Le 36e Congrès du PCF a eu deux conséquences importantes. Premièrement, l’adoption du texte présenté par la direction – Il est grand temps de rallumer les étoiles – a réaffirmé le caractère réformiste de sa politique. Deuxièmement, la préparation du congrès et le déroulement du congrès lui-même ont démontré on ne peut plus clairement la nécessité d’une démocratisation en profondeur du parti.
Dans un contexte de profonde crise sociale et économique, il aurait fallu que la direction du PCF propose une alternative claire au système actuel, fixant l’attention des travailleurs et de la jeunesse sur la nécessité d’en finir avec la propriété capitaliste des banques et des grands groupes capitalistes qui dominent le pays et qui sont à l’origine de la crise. Tant que les capitalistes conserveront leur emprise sur l’économie – et donc sur la société toute entière –, il ne sera pas possible d’en finir avec le chômage de masse, la précarité, la désindustrialisation et la régression sociale. Nos luttes quotidiennes pour la défense de l’emploi, pour de meilleures conditions de logement, pour la santé, pour l’éducation et contre les mille et une injustices du capitalisme doivent être liées à cet objectif révolutionnaire et communiste.
Or, Il est grand temps de rallumer les étoiles défend une politique radicalement différente. Il dénonce les conséquences du capitalisme, mais se limite à des réformes superficielles qui ne remettent pas en cause l’existence de ce système. Il se refuse de définir l’objectif central, le « projet de société » du parti. Ses auteurs imaginent – de façon quasiment mystique – un processus graduel de « dépassement du capitalisme », mais ne donnent aucune idée de ce qu’ils voudraient mettre à la place de ce système. Le texte regorge de bons sentiments, d’humanisme, de considérations morales abstraites. Mais ce « lyrisme » ne parvient pas à masquer l’absence de programme, de perspectives et de théorie qui constitue le trait essentiel du texte.
Les idées marxistes défendues dans le texte Combattre l’austérité, en finir avec le capitalisme, à la différence des deux autres textes alternatifs, n’auront pas de représentants au nouveau Conseil National, comme elles n’en avaient pas, non plus, à l’ancien. Par cette discrimination flagrante, la direction pense pouvoir marginaliser les idées en question. Mais il n’en sera rien. La décision de refuser la moindre représentation aux militants qui ont soutenu ce texte n’est certainement pas de nature à les faire renoncer à leurs idées marxistes, d’autant plus que l’expérience collective des communistes et du mouvement ouvrier tendra à confirmer leur validité. En même temps, cette décision ne fait que souligner – et non seulement auprès des camarades qui ont voté pour ce texte – l’urgence de démocratiser les structures et les pratiques du parti à tous les niveaux. Dans les mois qui viennent, les auteurs du texte proposeront une série de mesures concrètes dans ce sens. Nous invitons dès aujourd’hui les militants du parti à nous faire part de leurs idées et propositions à ce sujet.
Restrictions sur l’expression d’opinions
Les dispositions des nouveaux statuts relatives aux textes alternatifs et aux listes alternatives constituent une restriction de l’expression démocratique dans le parti. Désormais, les textes alternatifs devront être signés par 300 membres du parti au lieu de 200 précédemment. En soi, ce ne serait pas un problème majeur, mais ce le sera dans la pratique, en raison du comportement anti-démocratique de la direction à l’égard des camarades qui présentent des textes alternatifs.
Le droit de présenter des textes alternatifs est un acquis démocratique précieux. Les camarades qui se reconnaissent dans la politique et les bases théoriques de la direction ne ressentent pas le besoin de présenter des textes alternatifs. Mais ceux qui considèrent que cette politique, dans son ensemble, n’est pas satisfaisante, ont la possibilité de rédiger un texte alternatif présentant une orientation différente.
Encore faut-il que le traitement des textes soit équitable et démocratique. Dans les faits, jusqu’à la publication des textes alternatifs, toute la communication interne du parti, ses sites web, ses journaux et publications sont exclusivement au service du texte de la direction. Les textes alternatifs ne sont publiés que quelques jours seulement avant les débats dans les sections.
Cela veut dire que les camarades qui proposent un texte alternatif ne disposent que de très peu de temps pour rédiger et publier leur texte et surtout qu’ils ne peuvent compter que sur leurs propres moyens pour le faire connaître et collecter les signatures nécessaires. Est-ce vraiment trop demander à la direction qu’elle informe les adhérents de l’existence de ces textes pour qu’ils puissent les lire et, s’ils le souhaitent, les signer ? Apparemment oui !
A cette inégalité flagrante de moyens mis à la disposition des différents textes, s’ajoutent désormais d’autres tracasseries administratives. Non seulement le nombre de signatures requis passe de 200 à 300, mais il faudra que chaque signataire fournisse lui-même la preuve écrite de son appartenance au PCF et du versement de sa cotisation, sous la forme d’un certificat délivré par les trésoriers. Puisque ces trésoriers, pour pouvoir livrer ces certificats, sont nécessairement au courant de qui est membre du parti et qui ne l’est pas, à quoi sert cette nouvelle contrainte administrative, si ce n’est à alourdir gratuitement la tâche de ceux qui veulent présenter des textes alternatifs ?
Il en va de même pour la présentation de listes alternatives. Le pourcentage de délégués nécessaires à la présentation d’une liste alternative passe de 5 % à 10 %. Pendant le congrès, Jean-Jacques Karman (Seine Saint-Denis), qui a défendu le texte alternatif n°1, a protesté contre cette restriction en expliquant qu’elle signifie que des listes alternatives deviennent pratiquement impossibles, désormais. Il a raison. Le mode de désignation des délégués au congrès étant plus ou moins étroitement contrôlé par les instances dirigeantes du parti, les délégués qui soutiennent les textes alternatifs sont présents dans des proportions beaucoup plus réduites que le soutien qui existe pour ces textes dans le parti. Ainsi, au congrès qui vient d’avoir lieu, les textes alternatifs ont recueilli 25 % des voix dans les sections, mais n’avaient collectivement que 7 % des délégués dans le congrès.
L’argument de la direction, selon lequel le raidissement des conditions permettant la présentation de listes alternatives servirait à vérifier la représentativité des listes en question, ne résiste pas à l’examen. En 2008, deux textes alternatifs ont été présentés, recueillant entre eux non moins de 40 % des voix ! Cette fois-ci, les trois textes oppositionnels en ont recueilli 25 %, ce qui est toujours un pourcentage très important. La « représentativité » des opposants est prouvée d’avance par ces résultats.
Le traitement des amendements
L’ un des arguments principaux avancés par la direction du parti pour inciter les militants à voter pourRallumer les étoiles – malgré l’accueil plutôt mitigé de ce texte dans les sections et les cellules du parti – était que sa rédaction était « volontairement floue », afin de permettre aux militants de base de l’améliorer par le biais des amendements. Dans le dernier numéro du journal La Riposte, nous écrivions : « De très nombreux militants qui ont voté pour le texte de la direction portaient un jugement extrêmement sévère sur son contenu. A cela, les représentants de la direction répondaient que leur texte n’avait rien de définitif, qu’il était même "volontairement flou", et qu’il devait être amélioré par des amendements. Les camarades qui sont tombés dans ce piège ne savent pas – ou s’ils le savent, ont choisi d’oublier – qu’avec le mode de fonctionnement actuel du parti, des amendements issus des sections que la direction désapprouve n’ont pratiquement aucune chance d’être adoptés en congrès national. Nous pouvons dire d’ores et déjà que même si tel concept ou telle formulation sera éventuellement modifié dans la "base commune" par le congrès national, le barrage filtrant des commissions et la façon dont les délégations au congrès national sont déterminées exclut d’avance toute modification significative de son contenu ».
Et voilà que nous nous retrouvons – malgré l’adoption de plusieurs milliers d’amendements dans les sections et de plusieurs centaines dans les congrès départementaux – avec un texte « amendé » dont le contenu politique est quasiment identique au texte original et toujours aussi « flou ». Les commissions mises en place dans les fédérations et au niveau national disposent de pouvoirs très étendus. De fait, il est pratiquement impossible à la base du parti de pouvoir modifier le texte de la direction nationale, surtout si le contenu des amendements ne lui convient pas.
Les amendements qui sont acceptés par ces commissions sont intégrés d’office, de sorte que la rédaction initiale disparaît du texte présenté aux congrès fédéraux ou, à l’étape suivante, au congrès national. Par contre, les amendements qui ne plaisent pas aux commissions disparaissent, eux aussi, et les commissions ne les portent pas à la connaissance des délégués. Ainsi les commissions agissent comme des « barrages filtrants » qui protègent la direction de la nécessité de prendre publiquement position sur des amendements gênants.
Par exemple, la fédération de Paris a adopté un amendement présenté par au moins deux sections (Paris 10 et Paris 17) sur la nationalisation les banques [1]. La direction fédérale a accepté cet amendement. Mais la commission mise en place par la direction nationale, hostile à cette revendication, n’a pas retenu l’amendement, n’a pas informé les délégués au congrès national de son existence et n’a pas eu à motiver son rejet. Pour le reste, la méthode qui consiste à voter pour valider en bloc des pans entiers du texte « en l’état » – c’est-à-dire modifiés par les commissions – plutôt que sur des amendements spécifiques, a pour résultat final un texte qui ne diffère de l’original que sur quelques détails, essentiellement des reformulations.
Comment le CN a été composé et voté
Congrès après congrès, les textes produits par la direction du PCF évoquent la nécessité – et, implicitement, sa propre volonté – de démocratiser le parti. C’est reconnaître tacitement ce que tous les militants du parti savent déjà, à savoir que les procédures internes actuellement en vigueur accordent trop de pouvoir aux instances dirigeantes. Au niveau des sections et des cellules, même si la situation peut varier considérablement, le fonctionnement du parti est dans l’ensemble assez démocratique. Tous les points de vue sont entendus et les désaccords sont tranchés par un vote, si nécessaire. Au niveau fédéral et national, cependant, les procédures ne sont pas du tout les mêmes. Mais peu de militants se rendent compte de l’ampleur du problème. La préparation et le déroulement du 36e Congrès fournissent une nouvelle illustration du caractère complètement anti-démocratique des méthodes employées par la direction.
Comment expliquer que le Conseil National du PCF puisse être élu – ou plutôt plébiscité – par 100 % des congressistes ? L’explication est très simple : les congressistes n’avaient aucun moyen de voter contre ! Une commission, nommée par la direction nationale, a établi une liste de noms pour le CN. Cette liste sert aussi de « bulletin de vote ». Marie-Georges Buffet a expliqué la procédure à suivre aux congressistes. Pour approuver la liste, il fallait placer la feuille dans l’urne. Elle a précisé que tout bulletin sur lequel il y aurait des noms rayés ou d’autres inscriptions de quelque nature que ce soit serait considéré comme nul. Mais il n’y avait aucun moyen de voter contre. On votait pour ou l’on ne votait pas. Ainsi, le score de 100 % était garanti d’avance !
La commission élabore sa liste de la façon la plus arbitraire, en faisant totalement abstraction des idées politiques exprimées dans les débats et les votes sur les textes alternatifs. La base du parti, pas plus que les instances fédérales, n’a aucune prise là-dessus. Les délégués ne prennent connaissance de la liste qu’en début de congrès. A défaut de pouvoir présenter une liste alternative dans les 48 heures, c’est à prendre ou à laisser !
Jusqu’à présent, la commission devait toutefois tenir compte de certaines pressions – dont notamment la menace de « listes alternatives » de la part des signataires des textes alternatifs. Refuser des places aux représentants de ces textes exposait la direction à devoir leur céder encore plus de places, si jamais la liste alternative réalisait un score significatif. Mais compte tenu des nouveaux statuts, cette option n’existera pratiquement plus. Désormais, la direction pourra désigner les membres du nouveau CN en fonction de ses propres intérêts et indépendamment de toute autre considération. Les statuts précisent que la « composition de la liste doit assurer la juste représentation des différentes opinions exprimées dans les débats » et que « tous les efforts » doivent être faits pour réaliser cet objectif. Mais la direction ne tient pas compte de cette recommandation.
En présentant la liste au Congrès, Jacques Chabalier a affirmé que la commission avait « intégré toutes les sensibilités » au CN. L’Humanité a également repris cette affirmation à son compte. Mais ce n’est pas vrai. Chabalier a abusé de la confiance des congressistes. Les interventions de Joseph Coutant, de la fédération des Deux-Sèvres, et de Greg Oxley, de la fédération parisienne, ont interpellé la direction sur ce point [voir ci-dessous].
Au final, la liste pour le renouvellement du CN comportait 12 signataires de textes alternatifs, dont 8 pour le texte alternatif n°1 (Burricand/Karman) et 4 pour le texte n°3 (Dang Tran/Jalade). Ces textes ont obtenu respectivement 11 % et 5,8 % des voix.
Le texte n°2 (Métellus/ Oxley), avec 10 % des voix, a obtenu un peu moins que le premier texte. Mais aucun des trois candidats signataires de ce texte n’a été retenu sur la liste du CN.
Intervention de G O (Paris 10e)
Dans un grand parti comme le PCF, des divergences d’opinions sont normales et sans doute inévitables. La question est de savoir comment nous devons travailler avec ces divergences. Je ne connais qu’une seule méthode réellement efficace : le dialogue, la discussion, l’échange fraternel et démocratique à tous les niveaux du parti. Tous les points de vue doivent être entendus et débattus.
Le texte alternatif n°2, intitulé Combattre l’austérité, en finir avec le capitalisme a obtenu 10 % des voix dans les sections du parti. Et pourtant, contrairement à ce qui a été affirmé ici, aucun signataire ou défenseur de ce texte ne se trouve sur la liste du Conseil National proposée par la commission.
Il y avait trois textes alternatifs. Le premier a obtenu 11 % des voix et ses signataires sont au nombre de 8 sur la liste proposée. Le troisième texte a obtenu 5,8 %, représenté par 4 membres sur la liste. Mais le texte n°2, avec près de deux fois plus de voix, à 10 %, n’a aucun représentant.
Ceci n’est pas la bonne méthode. Parmi les candidatures reçues, il y avait trois signataires de ce texte. Vous pouviez retenir tous les trois, deux sur trois ou même un seul. Mais franchement, si vous n’en retenez aucun, c’est quelque chose qui ne sera pas compris à la base du parti, et je ne parle pas seulement des camarades qui ont été pour notre texte.
Encore une fois, tous les points de vue doivent être entendus au CN. Je voudrais citer les statuts, qui stipulent que la liste doit « assurer la juste représentation des différentes opinions exprimées dans les débats » et que « tous les efforts » doivent être faits pour réaliser cet objectif. Or, je ne vois pas cette « juste représentation » dans la liste qui est proposée. Par conséquent, je demande à la commission de revoir son attitude envers le texte alternatif n°2, pour que les idées soutenues par les quelque 3400 communistes qui ont voté pour ce texte puissent trouver une expression au CN. C’est ainsi que nous contribuerons au renforcement du parti et au rassemblement de tous les communistes. Car au-delà des divergences qui existent entre nous, nous avons un seul adversaire commun : le système capitaliste.
Intervention de Joseph coutant (Niort)
Y aurait-il de bons communistes et de mauvais communistes ? Pourquoi cette question ?
Me concernant, j’ai adhéré au Parti Communiste en 1973 : quarante années de fidélité et d’engagement militant. Cela s’est traduit à nouveau dernièrement par mon implication au sein du comité de campagne de la 1ère circonscription des Deux-Sèvres lors des dernières élections législatives, campagne démarrée en janvier. Le travail fait collectivement n’a pas dû être mauvais puisque la camarade candidate PCF-Front de Gauche a fait un score de 9,39 % sur la circonscription et 11% sur la ville de Niort, résultat jamais atteint depuis 1981.
Cela dit, j’ai, pour ma part, et d’autres militants de mon département aussi, choisi de voter pour un texte alternatif, le texte n°2 intitulé Combattre l’austérité, en finir avec le capitalisme.
Ce texte a recueilli 10,05 % des voix lors de la consultation sur le choix de la base commune. Parmi les camarades porteurs de ce texte, trois ont fait acte de candidature au CN. Aucun de ces camarades n’a vu sa candidature retenue ; c’est le seul texte alternatif qui n’a aucun candidat retenu. Cela contredit ce qu’a dit le camarade Chabalier dans son rapport, selon lequel les textes alternatifs sont tous représentés. Ou dans ce cas, qu’il donne les noms.
Je trouve personnellement que c’est un mépris, pas seulement pour moi mais pour les 3378 communistes qui ont fait le choix de ce texte. Seraient-ils de moins bons communistes ?
Dans le projet que nous avons voté, nous disons que « nous voulons être un parti d’émancipation où l’on trouve à grandir et à s’épanouir, où le sens de l’engagement de chacune et chacun se partage et s’enrichit de celui des autres ». N’est-ce pas le cas aussi avec d’autres militants au sein du Front de Gauche ?
Hier après-midi, parlant du groupe de la Gauche Unitaire Européenne, Pierre Laurent disait qu’il fallait travailler avec les différences des partis. Alors, ce qui est possible avec d’autres ne le serait pas avec des militants de notre propre parti ? Pourquoi ? Le congrès trouve-t-il cette situation normale ? J’aimerais une réponse avant le passage au vote.
La rédaction
[1] Amendement sur la nationalisation des banques adopté par la Fédération de Paris :
« La crise actuelle du capitalisme a ouvert les yeux des peuples sur le rôle complètement destructeur et parasitaire des banques capitalistes. Ils entendent qu’il n’y a pas d’argent pour financer les retraites, les écoles, les hôpitaux et autres services publics, mais constatent qu’il est possible de trouver des centaines de milliards d’euros pour renflouer les banques. Dans ce contexte, il est urgent d’arracher le secteur bancaire au contrôle des capitalistes, de placer la nationalisation des banques – avec une gestion démocratique, cette fois-ci – au cœur des revendications du PCF ».