La question centrale qui se pose aux militants du PCF est celle du programme du parti, de son projet de société. Or à ce jour, aussi étonnant que cela puisse paraître, le parti n’a pas de programme formellement établi. Dans la pratique, cependant, un parti politique a toujours un programme, même s’il n’a pas été officiellement adopté en tant que tel. Il s’exprime dans les prises de position successives du parti sur les questions concrètes qui se posent, dans les propositions qu’il avance au jour le jour et dans son action sur le terrain. D’ailleurs, c’est précisément à partir du comportement au quotidien d’un parti que les travailleurs, les jeunes, les chômeurs et les retraités se font une idée de son véritable programme, indépendamment de ce qui se trouve dans ses textes et déclarations officielles.
Toujours est-il qu’au cours des années 90, les instances dirigeantes du parti n’ont pas voulu s’engager publiquement sur un programme politique clairement défini. Ce faisant, elles évitaient de se lier les mains et naviguaient à vue, au gré des circonstances et des engagements gouvernementaux du moment. Aujourd’hui, le sentiment qui prédomine auprès de la majorité des militants du PCF est que depuis trop longtemps, justement, le parti « navigue à vue », sans gouvernail programmatique, et qu’il est grand temps de le doter d’un programme qui établisse, aussi clairement que possible, non seulement ses revendications immédiates pour combattre la régression sociale, mais aussi son projet de société, c’est-à-dire les moyens qu’il propose pour en finir avec le système capitaliste.
La publication récente des 27 objectifs pour un programme politique résolument à gauche représente une tentative de répondre à cette attente. Cependant, si ce document comporte un certain nombre de points positifs qu’il faudrait retenir dans le programme définitif du parti, la ligne générale des 27 objectifsn’est pas à la hauteur du défi que doit relever le PCF face à la gravité de la crise du capitalisme et à ses conséquences dramatiques pour les travailleurs et les jeunes de notre pays.
Une bien curieuse méthode
Avant d’entrer dans le détail des 27 objectifs, il faut peut-être dire un mot sur la méthode particulièrement curieuse que propose la direction du parti pour élaborer le programme. Dans le préambule du texte, on précise que, dans tout le pays, « vont se tenir ... des forums-programme ouverts à tous ceux qui veulent que ça change : hommes et femmes, militants et organisations politiques, syndicales et associatives » qui souhaitent y participer. « Il s’agira, dans le plein respect de nos diversités d’opinions et de parcours militants, de construire ensemble un programme politique pour une véritable alternative de progrès social et démocratique. Chacun y aura des droits égaux pour proposer et décider. Pour sa part, le Parti Communiste verse ses propositions au débat. » Il est prévu de rendre public le programme ainsi élaboré à la suite d’un grand rassemblement des délégués élus par ces forums-programme, qui devrait avoir lieu en novembre prochain.
Cette méthode n’est pas la bonne. L’élaboration du programme que défendra le PCF est tout d’abord l’affaire des membres du parti. C’est à eux, en premier lieu, que reviennent le droit et le devoir de fixer ses orientations programmatiques. Or, comme le précise le préambule, ces forums-programme seront ouverts à tout le monde. Autrement dit, ces forums seront largement composés de membres actifs d’autres partis et organisations - PS, LCR, ATTAC, écologistes, etc. - ou encore d’individus qui ne représentent qu’eux-mêmes, de sorte que les adhérents du PCF risquent de se retrouver souvent minoritaires. C’est donc à ce « tout le monde » aux contours politiques indéfinissables que les adhérents du PCF devraient, selon le schéma présenté, confier l’élaboration du programme de leur propre parti ! C’est là de toute évidence une procédure parfaitement anti-démocratique, qui revient à déposséder les adhérents du Parti Communiste de leurs droits les plus élémentaires.
Les 27 objectifs, nous explique-t-on, sont « versés au débat » dans ces forums qui, selon la couleur politique plus ou moins accidentelle de chaque forum, adopteront ou n’adopteront pas les différents éléments du texte. Le PCF annonce ainsi une ébauche de programme, tout en précisant d’emblée qu’elle sera aussitôt transformée à la faveur de ce qui émergera des forums ! On « verse » un verre de vin dans un grand sceau d’eau, en déclarant d’avance que les communistes accepteront de boire le mélange qui en résulte. De deux choses l’une. Soit l’ébauche de programme que représentent les 27 objectifs constitue une alternative sérieuse au capitalisme, et dans ce cas, pourquoi le soumettre à la transformation aléatoire des « forums » ? Soit elle ne constitue pas une telle alternative, et dans ce cas, pourquoi l’avoir rédigée ?
Une rupture avec le capitalisme ?
Venons-en au contenu politique des 27 objectifs. De nombreuses revendications qui figurent dans cette plate-forme sont tout à fait justes, comme par exemple l’augmentation du SMIC à 1400 euros pour 35 heures hebdomadaires, une revalorisation générale des salaires, l’augmentation des taux d’indemnisation du chômage, des mesures pour lutter contre la pauvreté - et notamment contre les expulsions et les coupures de gaz et d’électricité -, le droit de vote des étrangers, ou encore l’abrogation des « réformes » mises en œuvre par la droite dans le domaine des retraites, de la santé et du temps de travail.
Cependant, le document a pour principal défaut d’esquiver la question qui devrait normalement occuper la place centrale d’un programme qui se veut communiste, à savoir la question de la nécessité de mettre fin à la propriété privée des grands moyens de production et d’échange. C’est bien évidemment le fait d’être les propriétaires des banques et des grands moyens de production qui constitue la source du pouvoir des capitalistes, et l’absence de mesures susceptibles d’y mettre fin réduit le programme à une tentative de résoudre les problèmes créés par le système capitaliste dans le cadre même de ce système. D’entrée de jeu, le texte se fixe comme objectif de rompre, non pas avec le capitalisme, mais avec le « libéralisme ». Or, qu’est-ce que le libéralisme, au juste ? De manière générale, on peut considérer que ce terme se rapporte aux politiques qui visent à augmenter la « liberté » des capitalistes au détriment de la collectivité - privatisations, déréglementation, etc. - et qui favorisent la soumission de toute la vie économique et sociale à la recherche du profit privé. Faut-il s’opposer à ce libéralisme ? Oui, bien évidemment. Cependant, une politique « anti-libérale », ou même « anti-capitaliste », n’est pas encore un programme communiste. Notre lutte contre la baisse des salaires ou l’allongement de la semaine du travail pourrait être qualifiée d’anti-capitaliste, en ce sens qu’elle va directement à l’encontre des intérêts capitalistes. Cependant, un programme qui se limite à ce genre de revendication, sans établir la nécessité de mettre fin à la propriété capitaliste des grands moyens de production, ne saurait être qualifié de communiste. C’est là toute la différence entre le réformisme et une politique révolutionnaire.
Le projet « sécurité d’emploi ou de formation »
Le premier point des 27 objectifs concerne la lutte contre le chômage. Les employeurs, précise-t-il, « prennent prétexte des progrès technologiques, des changements rapides de la production, pour exiger la casse du code du travail et de la sécurité de l’emploi. Ce sont des choix anti-sociaux, et à courte vue. Il est au contraire possible d’aller vers la disparition de toutes formes de chômage et de précarité en conciliant sécurité de vie, hausse des qualifications et efficacité. »
S’ensuivent trois propositions qui, nous dit-on, aboutiraient à la mise en place d’un « système de sécurité d’emploi ou de formation assurant à chacun un emploi, ou une formation pour revenir par la suite à un meilleur emploi, avec une garantie de bons revenus et de droits. » Ces trois propositions sont : 1) « de nouveaux types de contrats de travail », dans lesquels il sera stipulé qu’en cas de perte de son emploi, le salarié bénéficiera d’une formation avec le maintien de son revenu ; 2) la mise en place de « nouvelles institutions » pour « organiser le passage sans chômage d’un emploi à un autre ou d’un emploi à une formation » ; 3) des récompenses financières, selon un barème de « bonus-malus », pour les employeurs qui feraient « des efforts réels pour l’emploi, la formation, les salaires », ainsi que des crédits à très bas taux au profit des employeurs réalisant des « investissements créateurs d’emplois. »
En somme, le projet « sécurité d’emploi ou de formation » prévoit la prise en charge par l’Etat d’une partie du salaire du travailleur, par le biais d’un bonus accordé à l’employeur. « Si vous embauchez », dit-on aux capitalistes, « vous pourrez non seulement exploiter le salarié pour en tirer un profit, mais en plus, en reconnaissance de votre geste, nous vous verserons une prime. De cette manière, le profit que vous tirerez de chaque heure de travail sera plus important. »
Ainsi, les auteurs de ce programme prétendent qu’il est entièrement possible, non seulement de réduire, mais de complètement éliminer le chômage et la précarité de l’emploi - et donc toute la misère sociale qu’ils impliquent - simplement au moyen de diverses aides financières accordées aux capitalistes. Si cette stupéfiante découverte s’avérait correcte, quelle tragédie, pour les travailleurs de France et du monde entier, qu’on l’ait attendue si longtemps !
Malheureusement, cette approche n’a absolument rien de nouveau. Au contraire, c’est une méthode qui se pratique à une échelle massive et depuis des décennies, ce qui n’a pas empêché le chômage d’atteindre des proportions catastrophiques. Et la véritable tragédie, c’est que ce projet fait totalement abstraction de la lutte des classes et des mécanismes fondamentaux de l’économie capitaliste. Du point de vue des capitalistes, qui sont les propriétaires des moyens de production et d’échange, la production et l’activité économique en général ne se justifient que par les profits qu’elles leur rapportent. Le chômage de masse est une preuve on ne peut plus accablante de l’incapacité du capitalisme à répondre aux besoins les plus élémentaires de la population.
Le rôle d’une entreprise capitaliste n’est pas de créer des emplois, mais au contraire, en un sens, d’en créer le moins possible. Il ne s’agit pas là d’une « logique », c’est-à-dire d’une façon de penser, mais d’une loi incontournable du fonctionnement du capitalisme. En conséquence, si un capitaliste voulait « rompre avec la logique capitaliste », il finirait tout simplement par faire faillite. C’est pour cette raison qu’il est incorrect de poser le problème du chômage et de la régression sociale en terme de « choix anti-sociaux » ou d’une quelconque « logique capitaliste ». Certes, le capitaliste à sa manière de voir les choses, ou sa « logique », si on préfère. Mais celle-ci ne tombe pas du ciel. Elle a été façonnée par les exigences du mode de fonctionnement objectif du système capitaliste.
Eliminer le chômage... sous le capitalisme ?
En lisant les 27 objectifs, on peut difficilement éviter l’impression que, d’après ses auteurs, les capitalistes voudraient en finir avec le chômage, mais ont besoin pour cela d’un petit coup de main. Or, en réalité, l’existence du chômage de masse est tout à fait conforme aux intérêts des capitalistes. Le sort des chômeurs ne leur importe guère. Par contre, les conditions de vie des chômeurs incitent ceux qui ont la « chance » d’avoir un emploi à accepter docilement de bas salaires et de mauvaises conditions de travail. Et plus la condition du chômeur est misérable, plus cette intimidation est forte. C’est notamment pour cela que la droite et le MEDEF sont constamment scandalisés par le niveau « trop élevé » des indemnités accordées aux chômeurs.
Dans quelles circonstances un employeur décide-t-il d’embaucher ? Est-ce quand le gouvernement lui promet un « bonus », ou bien le menace d’un « malus » ? Non, cela n’a rien à voir. Il embauche uniquement quand il estime que le travail du salarié est susceptible de générer du profit.
Prenons, par exemple, le cas d’un capitaliste qui ouvre un supermarché. Il va décider du nombre d’heures de travail dont il aura besoin, en le réduisant au strict minimum, en dessous duquel il compromettrait la rentabilité de son affaire. Par exemple, si le réassort des étalages n’était pas assuré, il perdrait des ventes en conséquence. De même, un nombre insuffisant de caissières pourrait lui faire perdre des clients trop pressés pour attendre. Or voilà qu’en embauchant de la main d’œuvre dans le but d’assurer la rentabilité de son affaire, notre capitaliste recevrait, suivant ce que prévoient les 27 objectifs, une récompense pour son « investissement créateur de l’emploi ». Il bénéficiera donc d’un bonus financier. En outre, s’il veut un crédit, celui-ci lui sera accordé à un taux très bas. Notre capitaliste ne va pas refuser : tout cadeau est bon à prendre. Mais peut-on vraiment appeler cela une mesure « anti-capitaliste » ? Ou n’est-ce pas au contraire une acceptation de la loi du profit ?
La stratégie que défend le texte pour éliminer le chômage et la précarité est fondée sur l’objectifd’augmenter la rentabilité des travailleurs embauchés, dans l’espoir que l’appât d’un gain incitera les capitalistes à embaucher d’avantage. En soi, c’est plus que discutable, comme on vient de l’expliquer, et comme en témoignent d’ailleurs les résultats nuls, en la matière, des subventions et ristournes massives dont le patronat bénéficie déjà depuis des décennies. Mais en outre, il existe un deuxième volet du projet de « sécurité d’emploi et de formation », qui aurait nécessairement pour effet de réduire les taux de profit des capitalistes, c’est-à-dire produirait l’effet inverse du premier volet. Le projet stipule, par exemple, que le patronat et l’Etat doivent conjointement financer ni plus ni moins qu’une formation professionnelle rémunérée pour chacun des quatre ou cinq millions de chômeurs, et ce jusqu’à ce que le chômage soit complètement éradiqué ! En tout état de cause, les capitalistes risquent de trouver que les primes et autre « bonus » que le projet leur accorde pour bonne conduite sont une bien maigre consolation par rapport aux conséquences de ces mesures-là sur leurs marges de bénéfices.
Dans une société socialiste, c’est-à-dire sur la base de la propriété sociale des moyens de production, il serait tout à fait possible d’éliminer rapidement le chômage. Grâce à une réduction significative de la semaine du travail, les travailleurs pourraient non seulement « se former » mais aussi et surtout s’éduquer au sens large du terme : s’ouvrir aux arts, à la science, à la connaissance du monde en général. Les travailleurs auront besoin de temps, aussi, pour participer activement à la gestion de l’Etat, de l’économie et de la vie sociale. Cependant, ce qui surprend, dans les 27 objectifs, c’est l’idée que le chômage puisse être complètement aboli sous le capitalisme, ce qui est totalement exclu.
Qui payera ?
Quand on présente ce genre de projet, la question qui surgit immédiatement est la suivante : qui payera ? En réponse, on entend souvent que « de l’argent, il y en a », et qu’il suffit de le prendre « là où il se trouve ». Si les choses étaient aussi simples, on aurait certainement réglé les problèmes qui nous préoccupent depuis longtemps. Il y a cependant un élément de vérité dans cette idée. Il est tout à fait exact qu’à notre époque, le niveau de développement des moyens de production et les merveilles de la technologie moderne génèrent une quantité de richesse qui pourrait largement suffire pour éradiquer sur toute la planète la pauvreté, la malnutrition et toutes les autres manifestations de la misère. De ce point de vue, oui, « de l’argent, il y en a » !
La difficulté, c’est précisément que cette richesse n’appartient pas à la société en général, mais aux capitalistes, qui en disposent comme bon leur semble. La classe capitaliste est une classe ultra-minoritaire, et elle n’est pas, de ce point de vue, une section de la société particulièrement puissante. En France, le nombre des propriétaires du système bancaire et de l’essentiel de l’outil productif ne dépasse certainement pas les 10 000. Il n’empêche que, précisément en raison de cette propriété, ils disposent d’un pouvoir économique énorme. Ceci signifie que le gouvernement ou le mouvement social qui s’apprêterait à « prendre l’argent là où il se trouve » ferait immédiatement face à une contre-offensive implacable de la part de cette minorité capitaliste. S’attaquer au profit capitaliste, dans une société où celui-ci constitue le moteur essentiel du système économique, c’est ouvrir une période de lutte impitoyable entre les classes, dont la seule issue favorable possible, du point de vue des travailleurs et de la jeunesse, passerait par l’expropriation des capitalistes pour mettre fin à leur pouvoir économique. Le problème n’est pas de savoir s’il y a « assez de richesses » - car effectivement, il y en a assez - maisquelle classe possède et contrôle ces richesses. C’est précisément en cela que réside toute la puissance révolutionnaire de l’idée communiste.
Changer de « logique » ou de système ?
Le chômage de masse est la conséquence de l’incapacité matérielle des capitalistes à fournir du travail à tous les salariés potentiels - faute de marchés et de rentabilité suffisante. Nous l’avons dit : la fonction des capitalistes n’est pas de créer des emplois, mais de faire un maximum de profit sur un marché donné. Aussi n’embauchent-ils que lorsque la rentabilité de leur affaire l’exige. C’est aussi pourquoi ils réduisent au minimum la main d’œuvre qu’ils emploient. Tous les capitalistes le savent : trop embaucher, c’est attenter à la rentabilité de son affaire. Or, selon l’idée fantastique des auteurs des 27 objectifs, il serait possible, tout simplement en mobilisant « les moyens de l’Etat, des régions et des entreprises »,de faire en sorte que le capitalisme embauche le salariat tout entier, qu’il en ait besoin ou pas. De surcroît, il devrait payer doublement tous les travailleurs qu’il ne peut immédiatement absorber : en effet, le texte précise que ceux-ci doivent bénéficier d’une formation - ce qui coûte de l’argent - tout en touchant une rémunération équivalente à un salaire. Et le critère de la rentabilité capitaliste, qu’en font-ils, les architectes de ce projet ? Ils ne s’en occupent pas ! Ils sont, voyez-vous, dans une autre « logique » ! Ils ont fait d’autres « choix » !
Décidément, la « logique » des auteurs de ce projet ne correspond à aucune réalité. Or, ce n’est pas parce que leur logique refuse de tenir compte des lois du système capitaliste que celles-ci cessent de s’appliquer dans les faits. Sans parler d’embaucher quatre millions de personnes, ou de leur payer une formation rémunérée à hauteur d’un salaire, si un futur gouvernement de gauche devait tenter d’imposer aux capitalistes des embauches non rentables, même à une échelle beaucoup plus modeste, ces derniers réagiraient très vigoureusement par une baisse dramatique des investissements, par une fuite des capitaux, des délocalisations, la fermeture d’entreprises, la spéculation contre la monnaie, et bien d’autres formes de déstabilisation et de sabotage économiques. Actuellement, nous avons un exemple très concret, au Venezuela, de ce genre de sabotage. En France également, en 1981-1982, les capitalistes avaient lancé avec succès une offensive de ce type dans le but de forcer le gouvernement Mauroy à abandonner sa politique de réforme sociale.
Cette réaction des capitalistes serait d’autant plus virulente que le projet « de sécurité d’emploi ou de formation » est loin d’être le seul élément, dans le programme des 27 objectifs, qui menace directement la rentabilité du capital : il y a aussi les 35 heures pour tous, le relèvement important du SMIC et des autres salaires, l’amélioration des conditions de travail, la restriction de l’emploi précaire, des CDD, etc. Or, encore une fois, nous savons pertinemment comment réagissent les capitalistes lorsque leurs profits sont menacés. Dès l’annonce des mesures en question, ils passeraient à la contre-attaque. Il s’agirait alors d’une lutte titanesque contre les capitalistes, qui y jetteraient toutes leurs forces. Malheureusement, au lieu d’un programme audacieux pour briser l’offensive capitaliste, axé autour de la nationalisation des grands groupes industriels et financiers sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs, les auteurs des 27 objectifs nous suggèrent de savants « montages financiers » (subventions incitatives par-ci, amendes punitives par-là), des « fonds spéciaux », ainsi que des « institutions nouvelles » et autres « tables rondes ».
La défense du secteur public
Le secteur public est en cours de démantèlement depuis de nombreuses années. Les privatisations réalisées par la droite, mais aussi par le gouvernement Jospin (pour 31 milliards d’euros), sont tout à fait inacceptables. Ces entreprises devraient être immédiatement renationalisées, sans indemnisation des actionnaires, sauf pour les plus modestes d’entre eux. Ainsi, les premières revendications de la section consacrée aux services publics - « revenir sur les privatisations » et « démocratiser et moderniser les services publics » - seront soutenues par tous les communistes. Cependant, la suite de cette section laisse planer un sérieux doute quant à la signification exacte de ces formules.
Plutôt que de parler de nationalisations, le document évoque la nécessité d’une « responsabilité publique et nationale » sur des « pôles publics d’impulsion » de services essentiels tels que l’énergie, l’éducation, les transports, la santé, le logement, la poste et les télécommunications. Dans la section 8, qui aborde le domaine de la santé, le texte évoque la nécessité d’un « pôle public et citoyen du médicament ». Ces très vagues formules peuvent vouloir dire tout et son contraire. Ainsi, en quoi ces domaines de « responsabilité publique », ces « pôles d’impulsion » et autres « pôles citoyens » se distinguent-ils des mêmes notions qui, entre 1997 et 2002, ont servi de couverture à l’introduction de capitaux privés dans le secteur public, ou encore à la filialisation de ces mêmes services publics, première étape d’une privatisation ?
Nous sommes dans le flou artistique le plus complet. Ce langage mystérieux ne peut que nuire à la crédibilité du parti. Les travailleurs de ce pays ont besoin d’un programme clair et sans ambiguïté. Prenons le cas de France Télécom. Le PCF est-il, oui ou non, pour la renationalisation complète de cette entreprise ? Le texte ne le dit pas. Ce qu’il dit, c’est que le parti est favorable à l’instauration d’une « responsabilité publique » sur le secteur des télécommunications. Mais cette formulation est beaucoup trop vague - et, soit dit en passant, s’accommode parfaitement des formulations tout aussi vagues que l’on trouve dans les argumentaires du Parti Socialiste sur ce thème.
Ensuite, la même section 8 dit qu’il faut préserver les services publics des accords AGCS qui stipulent l’ouverture à la concurrence internationale, « en les excluant du secteur marchand ». C’est une bonne idée, mais là encore, le propos est beaucoup trop ambigu. Si les services publics - par exemple, France Télécom - sont « exclus » du secteur marchand, mais que l’on ne touche pas aux grandes entreprises privées et concurrentes telles que Bouygues et Cegetel, entre autres, cette « exclusion du secteur marchand » laissera France Télécom, même renationalisée, dans une position de concurrence « marchande » par rapport au secteur privé. Le texte lui-même exprime clairement cette contradiction lorsqu’il prétend vouloir « sortir les services publics du secteur marchand », tout en précisant que ceux-ci... « constitueront autant de leviers pour peser face au marché » !
L’ambiguïté de l’expression « revenir sur les privatisations » - qui ne signifie pas forcémentrenationalisation - est malheureusement aggravée par les précisions qui sont données, en marge du texte, sur le mode de financement des fameux « pôles publics ». Ils doivent bénéficier, selon le texte, « d’un accès à de nouveaux financements émancipés du marché financier, grâce à la mise en place de crédits bancaires sélectifs favorisant l’emploi et la formation ». Or, si ces « pôles » appartenaient à l’Etat - et non à des intérêts privés chapeautés par une quelconque « responsabilité nationale » - leur financement ne dépendrait pas de crédits bancaires, mais de l’investissement direct de l’Etat, et ce non seulement pour l’emploi et la formation, mais pour l’ensemble des besoins des services concernés. Encore une fois, on ne peut pas éviter l’impression que, dans l’esprit des auteurs de ce programme, ce qui constitue l’essence d’un « pôle public », c’est précisément le fait de bénéficier de crédits moins chers et de subventions de la part de l’Etat, lequel pourrait en être actionnaire, en même temps que des investisseurs capitalistes. Si c’est cela que l’on entend par « revenir sur les privatisations », alors nous sommes très loin de répondre à la gravité de la crise qui touche l’ensemble des services publics.
Que faire du secteur capitaliste ?
La défense et l’élargissement des services publics sont un combat essentiel du Parti Communiste. Et pourtant, comme nous venons de le constater, la manière dont les 27 objectifs abordent ce combat est loin d’être satisfaisante. Toutefois, même si on fait abstraction des formulations brumeuses qui caractérisent cet aspect du texte, il faut bien comprendre que tant que le secteur public demeure marginal par rapport au secteur capitaliste, il sera nécessairement subordonné à celui-ci. Certes, il faut résister à tout ce qui tend à miner et à dénaturer les services publics. Mais un programme communiste digne de ce nom ne saurait se limiter à un objectif aussi partiel et défensif. La crise du capitalisme tire tout vers le bas. Elle refoule la société en arrière. En fin de compte, dans un contexte de stagnation économique, de régression sociale, de pauvreté généralisée et de faillite financière de l’Etat (dont la dette dépasse désormais 1000 milliards d’euros), il ne sera tout simplement pas possible de maintenir des services publics de qualité sans commencer par briser le pouvoir économique des capitalistes et mettre l’économie au service de la société toute entière.
La section 22 du texte s’ouvre sur une affirmation tout à fait surprenante : « Les actionnaires considèrent les entreprises comme leur propriété privée et ne les dirigent qu’en fonction de leurs intérêts. » Incroyable, non ? Or, bien évidemment, si les actionnaires « considèrent » les entreprises comme leur propriété privée, c’est pour cette raison bien simple qu’elles sont effectivement leur propriété privée. A ce titre, ils « ne les dirigent qu’en fonction de leurs intérêts », c’est-à-dire en font ce qu’ils veulent. C’est là tout le nœud du problème. Et pourtant, à ce sujet, le texte avance une série de propositions superficielles qui sont censées faire en sorte que les entreprises capitalistes « assument leurs responsabilités sociales et environnementales ».
Quelles sont, au juste, ces propositions ? Il y en a quatre. La première concerne de « nouveaux pouvoirs d’intervention des salariés sur les choix stratégiques » de l’entreprise capitaliste, et notamment le droit, pour le Comité d’Entreprise et les comités de groupe, de « suspendre tout plan social afin de présenter des projets alternatifs. » La deuxième dit la même chose, sous une forme un peu différente, en réclamant un partage des pouvoirs (des capitalistes) avec « les salariés et les élus concernés [...], jusqu’à la définition des orientations stratégiques ». Les troisième et quatrième propositions réclament respectivement un meilleur contrôle de l’argent donné aux capitalistes par l’Etat et la validation des accords par les organisations syndicales représentant une majorité des salariés.
Au sein du Parti Communiste, nous avons la chance d’avoir un nombre considérable de syndicalistes expérimentés. Ces camarades savent très bien qu’à chaque fois qu’il y a un plan social ou un plan de fermeture d’une grande entreprise, les salariés, les syndicats, les élus locaux, les députés et parfois même des représentants du gouvernement s’en mêlent, font des propositions, présentent des plans alternatifs, protestent, s’indignent des conséquences sociales, etc. Mais les propriétaires et actionnaires des entreprises concernées écoutent ou n’écoutent pas ces propositions « en fonction de leurs intérêts », comme le dit le texte. En clair, si les propositions ne satisfont pas leurs critères de rentabilité, ils ne veulent rien savoir. Dès lors, qu’est-ce que la proposition concernant les « pouvoirs de présenter des projets alternatifs » peut changer en la matière ? Strictement rien. On peut toujours faire despropositions - aux capitalistes, au Président de la République, à George W. Bush ou à la Reine d’Angleterre. Cela ne leur pose aucun problème tant qu’ils conservent le pouvoir de décision, ce qui veut dire, dans la sphère économique, la décision de retirer ou de ne pas retirer leur capital. Cependant, les auteurs de 27 objectifs font totalement abstraction de cette réalité. Ils semblent dire que la fermeture d’une entreprise est le plus souvent le résultat d’un malentendu, ou d’une absence de discussion, alors qu’il s’agit d’une décision tout à fait réfléchie et consciente de la part des capitalistes, qui considèrent que l’entreprise en question n’est pas assez rentable pour justifier leur investissement.
Ce qui sous-tend les deux premiers points de cette section du texte, c’est l’idée que face à un projet de fermeture d’entreprises ou de licenciements massifs, il peut exister une solution qui convienne à la fois aux capitalistes et aux travailleurs, et qu’il suffit juste de la trouver. Mais que faire, au juste, en l’absence d’une telle solution ? Malheureusement, on ne trouve nulle part la moindre amorce d’une réponse à cette question. Telles sont les limites de l’idéologie fondée sur le ralliement à ce que Robert Hue, en son temps, avait appelé « l’économie de marché à dominante sociale ». Elle peut se résumer ainsi : la propriété capitaliste de l’économie est inviolable, mais on s’efforcera de convaincre les capitalistes d’assumer tout de même leur prétendue « responsabilité sociale ».
La crise du logement
Dans la partie du texte concernant la crise du logement, les 27 objectifs fournissent une illustration limpide de la portée extrêmement étriquée que s’impose un projet de réforme qui n’ose pas dépasser les limites fixées par la propriété privée des moyens de production. Nous connaissons tous les statistiques alarmantes sur les mal-logés et les SDF. Nous connaissons aussi les problèmes du manque de logements sociaux, de la dégradation des conditions de logement, de la hausse spectaculaire des loyers, des discriminations raciales et sociales dans le choix des locataires, ou encore du comportement spéculatif des grands propriétaires du secteur immobilier. Et nous savons que l’industrie du bâtiment réalise des profits faramineux.
Sur la base de la nationalisation de l’industrie du bâtiment, des sociétés immobilières, des agences de location et des biens immobiliers des grands propriétaires, il serait possible de jeter les bases d’un véritable plan de logement national pour éliminer les inégalités et les ravages que produisent la course au profit dans ce secteur. Mais puisqu’il n’est pas question, dans les 27 objectifs, de toucher aux intérêts fondamentaux des capitalistes, on se retrouve avec une petite liste de mesures qui, quoique positives en elles-mêmes, n’auraient pratiquement aucun impact sur l’actuelle crise du logement. Il s’agit de dispositifs destinés, notamment, à empêcher l’expulsion de personnes en difficulté financière et à éviter les coupures d’eau, de gaz et d’électricité. Un « nouveau service public du logement » pourrait, nous dit-on, « maîtriser le foncier et lutter contre la spéculation » - tout en laissant les banques, les sociétés immobilières et les grandes entreprises du bâtiment entre les mains des capitalistes.
En matière de loyers, la seule mesure présentée ne concerne que peu de personnes et nous paraît par ailleurs à la fois démagogique et inégalitaire. Elle propose, dans le secteur public, « la suppression du loyer après 30 ans de location, lorsque les loyers cumulés représentent donc plus que la valeur du logement. » Or, il nous semble que si les organismes de logement sociaux - qui connaissent de graves difficultés financières - pouvaient se permettre de telles largesses, mieux vaudrait baisser le loyer de tous les locataires plutôt que d’imposer des loyers plus chers que nécessaire aux uns pour permettre aux autres de ne rien payer du tout.
Un genre de réformisme particulièrement timide
Les 27 objectifs sont un document qu’il faut lire très attentivement, car il est truffé de formulations qui donnent à ce programme un aspect plus « radical » qu’il ne l’est en réalité. En marge de l’énumération des propositions, par exemple, on peut lire ceci : « Le capitalisme ne s’intéresse qu’à la rentabilité financière. Au nom de la compétitivité, il fait la chasse aux dépenses sociales - salaires, prélèvements sociaux, dépenses publiques - et développe l’insécurité sociale, le chômage, la précarité [...]. C’est une logique absurde qui met les hommes au service de l’argent, au lieu de concevoir l’économie dans l’intérêt des êtres humains ». Et de conclure : « Nous proposons une toute autre logique : fonder le développement sur la satisfaction des besoins et la promotion des capacités humaines ». Tout ceci sonne plutôt « révolutionnaire » et « anti-capitaliste », et le serait effectivement si, au lieu de dire qu’on a affaire à une logique absurde contre laquelle nous proposons une autre logique, on disait qu’on fait face à un système économique absurde dont le socialisme est la seule alternative viable.
Au fond, le point de départ de ce texte est que l’essentiel de l’économie - les banques, les grands groupes industriels, les toutes puissantes chaînes de la grande distribution, la terre, les ressources naturelles - sont entre les mains des capitalistes et doivent le rester, la politique du PCF devant se limiter à quelques corrections aux marges du système. Ainsi, les 27 objectifs ne sont pas seulement un programme réformiste. Il s’agit d’une variété de réformisme particulièrement timide et superficielle.
Ceci n’est pas accidentel. A notre époque, la régression sociale est devenue une condition sine qua nonde l’existence du capitalisme, de sorte qu’il est devenu impossible d’envisager un programme audacieux de réformes sans se heurter immédiatement au « mur » des intérêts capitalistes. En conséquence, les dirigeants communistes qui n’osent pas franchir ce cap - c’est-à-dire abattre ce mur - ont tendance à limiter la portée des réformes qu’ils proposent.
Le projet communiste en France et dans le monde
Le texte se termine sur une section intitulée Monde : choisir la paix, la démocratie et le co-développement durable et solidaire. Comme ce titre l’annonce, le socialisme ne figure pas plus dans la partie internationale de ce programme que dans le reste du document. Par ailleurs, nous y retrouvons le même subjectivisme qui forme le fil conducteur de l’ensemble du texte (changer la conception du capitalisme pour le soumettre à une autre logique). Ainsi : « guerre américaine en Irak, pillage des ressources de la planète, enfoncement des peuples du Sud dans l’oppression et la misère, ravages du Sida en Afrique, montée des fanatismes, terrorisme... Ces fléaux ne sont pas une fatalité. Si la " mondialisation" se fait au profit des riches pour le malheur des pauvres, c’est qu’elle est conçue pour cela aujourd’hui, qu’elle est dirigée par les firmes multinationales et leur " bras armé ", les Etats-Unis. »
Relevons tout d’abord une erreur importante. Il est inexact de dire que les « Etats-Unis » sont le « bras armé » des firmes multinationales. En réalité, les forces armées américaines sont le bras armé des firmesaméricaines, tout comme l’armée française est le bras armé des grandes firmes françaises - en Côte d’Ivoire et au Togo, entre autres. Il s’agit là d’une erreur de formulation qui n’est pas tout à fait innocente, comme nous le verrons par la suite.
Le texte se poursuit en affirmant qu’une « autre mondialisation se fait de plus en plus entendre : celle qui permettrait aux peuples d’unir leurs efforts pour résoudre les grands problèmes d’énergie, d’eau, de réchauffement de la planète, de lutte contre le Sida ou le cancer ; celle qu’expriment l’immense mouvement de solidarité après la catastrophe en Asie, les mobilisations pour la paix, les forums sociaux mondiaux et européens », etc. Mais en quoi, au juste consiste cette « autre » mondialisation qui se ferait entendre et qui se serait exprimée dans les forums sociaux ? En bons sentiments ? En un programme politique ? Et veut-on sérieusement prétendre que les collectes au profit des victimes dutsunami ou la lutte contre le sida constituent une menace pour l’ordre capitaliste international, ou encore une « alternative » au capitalisme ?
Le texte n’en dit pas davantage, mais enchaîne directement sur un objectif assez audacieux : « supprimer définitivement toutes les guerres. » Les guerres, nous dit-on en guise d’argumentaire, « ne sont jamais la bonne réponse », car elles « avivent les haines, le terrorisme, le chaos ». Quelle stupéfiante profondeur d’analyse !
Si les guerres « ne sont jamais la bonne réponse », il faudrait nous expliquer pourquoi il y en a toujours eu autant. Nous ne sommes pas sûrs que les auteurs des 27 objectifs aient une idée très claire à ce sujet. Avançons quelques hypothèses. Est-ce que, par hasard, les guerres n’éclateraient pas lorsque que les « multinationales » ne parviennent plus à leurs fins (comme « le pillage des ressources de la planète ») par des moyens pacifiques ? La guerre en Irak n’aurait-elle pas ne fut-ce qu’un lointain rapport avec la nécessité vitale, pour l’impérialisme américain, de mettre la main sur les gigantesques ressources pétrolières de l’Irak et de renforcer sa position stratégique au Moyen Orient, qui fournit 66 % de la production pétrolière mondiale ? N’est-ce pas pour cette raison que les compagnies pétrolières américaines ont fait usage de leur « bras armé » ? Bien évidemment ! Par conséquent, si on raisonne en communiste et que l’on cesse de verser dans le sentimentalisme larmoyant des pacifistes qui font abstraction des intérêts de classe à l’origine des guerres, il faut reconnaître qu’il ne sera pas possible de « supprimer définitivement les guerres » sans avoir préalablement supprimé le capitalisme et l’impérialisme. « La guerre » disait Clausewitz, « c’est la continuation de la politique par d’autres moyens ».
Par ailleurs, il faudrait répondre à la question suivante : pourquoi, si la guerre « n’est jamais la bonne réponse », la direction du PCF a-t-elle soutenu - au gouvernement et dans une lettre solennelle adressée par Robert Hue à Jacques Chirac - la participation française à la guerre en Afghanistan ? Et faut-il exiger le retrait immédiat des forces françaises impliquées dans ce pays ravagé ? Nous pensons que oui. Mais cette revendication ne figure pas dans les 27 objectifs, pas plus que le retrait des troupes engagées pour le compte de l’impérialisme français en Côte d’Ivoire et ailleurs en Afrique. Le document se contente de demander le retrait d’Irak des troupes américaines - c’est-à-dire d’une puissance impérialiste en conflit d’intérêt avec l’impérialisme français. Or, si la guerre des Etats-Unis en Irak n’est pas justifiée, au nom de quoi l’intervention américaine et française en Afghanistan le serait-elle ?
En France, le projet de société dont le PCF a besoin ne saurait se résumer à une version prétendument « anti-libérale » du système capitaliste. Il doit être nécessairement fondé sur la nationalisation - ou la socialisation, si l’on préfère - des grands moyens de production. Il ne s’agit pas de reproduire, à une plus grande échelle, les caricatures monstrueuses des entreprises « nationalisées » qu’étaient Elf-Aquitaine ou le Crédit Lyonnais, mais d’arracher les grands groupes industriels, bancaires et de la distribution aux capitalistes qui les possèdent actuellement, de les placer sous le contrôle et la gestion démocratique des salariés à tous les niveaux, et de les intégrer dans une planification démocratique de l’ensemble des ressources économiques du pays. Aucune « logique » ne peut faire du capitalisme un système « tourné vers la satisfaction des besoins sociaux ». Les besoins sociaux ne pourront être satisfaits qu’en renversant le système capitaliste et en le remplaçant par un système socialiste.
Il ne sera pas nécessaire de nationaliser les boutiques, les cafés, les petits commerces et les entreprises artisanales. Mais il faudrait nationaliser toutes les banques, compagnies d’assurances et autres sociétés financières - avec les biens et moyens financiers qu’elles ont pu accaparer au fil des décennies - ainsi que tous les grands groupes des secteurs de l’industrie et de la distribution. L’accomplissement de cette transformation révolutionnaire constituera la base économique sur laquelle s’érigera une société nouvelle. Libérée du joug du capitalisme et de l’exploitation, la masse de la population détiendra enfin les clés de sa propre émancipation sociale et culturelle. Dans ces conditions, la France agira comme un phare pour les travailleurs et la jeunesse de tous les autres pays d’Europe et du monde. Armé de ces grandes idées révolutionnaires, les idées du marxisme, le PCF pourra enfin accomplir sa mission : mobiliser les travailleurs et toutes les victimes du capitalisme dans la lutte pour la transformation socialiste de la société.