Au fur et à mesure de la fonte de la banquise de l’Arctique, les grandes puissances avancent leurs pions pour le contrôle des routes maritimes qui s’ouvrent – et pour les richesses désormais accessibles.
La Russie a annoncé l’année dernière la construction de bases navales pour faire stationner ses vaisseaux de guerre sur la route maritime nord-est qui longe les côtes russes. Le Canada et les Etats-Unis sont aussi à la manœuvre pour le contrôle de cette région stratégique, de même que des Etats comme la Norvège ou le Danemark. La Chine elle aussi s’est invitée récemment dans la partie, réclamant le statut d’observateur permanent au Conseil de l’Arctique, composé de huit nations arctiques : le Canada, les Etats-Unis, la Russie, la Suède, le Danemark (Groenland), la Norvège, la Finlande et l’Islande.
La Chine fait campagne auprès du Danemark, de la Suède et de l’Islande à coup d’accords commerciaux lucratifs. Elle s’intéresse particulièrement au Groenland pour le compte d’entreprises de l’industrie minière, qui veulent y amener 5000 travailleurs chinois (sur une population de 60 000 habitants). En effet, le recul de la banquise donne accès à une grande quantité de minerais, en particulier des terres rares, ressources stratégiques pour la fabrication de nouvelles technologies comme les téléphones mobiles ou les équipements militaires. On estime qu’une seule région du Groenland concentrerait 20 % des terres rares du globe.
Les Etats-Unis ont une base de l’US Air-Force sur l’île. Et leur secrétaire d’Etat Thomas R. Nides déclarait récemment que « l’Arctique est une nouvelle frontière dans leur politique étrangère ». Autrement dit, « l’Arctique est à nous ! ».
De son côté, le commissaire européen à l’industrie, Antonio Tajani, s’est rendu au Groenland pour proposer des millions d’euros d’aides diverses en échange de garanties empêchant la Chine d’avoir l’exclusivité sur l’accès aux terres rares.
La Chine, par la voix du vice-amiral de la marine Yin Zhuo, a déclaré que « l’Arctique appartient à tous les peuples du monde » et que « la Chine doit avoir sa part des ressources de la région ». En juillet dernier, elle a envoyé en Islande le plus grand briseur de glace du monde en empruntant la route nord-est, le long des côtes russes, sur un voyage de 17 000 km. Le contrôle de cette route stratégique est d’une importance cruciale. Par exemple, la route de Yokohama (Japon) vers Rotterdam (Hollande) fait moins de 13 000 km, contre 21 000 km par le canal de Suez. La Chine souhaiterait implanter une base navale en Islande, qui serait un port central pour une route maritime entre l’est et l’ouest.
Tous les Etats concernés renforcent leur présence militaire dans la région. Les Etats-Unis ont cependant un avantage militaire décisif, sous la forme d’une flotte de sous-marins modernes bien équipés. C’est pourquoi le président russe Vladimir Poutine a annoncé la construction de huit nouveaux sous-marins nucléaires d’ici 2020. La Russie a aussi annoncé la création d’une brigade d’infanterie mobile, la « brigade arctique », basée à la frontière norvégienne.
En septembre dernier, les militaires canadiens ont révélé leur plan d’acheter des drones pour un milliard de dollars, dans le but de protéger les intérêts du Canada dans cette région.
Même la Norvège affiche ses prétentions, en annonçant le renforcement de sa deuxième armée, rebaptisée le « bataillon arctique ». Le gouvernement norvégien prévoit également de s’équiper de 52 nouveaux avions de combat F35 en 2017.
Si une guerre à grande échelle pour le contrôle de l’Arctique est exclue, du fait de ses implications incontrôlables et cataclysmiques, chaque puissance veut marquer son territoire, quitte à provoquer des escarmouches, comme il y en a eu entre le Danemark et le Canada.