L’Allemagne a été secouée par sa plus grande grève depuis 30 ans. Le 27 mars, pas une roue n’a tourné dans le pays. Popularisée sous le nom de « méga-grève », cette journée de lutte a entièrement paralysé le secteur du transport allemand. C’est un tournant dans le développement de la lutte des classes en Allemagne.
Cette soudaine et puissante offensive de la classe ouvrière allemande n’est pas une surprise. Tous les ingrédients en étaient réunis. Les travailleurs allemands ont été touchés successivement par la pandémie, les conséquences de la guerre en Ukraine et l’inflation croissante. Officiellement, l’inflation a atteint 8,7 % en février. Mais le prix de l’énergie a augmenté de plus de 19 % et celui des denrées alimentaires de près de 22 %.
Les deux syndicats à l’initiative de cette grève, Verdi (deuxième syndicat du pays) et EVG (syndicat des transports), demandent respectivement des hausses de salaire de 10,5 et 12 %. Ces augmentations ne feraient que restaurer l’ancien niveau de vie des travailleurs. De son côté, le patronat du secteur n’a proposé que 5,5 % d’augmentation, ce qui a été considéré comme une provocation par les 155 000 grévistes en lutte, le 27 mars.
Humeur combative
Cette « méga-grève » a été précédée par une série de grèves plus modestes qui ont débouché sur un certain nombre de victoires partielles, mais très significatives. Par exemple, le vote d’une grève illimitée par 86 % des membres du syndicat des postiers lui a permis d’arracher une hausse des salaires de 11,5 % pour les travailleurs de ce secteur.
Dans les manifestations et sur les piquets de la « méga-grève », l’humeur était combative. Les grévistes scandaient des slogans tels que : « nous ne paierons pas votre crise ! ». Fait très significatif, un élan de solidarité avec les grévistes parcourt le pays. Plus de 55 % de la population approuvait la grève des transports, malgré une vaste campagne des grands médias bourgeois contre les grévistes et leurs syndicats.
Cependant, en dépit de l’humeur radicale des travailleurs, les directions syndicales étaient réticentes à organiser cette « méga-grève ». Elles sont effrayées par l’atmosphère explosive qui règne dans le pays et craignent que la situation ne leur échappe. Par exemple, les dirigeants d’EVG ont exclu toute nouvelle action avant Pâques. Cela représente deux semaines à vide pour des milliers de travailleurs galvanisés par leur plus grande grève de ces 30 dernières années.
Les dirigeants syndicaux n’ont pas l’intention de s’appuyer sur le succès de la « méga-grève » pour développer la lutte. Cependant, la classe dirigeante est lucide et ne manque pas de faire des allusions à la situation en France. Même si la grève allemande n’a pas atteint l’ampleur de nos mobilisations contre la réforme des retraites, il est clair que la lutte des travailleurs français a un impact sur la conscience de la classe ouvrière et de la jeunesse en Allemagne.
La faillite de la social-démocratie
Sans surprise, le parti social-démocrate au pouvoir s’est ouvertement opposé à la grève. Cette attitude reflète la subordination de ses dirigeants aux impératifs de la bourgeoisie allemande.
En début d’année, le chancelier Olaf Scholz annonçait un « tournant ». Selon lui, la guerre en Ukraine avait ouvert une nouvelle époque dans laquelle l’Allemagne devait renforcer ses intérêts par une campagne de réarmement. En 2022, le parlement allemand a voté une augmentation du budget de la défense de 100 milliards d’euros. La classe dirigeante allemande est de plus en plus impliquée dans la guerre en Ukraine, sous la forme de livraisons d’armes et de chars. Or cette guerre a eu d’importantes répercussions sur les prix de l’énergie, frappant l’industrie et impactant durement les travailleurs.
L’Allemagne est un pays clé en Europe et sur le marché mondial. L’aggravation de la crise du capitalisme allemand aura d’importantes répercussions sur ses voisins malades. De même, le réveil de la classe ouvrière allemande aura un impact dans toute l’Europe. La grande grève du 27 mars en a révélé le potentiel.
Les revendications légitimes des travailleurs allemands ne pourront être satisfaites que par une intensification de la lutte des classes. A cette fin, le mouvement doit être élargi et les différentes couches de la classe ouvrière unifiées dans une lutte commune contre la bourgeoisie. Le soi-disant « dialogue social » prôné par les dirigeants syndicaux ne peut mener qu’aux défaites et trahisons.
L’Allemagne est au seuil d’une période de luttes colossales. Elles auront besoin d’une direction consciente des tâches qui l’attendent. Les actuels dirigeants du mouvement ouvrier allemand ne sont pas du tout à la hauteur de la situation. Alors que les travailleurs commencent à se mobiliser sous l’impact de la crise du capitalisme, il est urgent de construire, en Allemagne, une puissante organisation marxiste. C’est la tâche que s’est fixée la section allemande de la TMI !