La zone euro traverse la plus grave crise de toute son histoire. Après la Grèce, c’est l’Italie qui attise la panique des dirigeants européens. La dette publique du pays culmine à 1900 milliards d’euros (120 % du PIB). Les taux d’intérêts à 10 ans de ses emprunts d’Etat se sont envolés à près de 7 %, c’est-à-dire le niveau à partir duquel l’Irlande et le Portugal ont dû accepter le « sauvetage » du FMI et de l’UE. Les plans de rigueur successifs et les achats massifs de dette italienne par la BCE n’y changent rien : les vautours des marchés s’intéressent chaque jour un peu plus à l’économie italienne.
La crise grecque était déjà une catastrophe pour l’Union Européenne. La crise italienne pourrait lui porter un coup fatal. L’Italie est la troisième économie de l’UE et la sixième puissance mondiale en termes de production industrielle. Elle est « trop grosse pour être sauvée », selon l’expression des économistes bourgeois. Autrement dit, elle ne pourra pas être placée sous transfusion du FMI et de la BCE, comme c’est le cas de la Grèce. Les sommes en jeu sont trop importantes. Mais en même temps, une faillite de l’Etat italien aurait des effets dévastateurs sur l’économie européenne – et bien au-delà. Par exemple, les banques allemandes possèdent 116 milliards de dollars de dette italienne (contre « seulement » 17 milliards de dette grecque). L’idée d’« isoler » les pays les plus endettés pour protéger les autres est absurde. Toutes les économies de l’UE sont si étroitement liées les unes aux autres que la chute d’une seule d’entre elles risque d’entraîner toutes les autres.
L’hebdomadaire britannique The Economist – qu’on ne peut soupçonner d’exagérer la gravité de la situation – en tire la conclusion suivante : « Rien, désormais, ne pourra prévenir une crise de la dette italienne. Les taux d’intérêts vont se fixer à un niveau très supérieur à ce qu’ils étaient avant la crise. […] Les agences de notation vont certainement dégrader le pays. Si sa dette continue de s’aggraver, l’Italie finira par n’avoir plus accès aux marchés. Ses banques deviendront vulnérables, car ses clients et créditeurs tireront la conclusion que l’Etat n’est plus solvable. La contagion s’étendra au reste de l’Europe. On approche de la fin. »
Régression sociale
Les marchés exigeaient le départ de Berlusconi. Mario Monti, le nouveau premier ministre, promet d’engager une nouvelle série d’attaques brutales contre les conditions de vie de la vaste majorité de la population. Son programme lui a été dicté dès le mois d’août dernier dans un courrier adressé par la direction de la BCE au gouvernement italien de l’époque. Il s’agit de couper massivement dans les dépenses publiques et les effectifs de la fonction publique, de baisser les salaires des fonctionnaires, d’attaquer une nouvelle fois les retraites, de dénoncer les conventions collectives et de « réviser complètement les conditions d’embauche et de licenciement des travailleurs ».
Ceci pose deux types de problèmes, du point de vue même des capitalistes. Premièrement, cette politique risque d’aggraver la récession en minant la demande – et donc d’accroître la dette publique au lieu de la diminuer, faute de rentrées fiscales suffisantes. Deuxièmement, il ne faut pas s’imaginer que les travailleurs italiens accepteront sans réagir de subir une régression sociale aussi sévère. Comme leurs frères et sœurs grecs, ils ont de grandes traditions de lutte. La « résignation » que croit détecter la presse capitaliste est une illusion d’optique. D’énormes quantités de colère et de frustration se sont accumulées dans les profondeurs du pays. Elles ne tarderont pas à exploser. La grève générale du 6 septembre et la manifestation massive du 15 octobre qui a réuni 500 000 personnes, à Rome, sont des avertissements très sérieux de la confrontation qui se prépare entre la classe ouvrière et les capitalistes italiens.
Le Parti Démocrate et Refondation Communiste
Cependant, force est de reconnaitre que les organisations de la classe ouvrière italienne – et plus exactement leur direction – ne sont pas à la hauteur de la situation. Au terme d’une longue dérive droitière, l’ancien Parti Communiste Italien a fini par fusionner avec différents partis capitalistes pour former le Parti Démocrate (PD). Dans la perspective des prochaines élections législatives, le PD se présente à la classe dirigeante comme celui qui sera le mieux à même de mener les contre-réformes draconiennes qu’exigent les marchés internationaux. Par exemple, lors du vote sur le budget, le 8 novembre, les députés du PD se sont abstenus, ce qui leur permettait de placer Berlusconi dans une position intenable – mais sans pour autant faire obstacle à l’adoption du budget de rigueur.
A gauche du Parti Démocrate, le Parti de la Refondation Communiste (PRC) n’est pas encore sorti d’une longue crise provoquée par toute une série d’erreurs de ses dirigeants successifs. A plusieurs reprises, ces vingt dernières années, soit ils ont soutenu des gouvernements de « centre gauche » (qui privatisaient, etc.), soit ils ont carrément participé à ces gouvernements. Lors du dernier congrès du PRC, en juillet 2008, Paolo Ferrero a conquis la direction du parti en s’engageant à ne plus enfermer le parti dans des coalitions mortifères avec le soi-disant « centre gauche ». Mais depuis, les dirigeants du PRC sont de nouveau repartis vers la droite. Derrière des montagnes de précautions oratoires, ils cherchent à orienter le parti vers une forme d’alliance avec le Parti Démocrate.
Membres du PRC, nos camarades du journal marxiste Falce Martello s’opposent fermement à cette ligne. A l’occasion du 8e congrès du parti, qui se tiendra en décembre, ils présentent un texte alternatif intitulé Pour un parti de classe. C’est le seul texte alternatif de ce congrès, face à celui de la direction. Nos camarades y développent un programme communiste qui relie étroitement les revendications immédiates à la nécessité d’en finir avec le système capitaliste.