en plus sur le chauvinisme Han. Les politiques nationalistes se succèdent et renforcent le contrôle du gouvernement central – au détriment des intérêts régionaux et des minorités nationales.
Le professeur Hu Angang, de l’université de Tsinghua, a été le premier – en 2011 – à développer l’idée d’une « seconde génération de politique ethnique ». Il considère que la Chine devrait supprimer l’ensemble du système d’autonomies nationales, afin de « libérer la croissance du marché » et de « renforcer la cohésion nationale ». Ses idées réactionnaires sont en vogue dans la direction du PCC depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping.
Les exemples récents se multiplient. Par exemple, le projet de construction des « nouvelles routes de la soie », qui vise à faire du Xinjiang une route commerciale de premier ordre, s’est accompagné d’une répression massive des populations Ouïghour. A Hong-Kong, la volonté de mettre fin à l’accord « un pays, deux systèmes », a remis en cause les droits démocratiques dont jouissaient les Hongkongais. Dans ces conflits, les médias d’Etat insistent sur l’importance de « l’intégration ». En amplifiant ainsi les antagonismes ethniques, le régime de Xi joue avec le feu, car il suscite de nouvelles oppositions à l’intérieur de ses frontières.
Il est urgent de lier ces luttes à celles du reste des travailleurs et des pauvres dans les régions autonomes comme dans le reste de la Chine. Il faut passer par-dessus les divisions nationales entretenues par le PCC, pour construire un mouvement basé sur la solidarité de classe et capable de lutter contre l’ennemi commun : le capitalisme chinois.
[1] Malgré le nom du parti au pouvoir, le régime chinois est capitaliste. A ce sujet, lire nos articles sur marxiste.org (rubrique « International/Asie/Chine »)