Nous publions ci-dessous un article de notre camarade Claudio Bellotti (photo), membre du secrétariat national du Parti de la Refondation Communiste (PRC), en Italie, et rédacteur en chef de Falce Martello, le journal de l’aile marxiste du PRC. Ce texte figurait dans le « 4-pages » que nous avons diffusé à des milliers d’exemplaires, sur la Fête de l’Humanité.
Chers camarades,
A l’occasion de cette Fête de l’Humanité, les camarades de La Riposte m’ont demandé de m’exprimer sur le mouvement communiste italien. Je le fais d’autant plus volontiers que, selon moi, l’évolution du mouvement communiste, en Italie, renferme de précieuses leçons pour nos camarades du PCF. Bien sûr, c’est vrai dans les deux sens. C’est pour cela qu’il est important de développer les discussions entre militants communistes des différents pays. Nous avons tous beaucoup à y apprendre.
Après la Seconde Guerre mondiale, le Parti Communiste Italien (PCI) était le plus puissant Parti Communiste d’Europe occidentale. Cependant, au terme d’une longue dérive réformiste et nationaliste, les dirigeants du PCI ont dissout le parti, en 1991, dans un nouveau parti social-démocrate : le PDS. Puis, en 2007, le PDS a fusionné avec un parti du « Centre » – dirigé par d’anciens Chrétiens-démocrates et d’autres représentants du capitalisme italien – pour constituer un nouveau parti bourgeois : le Parti Démocrate. Telle est la courbe que dessina la complète faillite politique des dirigeants de l’ex-PCI.
En 1991, cependant, une minorité du PCI refusa de se dissoudre et constitua le PRC. Dans un premier temps, le PRC bénéficia des grandes mobilisations sociales contre les attaques du patronat et des gouvernements bourgeois qui se succédaient, à la tête du pays. La base électorale et militante du PRC se développa rapidement. Mais dans le même temps, les dirigeants du parti subissaient de plein fouet les pressions du capitalisme et de la contre-révolution idéologique qui s’est ouverte au lendemain de l’effondrement de l’URSS et des régimes prétendument « socialistes » d’Europe de l’Est. En 2006, le PRC franchit le Rubicon en participant au gouvernement capitaliste de Romano Prodi, qui mena une politique de régression sociale sur toute la ligne. Le PRC le paya au prix fort. Lors des élections de 2008, la coalition que dirigeait le PRC recueillait 3,1% des voix – contre 7% pour le seul PRC, en 2006. En récompense de la « modération » et de la « modernité » réformiste de ses dirigeants, le PRC perdait tous ses députés, au Parlement.
Fausto Bertinotti, alors secrétaire national du PRC, en tira la conclusion que le parti était… trop à gauche ! Il proposa de liquider le PRC au profit d’une nouvelle formation aux contours politiques vagues, dans laquelle les idées communistes occuperaient la position d’une « tendance culturelle », selon sa propre formule. C’en était trop. La pression de la base fut telle que la majorité explosa, au sommet du parti. Sous l’impulsion de Paolo Ferrero, une section significative de la direction sortante s’opposa à Bertinotti. Elle reconnut que la participation au gouvernement Prodi était une erreur, rejeta le projet de liquider le parti et fit campagne pour un « virage à gauche » du PRC. Cela impliquait notamment le refus de toute alliance électorale avec le Parti Démocrate.
Telle était la situation à la veille du Congrès national de juillet 2008. En dépit de son contrôle de l’appareil et du soutien des médias capitalistes, Bertinotti ne réunit que 47,3% des suffrages militants, lors du vote sur les documents de congrès. Le document de Ferrero recueillit 40,2% des voix. Les trois autres documents – dont celui des marxistes de Falce Martello – totalisaient 12,4% des voix. Ces trois courants s’allièrent à Ferrero pour constituer une nouvelle majorité. Bertinotti et les autres dirigeants liquidateurs étaient battus. Ferrero fut élu secrétaire national du parti. Les militants de Falce Martello ont joué un rôle décisif, dans ce tournant. Sans notre alliance avec Ferrero, l’aile droite aurait conservé la direction du parti.
L’issue de ce congrès a été accueillie avec soulagement par beaucoup de militants, et souvent aussi avec enthousiasme, notamment parmi ceux qui commençaient à se détacher du parti, qui ne voyaient plus l’intérêt d’y rester. Des camarades ont repris leur carte. En soi, c’était déjà un développement très positif. Cependant, nous avons immédiatement prévenu que ce congrès marquait l’amorce d’un « tournant à gauche » – et rien de plus. Il s’agissait essentiellement d’un virage à gauche dans le texte, qu’il fallait prolonger par un virage à gauche dans les actes. Le PRC a besoin d’un programme offensif contre le capitalisme. Il faut orienter toute l’énergie du parti vers les entreprises et les syndicats, de façon à reconstruire les liens – qui s’étaient gravement distendus – entre le parti et la classe ouvrière italienne.
Un an après le congrès de juillet 2008, le bilan est mitigé. Certes, le PRC a commencé à renouer avec une couche de militants syndicaux qui s’en étaient écartés. Un certain nombre de jeunes ouvriers se tournent vers le parti. Mais le problème du programme et des idées du parti demeure entier, et c’est un problème décisif. La crise du capitalisme sape les bases matérielles du réformisme de gauche. A l’heure où le patronat supprime des centaines de milliers d’emplois, il faut lutter pour mobiliser la classe ouvrière sur le programme de l’expropriation et de la nationalisation, sous le contrôle des travailleurs, des principaux leviers de l’économie, à commencer par les entreprises menacées de fermetures ou de délocalisations.
Après le virage à gauche de juillet 2008, Paolo Ferrero et ses proches amorcent désormais un virage à droite. Ils relancent le projet d’une vague « Fédération » de gauche, dont le PRC serait une composante. Dans le même temps, ils proposent d’ouvrir la direction du parti aux éléments les plus à droite de l’appareil. Tous ces développements suscitent de l’inquiétude, dans les rangs du parti. Pour notre part, nous poursuivrons notre lutte pour implanter le PRC dans la jeunesse et les entreprises – et pour le doter d’un programme marxiste, le seul qui soit à la hauteur des enjeux de notre époque.
Camarades, j’ai suivi de près l’évolution du PCF, j’en ai souvent discuté avec vos camarades de La Riposte – et je suis certain que nombre d’entre vous se disent, en me lisant : « nous avons les mêmes problèmes, au PCF ». Ce n’est pas un hasard. Bien sûr, chaque Parti Communiste évolue dans un milieu national qui a ses particularités, son histoire et ses traditions propres. Mais des processus internationaux ont marqué l’évolution de pratiquement tous les partis communistes, à travers le monde. Une page doit se tourner : celle qui, au lendemain de la chute de l’URSS, a vu les directions de nombreux PC rallier « l’économie de marché » et liquider l’héritage théorique du marxisme. La crise actuelle du capitalisme est une confirmation des idées et des perspectives fondamentales du communisme. En France comme en Italie, les communistes doivent lutter pour réarmer leur parti avec ces idées. Les 15% de voix qui se sont portées sur le texte de La Riposte, lors de votre dernier congrès, sont un pas très encourageant dans cette direction.
Je vous ai dit que le congrès du PRC, en juillet 2008, avait marqué le début d’un tournant à gauche de notre parti. Un tournant à gauche du PCF est également possible et nécessaire. Le mouvement ouvrier français en sortirait plus fort et mieux armé. Mais cela aurait également un impact très important sur le mouvement communiste international – à commencer par le PRC, en Italie.
La tâche qui nous attend n’est pas facile. L’ennemi de classe est puissant. Mais son système en faillite prépare de grandes mobilisations révolutionnaires. Or, rien ne résiste à la puissance de la classe ouvrière lorsqu’elle se met en mouvement – avec, à sa tête, des idées et un programme justes.
Bon travail, bonnes luttes et bonne Fête de l’Humanité !