Le 6 avril dernier, la Grèce a été partiellement paralysée par une grève générale de 24 heures, qui revendiquait notamment des augmentations de salaire et diverses mesures contre l’impact de l’inflation.
Des centaines de milliers de travailleurs ont répondu à l’appel de la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE) et de la Confédération des fonctionnaires (ADEDY). A Athènes et dans 70 autres villes du pays, les manifestations ont réuni plusieurs dizaines de milliers de salariés, de chômeurs et de jeunes.
L’ampleur de la grève
Dans de nombreux secteurs, la production a été complètement arrêtée, avec des taux de grévistes allant jusqu’à 100 %, notamment dans le bâtiment et l’agro-alimentaire. La grève a mobilisé 70 % des salariés de la presse et des médias en général. Dans les transports, les employeurs ont exigé l’application du « service minimum », conformément aux dispositions de la contre-réforme du Code du travail adoptée en juin 2021. Mais cette pression n’a pas fait plier les grévistes. Il n’y a pas eu de « service minimum ».
Pas un navire n’a quitté les principaux ports du pays. Nombre d’usines et de supermarchés étaient fermés. La plupart des écoles n’ont pas pu accueillir d’élèves. La classe ouvrière grecque a rappelé qu’elle fait tourner l’économie du pays. Cette grève générale – la deuxième en moins d’un an – témoigne de la fermentation en cours dans les masses, qui vivent un calvaire depuis la crise de 2008.
La hausse des prix, au cours des derniers mois, a accentué la dégradation du pouvoir d’achat des travailleurs. Selon une étude de l’INE-GSEE, 60 % des employés du secteur privé déclarent avoir été contraints de réduire leur consommation en denrées alimentaires de base. 74 % d’entre eux disent la même chose pour le chauffage et 80 % pour les loisirs. Le mot d’ordre avancé par les syndicats est révélateur de la détresse économique de la population : « Nos salaires ne suffisent pas, nous ne pouvons pas payer les factures ».
La « relance » promise par le gouvernement de droite a consisté à donner des dizaines de milliards d’euros aux grandes entreprises, sous forme de financements directs ou de prêts à taux zéro. Les travailleurs, eux, n’ont eu que des miettes, de petites aides à la consommation d’électricité et d’essence, qui ne compensent même pas la hausse des prix. L’indifférence du gouvernement vis-à-vis de la baisse du niveau de vie de l’immense majorité des Grecs est flagrante. Elle nourrit l’intensification des luttes ouvrières.
Le rôle des directions syndicales
Ceci dit, la grève du 6 avril n’était pas aussi « générale » qu’elle aurait pu l’être. Certaines couches du salariat se sont faiblement mobilisées. Ce fut le cas, en particulier, des employés de bureau et des travailleurs de la restauration. Leurs entreprises, où les syndicats sont moins bien implantés, sont globalement restées à l’écart du mouvement. Il ne s’agit pas tant d’un manque de conscience ou de combativité que d’une plus grande vulnérabilité de ces salariés face à leurs employeurs, en l’absence d’une protection syndicale forte.
La stratégie des directions syndicales est aussi en cause. Il apparaît de plus en plus clairement qu’une grève générale de 24 heures, aussi massive soit-elle, n’est qu’une mobilisation symbolique si elle n’est pas suivie d’un prolongement et d’une extension de la lutte. Or les directions syndicales se contentent de tels « tirs à blanc » pour donner l’impression de faire quelque chose, en espérant canaliser ainsi la colère de leurs bases. De ce fait, beaucoup de travailleurs précaires jugent inutile de prendre les risques qu’implique une grève de 24 heures. En outre, nombre d’entre eux ne peuvent pas se permettre de perdre une journée de salaire « pour rien ».
Ceci étant dit, on observe une nette radicalisation de la classe ouvrière grecque. En témoignent la résistance des travailleurs des transports (contre le « service minimum »), celle des salariés de Lidl (qui ont prolongé leur grève au-delà du 6 avril, pendant 48 heures), ou encore l’adoption de revendications anti-impérialistes par les cheminots de l’entreprise TRAINOSE. Ils ont refusé de contribuer à la livraison d’armes au gouvernement ukrainien.
Le PAME, qui est la confédération syndicale la plus à gauche, a réuni les plus gros cortèges de manifestants à Athènes, à Thessalonique, Patras, Larissa et Volos. Cependant, s’il réunit les forces les plus militantes de la classe ouvrière, le PAME demeure freiné par sa direction, qui refuse de préparer un véritable plan de lutte. La seule perspective qu’elle a proposée, pour la suite du mouvement, c’est la manifestation du 1er mai, 25 jours après la grève du 6 avril.
Il faut en finir avec les appels vagues – et jamais suivis d’effets – à « intensifier la lutte ». Il faut passer de la parole aux actes. Des AG doivent être convoquées, dans toutes les entreprises, pour faire le bilan du 6 avril. Une grève de 48 heures doit être mise à l’ordre du jour, dans la perspective de préparer une grève générale illimitée.