La crise économique mondiale déclenchée par la pandémie est d’une ampleur inédite en temps de paix. Pourtant, dès que le « déconfinement » a commencé, les propagandistes de la bourgeoisie ont commencé à parler de « reprise économique ». Puisque la crise n’était, selon eux, qu’une conséquence de la pandémie (et rien d’autre), elle devait naturellement s’achever avec elle. Début août, la Banque de France traçait même la perspective d’une reprise « très progressive », avant un « retour à la normale ».
Une crise « accidentelle » ?
La réalité sera toute autre, même en laissant de côté l’hypothèse d’une deuxième vague de l’épidémie. De quelle « normalité » pourrait-il s’agir lorsque des centaines de milliers d’emplois ont été supprimés depuis le mois de mars, en France, et que des centaines de milliers d’autres sont menacés à court terme ? Les capitalistes se bercent d’illusions ou, plus souvent, espèrent endormir les travailleurs avec des promesses d’un avenir radieux (les fameux « jours heureux » de Macron).
Cette crise est bien plus profonde que la plupart des analystes bourgeois ne le disent. Comme nous l’avons déjà expliqué à maintes reprises, le Covid-19 n’en a été que l’élément déclencheur. Rien n’avait été réglé depuis la crise de 2008. Au contraire, tous les éléments d’une nouvelle récession majeure s’étaient accumulés : la dette mondiale a augmenté au point qu’elle représentait – avant la crise sanitaire – près de 240 % du PIB de la planète ; la spéculation a atteint des sommets, multipliant les « bulles », notamment dans l’immobilier ; les mesures protectionnistes se sont multipliées. Il ne manquait qu’une étincelle pour transformer cette montagne de matériaux inflammables en un brasier – et c’est le rôle qu’a joué la crise sanitaire.
Qui va payer la dette ?
Comme en 2008, la bourgeoisie a répondu à la crise par une dépense massive d’argent public. La Réserve fédérale américaine a injecté près de 12 000 milliards de dollars dans son économie. En France, le gouvernement a immédiatement dépensé des dizaines de milliards d’euros (auxquels vont s’ajouter les 100 milliards du « plan de relance »). Ce faisant, il a évité un effondrement complet de l’économie, mais au prix de faire s’envoler la dette publique à des niveaux inédits et insoutenables.
Cette dette ne peut pas grandir indéfiniment. Tôt ou tard, quelqu’un devra la payer et, partout, les gouvernements bourgeois se préparent donc à présenter l’addition aux travailleurs, aux jeunes, aux retraités et aux classes moyennes. Au lieu de « jours heureux », c’est l’austérité généralisée qui attend la masse de la population. Le nouveau gouvernement Castex a été très clair : les réformes des retraites et de l’assurance-chômage ne sont repoussées que temporairement ; elles vont s’appliquer dès l’année prochaine.
Dans le même temps, les entreprises lâchent du lest en espérant amortir le choc de la crise. On voit s’accumuler les annonces de licenciements massifs. Aux Etats-Unis, le taux de chômage a été multiplié par trois depuis le mois de mars. En France, les procédures de « plan social » annoncées, à ce jour, prévoient un total de 30 000 licenciements. D’autres vont être annoncés dans les prochaines semaines. A cela s’ajoutent les centaines de « petites » procédures de licenciements collectifs – et les centaines de milliers d’intérimaires qui ont vu leurs missions s’arrêter.
Tensions internationales
A l’échelle internationale, la récession va provoquer une accélération des crises diplomatiques et militaires, sur fonds de lutte acharnée des classes dirigeantes nationales pour des parts de marché – et pour « exporter le chômage » (protectionnisme). En août, Donald Trump a annoncé une nouvelle vague de mesures protectionnistes. Il a déclaré la guerre au réseau social chinois TikTok. Cela a provoqué la riposte immédiate du gouvernement chinois, avec des mesures visant l’entreprise américaine Apple.
Les guerres ne seront pas seulement commerciales. On observe déjà une flambée des tensions militaires, par exemple autour de la délimitation des eaux territoriales (et donc des zones commerciales exclusives) en Méditerranée orientale. Même si un affrontement militaire direct entre grandes puissances est exclu à court terme, pour des raisons que nous avons expliquées ailleurs [1], les affrontements « par procuration » entre les puissances impérialistes ne peuvent que se multiplier.
Ainsi, la « normalité » que nous promet la Banque de France sera différente de celle d’avant la crise. Ce sera une nouvelle normalité, faite d’une augmentation brutale du chômage et de la précarité, sur fond de guerre générale contre les pauvres, en France comme ailleurs. En conséquence, la jeunesse et la classe ouvrière de tous les pays n’auront pas d’autre choix que reprendre le chemin des luttes massives. Mais elles le feront en tenant compte de l’expérience accumulée depuis 2008, expérience marquée par toute une série d’explosion de la lutte des classes. Celle-ci va donc se développer à un niveau supérieur. Dans ce domaine aussi, il n’y aura pas de « retour à la normale ».
[1] Dans nos Perspectives mondiales 2018.