L e 22 avril dernier, 6,4 millions d’électeurs ont voté pour le Front National. Le FN n’a pas réalisé des scores importants dans la plupart des villes. C’est surtout dans les petites communes rurales, dans les eaux stagnantes de la société – et dans les cerveaux stagnants qui y vivent – qu’il prolifère. Ceci est tout à fait dans l’ordre des choses. Mais ne sous-estimons pas pour autant la menace de l’extrême droite. Le score du FN traduit une progression des idées réactionnaires, nationalistes et racistes dans la société française.
L’ancrage électoral et la radicalisation de la droite – au point que, dans bien des domaines, les idées de l’UMP sont quasiment identiques à celles du FN – sont des expressions de l’impasse dans laquelle se trouve l’ordre capitaliste. Les profiteurs d’un système qui n’offre pas d’autre perspective qu’une dégradation constante du niveau de vie (sauf pour eux-mêmes) ont besoin de désigner des boucs émissaires, de multiplier les leurres et les subterfuges pour dissimuler les véritables causes de cette dégradation. Certains travailleurs et jeunes, désespérés mais ne comprenant pas la cause réelle des problèmes qui les assaillent de tous côtés, peuvent se faire prendre dans les filets de la démagogie nationaliste du FN. Tant qu’ils déchaînent leur colère contre les « étrangers » ou contre la « menace islamique », ils laisseront les capitalistes tranquilles.
Mais cela n’explique pas tout. L’électorat du FN n’est que partiellement composé de travailleurs et autres « braves gens » dupés. Le Front National s’inscrit dans une tradition réactionnaire profondément ancrée – et depuis longtemps – dans la société française. Les ligues fascisantes des années 30, les collaborateurs pendant l’occupation, les putschistes de 1958, les nostalgiques de l’oppression coloniale en Algérie ou en Indochine, les criminels et assassins gaullistes du Service d’Action Civique : c’est à tout cela que se rattache le « Lepénisme », qui a des adeptes aussi bien chez les capitalistes que dans la police, dans l’armée, dans les médias, chez les avocats et les professions libérales en général. Qu’on n’écoute pas cette propagande stupide sciemment répandue par les Sarkozy, Guéant, Hortefeux, etc., selon laquelle le vote lepéniste est le seul fait d’électeurs « qui souffrent ». Il y en a beaucoup qui ne souffrent pas du tout.
La menace de l’extrême droite va se préciser dans les années à venir. La crise sociale et économique actuelle n’est rien à côté de ce qui nous attend. La France prend la même voie que l’Espagne, avec son taux de chômage de 25 % – et même de 50 % chez les jeunes. La catastrophe sociale nous imposera des luttes dures, implacables. Pour le moment, l’élément consciemment réactionnaire et militant de l’électorat du FN – l’élément fasciste, en clair – ne constitue qu’une petite fraction de l’ensemble. Mais cela pourrait changer. Le Front National et ses électeurs constituent une réserve sociale importante dans laquelle les capitalistes pourront recruter les briseurs de grève et autres troupes de choc réactionnaires dont ils auront besoin dans leur combat contre la classe ouvrière organisée.
Face à ce danger, nous avons un travail de mobilisation à mener. La campagne du Front de Gauche a démontré l’énorme potentiel qui existe à cet égard. Mais nous avons aussi et surtout du travail sur le plan des idées et du programme. Des appels solennels aux prétendues « valeurs républicaines » ne servent à rien. Sous le capitalisme et sa république, il n’y a ni liberté, ni égalité, ni fraternité. Ce que nous avons, pour reprendre l’expression du communiste allemand Karl Liebknecht, ce sont des « loups libres parmi des poules libres ». Et comment pourrait-il y avoir d’égalité entre exploiteurs et exploités ?
Il faut démonter les arguments des racistes, certes. Jean-Luc Mélenchon avait raison de concentrer son feu sur le discours mensonger et les arguments fallacieux de Marine Le Pen. Mais il faut surtout armer le PCF et le Front de Gauche d’un programme qui frappe au cœur du système qui répand et nourrit les idées d’extrême droite. Notre programme ne peut pas se limiter à des revendications sur le pouvoir d’achat, l’emploi, les services publics, etc. Le système en place en sortira toujours vainqueur. Notre programme doit viser à briser définitivement le pouvoir des banques et des grands capitalistes. Il faut transférer le contrôle effectif de l’économie aux travailleurs.