Pour la première fois depuis des décennies (si l’on excepte la pandémie de COVID), la croissance annuelle de l’économie chinoise pourrait être inférieure à 5 %. Et, d’après le FMI, si ce seuil symbolique a finalement été atteint de justesse en 2024, il ne le sera probablement pas en 2025. Ce ralentissement est un signe clair de la profonde crise du capitalisme chinois.

Endettement et surproduction

Après la crise de 2008, le gouvernement chinois a injecté des sommes pharaoniques dans l’économie et repris à son compte une partie importante de la dette des entreprises. Cela a permis de relancer provisoirement la croissance, mais a aussi posé les bases de la crise actuelle. L’endettement a atteint 291 % du PIB en 2022 ! Par ailleurs, cette injection d’argent public a retardé l’éclatement d’une crise de surproduction, mais elle ne l’a pas empêchée. Aujourd’hui, cette crise est d’autant plus lourde que la surproduction a été aggravée par plus d’une décennie de mesures de « relance ».

Un nombre croissant d’entreprises chinoises n’arrivent plus à rembourser l’argent qu’elles ont emprunté car elles n’arrivent plus à vendre leurs marchandises. Le cas du géant de l’immobilier Evergrande, endetté de plus de 300 milliards de dollars et placé en liquidation judiciaire en début d’année, n’est que la face visible de cet iceberg de dettes.

Pour maintenir leurs profits, de nombreux patrons limitent leurs pertes en retardant le paiement des salaires, en licenciant massivement ou en mettant carrément la clé sous la porte. Le taux de chômage a brutalement augmenté, particulièrement chez les jeunes chez qui il a atteint les 18,8 % en août 2024.

L’économie chinoise est aussi menacée par l’aggravation des mesures protectionnistes. Donald Trump a annoncé la mise en place de nouveaux tarifs douaniers astronomiques pour les marchandises chinoises, y compris celles produites par des entreprises chinoises implantées à l’étranger (par exemple au Mexique). L’Union Européenne a elle aussi mis en place de nouvelles taxes contre les marchandises chinoises.

Dans ce contexte, le gouvernement chinois a annoncé ces derniers mois une série de mesures de relance, qui mêlent de nouvelles injections d’argent public à des mesures d’austérité brutales. En septembre, l’Assemblée nationale populaire a voté l’augmentation de 2 à 5 ans de l’âge de départ à la retraite. Toutes ces mesures ne suffiront pas à enrayer la crise profonde qui menace le capitalisme chinois. Mais les attaques contre la classe ouvrière posent les bases d’une intensification de la lutte des classes.

Désespoir et lutte des classes

Pendant des décennies, un des piliers de la stabilité du régime était que le niveau de vie moyen de la population s’améliorait constamment. Les jeunes Chinois pouvaient espérer vivre mieux que leurs parents. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

Cette situation pousse un nombre croissant de Chinois à sombrer dans le désespoir. Le nombre de suicides parmi les jeunes et les adolescents a ainsi brutalement augmenté ces dernières années. Ce désespoir est aussi perceptible à travers la hausse inédite des meurtres de masses ces derniers mois. Début novembre, deux attaques meurtrières ont eu lieu en moins d’une semaine : le 12 novembre à Zhuhai, un homme de 62 ans a tenté de se suicider après avoir foncé en voiture dans une foule et tué 35 personnes ; le 16 novembre, c’est un étudiant désespéré par ses conditions de travail et d’études qui tuait 8 personnes devant une école de Yixing. Plusieurs attaques similaires ont eu lieu durant l’année écoulée.

Ce désespoir n’est qu’une des facettes de l’impact de la crise sur la population chinoise. Une profonde colère mûrit contre le régime. Il n’est pas anodin qu’après chacune de ces attaques, le gouvernement ait tenté d’empêcher les commémorations sur les réseaux sociaux. Il sait que n’importe quel événement dramatique peut être l’étincelle qui provoquera un mouvement de masse. Après les attaques meurtrières de novembre, de nombreux internautes n’en ont pas moins bravé la censure pour souligner la responsabilité du gouvernement dans la crise économique qui a nourri le désespoir des meurtriers.

Cette méfiance du régime prend parfois des aspects presque comiques. Cet automne, un groupe d’étudiants de Zhengzhou a ainsi organisé des virées nocturnes à vélo de 60 kilomètres pour aller manger des guan tang bao, une spécialité locale de Kaifeng. Leur idée a eu un succès inattendu et plus de 100 000 personnes se sont rassemblées pour y participer. Alors qu’il avait initialement soutenu cette initiative « bonne pour le tourisme », le gouvernement local a ensuite sombré dans une profonde panique et a fait interdire l’événement début novembre, de peur que ce rassemblement de masse ne se transforme en manifestation contre le régime. Dans le Henan, les universités ont même interdit la circulation à vélo sur les campus !

Aucune mesure répressive ne pourra pourtant empêcher la profonde colère accumulée dans la société d’exploser. La classe ouvrière chinoise est la plus puissante du monde. Lorsqu’elle entrera en action, rien ne pourra l’arrêter.                                                                     

 

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