L’Italie a été ébranlée par un conflit frontal entre le gouvernement de Berlusconi et les syndicats, dont, en particulier, la CGIL. Ce conflit couvait depuis la victoire de la droite aux législatives, le 13 mai 2001. Mais ses origines remontent à la période d’avant les élections. En juillet 2000, les métallos de la CGIL se sont distingués des autres syndicats en appelant à une grève nationale de la métallurgie pour le 6 juillet. Ensuite, il y a eu les manifestations de Gènes, en juillet 2001. Immédiatement après les élections de mai 2001, la droite a "déclaré la guerre" à tous les secteurs de la société italienne. Il y a eu la remise en cause de l’article 18 du Code du Travail, qui prévoit qu’un salarié licencié pourra être réintégré par un tribunal prud’homal. Les travailleurs immigrés ont été particulièrement visés par les dispositifs du gouvernement. Le gouvernement a aussi fait savoir qu’il comptait s’attaquer à l’éducation publique, ainsi qu’à la législation sur le droit d’avortement.
Durant la deuxième moitié de 2001, les syndicats ont réagi à cette situation. Puis, à partir de décembre 2001, ils ont commencé à organiser toute une série de grèves sectorielles. En janvier, ils ont organisé, dans différentes régions, des grèves de 4 heures, aboutissant, le 29 janvier dernier, à une grève de 4 heures touchant huit régions et mobilisant un total de 500 000 manifestants.
Alors que la CGIL refusait de négocier avec le gouvernement sur la question de l’article 18, les dirigeants des deux autres centrales s’engageaient dans des négociations, proposant que les "réformes" du gouvernement soit validées en échange d’une légère augmentation des indemnités de chômage - ainsi qu’une augmentation de leurs propres revenus, via leur plus grande intégration dans l’appareil d’État. Le 15 février, lors de la conférence nationale de la CGIL, la direction s’est prononcée en faveur d’une grève générale, avec ou sans les autres syndicats. Une manifestation massive a été organisée par la CGIL à Rome, le 23 mars, pour préparer cette grève générale. Entre deux et trois millions de personnes - il est impossible de donner un chiffre plus précis - ont participé à cette journée ! Face à l’énorme ampleur de la mobilisation, les deux autres centrales syndicales ont changé de position, se rapprochant de la CGIL, et la grève générale, qui devait avoir lieu le 5 avril, à été reportée au 16 avril, pour mieux préparer une action désormais commune. La grève a été un franc succès, avec 12 millions de grévistes !
Par la suite, de longues négociations ont eu lieu au sujet de l’article 18 du Code du Travail - sans la CGIL. Finalement, le 6 juillet, le gouvernement a signé un accord conclu entre la CISL, l’UIL et la Confindustia (le MEDEF italien). Cet accord stipule que l’article 18 est "suspendu à titre expérimental" pour une période de 3 ans, dans les petites entreprises dont le nombre de salariés dépassera la quinzaine au cours de cette période. Il s’agissait, pour le gouvernement, d’ouvrir une brèche. Dès le 20 juin, c’est-à-dire avant même la signature de cet accord, la CGIL, qui a refusé de le signer, a de nouveau organisé une série de grèves et de manifestations locales.
Bien d’autres conflits sociaux et politiques ont eu lieu en Italie au cours des douze derniers mois. D’importantes manifestations d’étudiants ont eu lieu en novembre et décembre 2001, un conflit a éclaté entre les juges et le gouvernement, dont plusieurs membres, à commencer par Berlusconi, sont accusés de corruption, et enfin les travailleurs immigrés se sont mobilisés à plusieurs reprises contre une nouvelle loi stipulant que le droit de résider en Italie est désormais lié au fait de travailler : ainsi, un travailleur immigré qui se fait licencier court le risque de se faire expulser du pays au bout de quelques mois. Cette loi réduit les travailleurs immigrés au rang d’esclaves. A la mi-janvier, une manifestation hostile à cette loi a ressemblé environ cent mille personnes - dont à peu près la moitié étaient des travailleurs immigrés. En outre, les immigrés travaillant dans l’industrie ont organisé des grèves locales sur ce thème, avec l’appui des syndicats.
La CGIL sort d’une décennie de "partenariat social" avec le patronat et ses représentants, dont les conséquences ont été catastrophiques pour les salariés italiens. C’est largement à cause de cette politique conciliante que, d’après les données de la Banque d’Italie, la part des richesses revenant aux travailleurs dans le revenu national a chuté de 10% au cours de la dernière décennie.
Dernièrement, on sentait que, sur les lieux de travail, l’humeur des salariés était en train de changer. Cela s’est traduit dans des mouvements de grève spontanés et dans la syndicalisation accrue des travailleurs précaires. A cette pression d’en bas s’ajoute un autre facteur, puisque, après le cuisant échec électoral du centre gauche, il y a aussi, de la part de la direction de la CGIL, la volonté de renforcer sa crédibilité, et de reconquérir, dans l’action, le soutien des salariés. C’est l’interaction de ces deux facteurs qui explique la radicalisation de la CGIL.
Claudio Bellotti,Comité Exécutif National,P.R.C. (Parti de la Réfondation Communiste - Rifondazione Comunista)