Modèle allemand, une imposture, est un livre de Bruno Odent, journaliste à L’Humanité et membre du PCF, qui mériterait d’être beaucoup mieux connu des militants communistes, des syndicalistes, des jeunes et de tous ceux qui, en somme, cherchent à s’armer contre la propagande vantant les prétendues vertus de ce « modèle » qui n’en est pas un ! Cet ouvrage de quelque 200 pages recèle une masse d’informations qui réduisent en lambeaux les recettes de « l’orthodoxie libérale » mises en application par Schröder à partir du début des années 2000 et poursuivies par Merkel dans l’intérêt du patronat allemand. « Les Européens les moins convaincus des mérites du modèle allemand, ce sont sans doute les Allemands eux-mêmes », écrit-il.
Le livre s’ouvre en retraçant de façon nécessairement sommaire, mais instructive, la montée en puissance du capitalisme allemand au cours des XIXe et XXe siècles, avec la réémergence du mouvement ouvrier en Allemagne occidentale, après la défaite du nazisme, face à une classe capitaliste discréditée et affaiblie, tandis que l’URSS occupait la partie orientale du pays. Il explique dans quelles conditions le capitalisme allemand a pu connaître une période de croissance très forte après la guerre, ce qui lui a permis de devenir, bien avant la réunification de 1989, l’une des plus grandes puissances productives et exportatrices du monde. C’est une période qui se caractérise par de grandes avancées sociales pour la classe ouvrière allemande. Bruno donne un aperçu très intéressant, aussi, de la manière dont la réunification a été faite dans l’intérêt des grands groupes capitalistes ouest-allemands.
Mais la partie du livre la plus utile pour notre combat actuel est sans doute celle dans laquelle l’auteur nous fournit une description accablante, étayée par de nombreux faits et statistiques pertinents, des conséquences sociales désastreuses de l’évolution de la société allemande depuis l’an 2000. Bruno Odent passe en revue les différents aspects de la destruction systématique des conquêtes sociales du mouvement ouvrier, que ce soit en matière de prestations sociales, de droits des salariés (dont notamment ceux qui les protégeaient contre des licenciements abusifs), d’assurance maladie, de retraites et de réglementation du marché du travail.
Il détaille, en particulier, le contenu des fameuses « lois Hartz » (2003-2005) qui n’étaient rien d’autre que ce que Bruno appelle « une machine à pulvériser les acquis sociaux du vieux système rhénan ». Le salaire moyen a baissé de 4,2 % en dix ans et 80 % des actifs ont perdu du pouvoir d’achat entre 2000 et 2010. C’est un véritable phénomène de paupérisation qui est en cours. Et l’argument selon lequel cette régression sociale permettrait une relance de l’économie allemande ne résiste pas à l’examen des faits : « Les effets du krach de 2007-2008 sont toujours loin d’être surmontés. Ainsi, la production industrielle allemande n’a toujours pas rattrapé le niveau qu’elle avait atteint avant la récession. Pour une base 100 de référence en janvier 2008, elle se situait à 94,5 en décembre 2012. » Vers la fin du livre, quelques pistes sont données pour l’élaboration d’une politique alternative, face à cette catastrophe sociale. Mais quoi qu’on pense de l’approche programmatique de l’auteur, le livre de Bruno Odent apporte une contribution importante à la lutte pour contre la propagande capitaliste et son « modèle allemand ».